Le scoop le plus extraordinaire auquel un journaliste puisse jamais rêver serait celui d’annoncer qu’on lui a confié la preuve irréfutable de l’existence ou de la non existence de Dieu.
En effet si la physique et la biologie expliquent assez bien le processus qui s’est déroulé durant 15 milliards d’années depuis le Big-Bang, jusqu’à produire qui nous sommes, elles restent muettes sur l’origine de l’univers avant le Big-Bang. Les lois de l’univers sont préexistantes et loin d’être négligeables, sans que l’on sache d’où elles viennent. Expliquer un processus, même dans ses moindres détails, ne suffit pas pour expliquer l’origine du processus, le facteur déclenchant qui a conduit au monde dans lequel nous sommes. Si vous observez une boule de billard qui roule sur son tapis, heurter d’autres boules, rebondir sur les bandes pour finalement marquer un point, vous pourrez décrire tout ce processus de causes à effets, la cinétique de chaque boule, l’accélération en fonction de leur masse respective etc…Grâce à Newton tout cela peut parfaitement être mis en équation, mais restera néanmoins mystérieux si vous n’avez pas vu la frappe de la queue de billard sur la première boule. Ainsi l’énigme de notre monde restera entier tant que nous n’aurons pas élucidé le primum movens, l’énergie primordiale qui a mis en branle le monde dans lequel nous vivons .
Le mystère des origines est donc hélas toujours intacte, dommage pour le scoop de Larry King. Néanmoins la science nous permet de revisiter certaines notions sur les mythes fondateurs auxquels nous devront renoncer, même à regret. Il nous faut bien revoir cette image populaire d’un Dieu tout-puissant, vénérable barbu assis sur un nuage après avoir crée le monde en sept jours. Mais il est bien difficile à l’homme de ne pas imaginer un Dieu qui lui ressemble, avec ses propres tourments. La notion de Dieu, si nous tenons à conserver le mot, pourrait être cette énergie primordiale qui gouverne le monde, et par conséquent bénéfique, puisqu’elle nous permet d’exister. Cette vibration première a donné le la à tout ce qui existe ; les atomes, les molécules, les cellules vivantes continuent de vibrer à cette impulsion primordiale et de façon synchrone. Cette soupe d’énergies est loin d’avoir livré ses mystères.
Tout d’abord cette étrange symétrie entre l’énergie et la matière et cette autre symétrie entre le visible et l’invisible. Le visible n’est pas seulement ce que l’on voit avec ses yeux, mais aussi toutes ces forces électromagnétiques et gravitationnelles que les physiciens mesurent. Mais l’invisible contient aussi son énergie et sa matière que la physique moderne dénomme « énergie et matière sombre » et dont la masse serait six fois supérieure à celle de notre univers. « Invisible », parce que nous sommes aveugles et qu’aucun instrument de mesure adapté à notre univers n’est capable de le détecter. Il existerait ainsi des dizaines de particules inconnues, en attente de l’être, qui seraient symétriques des particules atomiques connues dans notre matière. Telle serait cette « supersymétrie », selon la terminologie des physiciens. Selon les calculs un milliard de ces particules de matière sombre est déjà passé à travers votre corps depuis que vous avez commencé à lire cette chronique !(1)
De son côté la neurobiologie entre à son tour dans de mystérieuses contrées. Pendant longtemps les chercheurs pensaient que lorsque le cerveau était au repos les neurones étaient silencieux, juste animés d’un bruit de fond, et se réveillaient lorsqu’une activité mentale le nécessitait. Mais des travaux récents montrent que le cerveau au repos, même sous anesthésie, est parcouru par une intense énergie inconnue et que les neurones émettent en permanence une pulsation à raison d’une impulsion toutes les dix secondes. Cette « énergie noire du cerveau », jusqu’ici insoupçonnée joue le rôle d’un chef d’orchestre qui coordonne toute l’activité cérébrale. Ces impulsions assurent le tempo et donnent accès à la conscience lorsque le cerveau s’éveille. On peut simplement se demander à quelle horloge cosmique ces impulsions sont-elles synchronisées ? A quelle symétrie invisible notre cerveau est-il soumis ?(2)
Pour revenir sur terre, rappelons que nous sommes à la fois matière et énergie, c’est à dire corps et esprit, l’un et l’autre émanation de qui nous sommes. Un jour notre énergie est devenue matière et nous savons que cette matière redeviendra énergie. En physique le néant n’existe pas et, en ce sens, nous sommes éternels, partie d’un Grand-Tout qui n’a pas fini de nous étonner et d’émerveiller les enfants de nos enfants sur de nombreuses générations. Alors, que recouvre le mot Dieu dans tout cela ? Est-ce la somme de ces énergies, l’équation finale explicative du Grand-Tout ?
(1) Dark Worlds, Scientific American, November 2010 , 22-27
(2) The Brain’s dark energy, Scientific American, March 2010, 28-33
Merci de donner votre point de vue sur cette chronique.
Citation du jour:
” Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’homme“.
Antoine de Saint Exupéry- dernière phrase de “Terre des hommes“
Je pense que la notion de dieu n’est qu’une solution désespérée de l’homme pour exorciser l’angoisse de n’être qu’un enfant du hasard, une progéniture sans géniteurs, la résultante d’une partie de billard qui se joue à l’échelle du temps cosmique, une des solutions trouvée par l’Evolution pour recycler la matière, cette fameuse “poussière d’étoile”.
L’homme veut savoir “qui” est à l’origine, tel un orphelin à la recherche de son identité. Mais de “qui”, “quoi” ou “pourquoi” il n’y en à point! La seule vrai question est “comment”. C’est ce “comment” que la science cherche à comprendre, parfois maladroitement, enfermée dans ses doctrines. Mais la vie se foue des doctrines!!! Elles suit son cours comme un ruisseau suit le sien, innexorablement, fendant la roche, pénétrant la terre et se jetant dans la mer. Cette mer qui cherche sa source sait-elle qu’elle en est l’origine?
Certainement que la notion de Dieu est une solution que l’Homme a trouvée pour donner un sens à sa présence sur notre belle Terre … Maintenant, Frédéric, pourquoi cette solution serait-elle “désespérée” ? Je la trouve plutôt joyeuse et élégante ! Car enfin, lorsque nous évoquons la notion de Dieu, il est bien clair que nous n’imaginons pas un homme barbu assis sur son nuage … Yves le dit très bien dans sa chronique : nous avons quand même renoncé à cette image anthropomorphique ! Non, je pense pour ma part que le mot Dieu recouvre une énergie première, une source énergétique pleine de mystère et … d’amour. L’amour de la vie, l’amour qui nous meut, l’amour qui nous nourrit à travers l’air que nous respirons, les aliments que nous mangeons, les regards que nous échangeons …
Nous ne sommes pas nés du hasard mais de l’échange entre deux êtres, nous ne sommes pas orphelins mais enfants de la vie.
Mais pourquoi tant se fatiguer les neurones à vouloir expliquer l’inexplicable? ce n’est pas avec le cerveau gauche que l’on passe de l’autre côté du voile – la notion de Source est une expérience intérieure unique pour chacun, qui ne s’approche que par l’énergie féminine – heureusement le temps est venu ou certains scientifiques ont l’ humilité de sauter dans le vide mental de leur propre vécu intime et témoignent… le voile se déchire de multiples façons entre le visible et l’invisible car le cycle présent est favorable aux révélations et nous commençons à expérimenter la conscience de l’illimité et la joie de retrouver notre liberté originelle.
Pour moi, l’énergie n’est pas l’Esprit qui est au-delà de tout mouvement, de tout espace, de toute notion de temps, mais plutôt le vecteur et l’animateur de l’Esprit-source vers et dans la matière.
Le débat quant à l’existence de Dieu est éternel.
Cependant, Dieu est plutôt une expérience qu’un concept. C’est sans doute pourquoi, quel que soit les peuples et le temps, Dieu a été au coeur de la vie de l’homme: il en fait l’expérience intime !
Si Dieu Est (ou quelque soit le nom qu’on lui donne – ou qu’on ne lui donne pas), il Est qu’on croit en lui ou non: Dieu en tant que concept est une émanation du mental humain, mais en tant qu’essence nous en sommes l’émanation.
Quant au mental, je ne peux que te renvoyer au pari de Pascal…
Bises
Par vos commentaires vous confirmez que le mystère des origines demeure et occupera les hommes pendant encore longtemps. Il semble difficile de remettre en cause le processus de causes à effets qui conduit jusqu’à nous depuis le Big-Bang et que la science tente de décrypter. Mais ce qui me frappe et m’émerveille le plus c’est, d’une part la somme d’intelligence qu’il y a dans la matière et dans le vivant, et d’autre part la beauté du monde aussi bien au niveau d’un atome qu’au niveau d’une fleur des champs. Comment le hasard et la nécessité peuvent expliquer tant d’intelligence et tant de beauté?
Je vous conseille à ce propos la lecture du livre de James Gardner: “The Intelligent Universe and the emerging Mind of the Cosmos”. C’est stimulant…