249 – REGARD SUR LE TRAVAIL

Je ne sais pas quelle est votre relation au travail. Pour vous, est-ce une corvée, un jeu, une fuite, est-ce une source d’épanouissement ou bien même une valeur sacrée?

Le regard que nous portons sur le travail est, en fait, à la fois très personnel et aussi très culturel. Ainsi, la civilisation occidentale est traditionnellement orientée vers le travail qui fut la source de sa prospérité. C’est en ce sens qu’elle est devenue une civilisation matérialiste avec ses bienfaits et ses méfaits. Tandis que d’autres cultures sont plus méditatives, plus spirituelles ou plus ludiques.

 Il est étonnant de constater des différences très importantes, à l’intérieur même de la culture occidentale. C’est ainsi que le monde protestant possède une véritable éthique du travail, considéré comme un moyen d’atteindre à la fois l’épanouissement et la prospérité. Dans les pays de culture protestante on constate un grand respect du travail et de l’argent. Le travail y est considéré comme intrinsèquement bénéfique. C’est un peu différent chez les catholiques…

Les conséquences de cet état d’esprit sont considérables. A partir du moment où le travail n’est pas une corvée mais, au contraire, est  sacralisé, les citoyens sont heureux de travailler et, quoi qu’il arrive, ils cherchent à travailler. J’ai l’expérience du travail dans deux pays très proches, mais très différents : La Suisse et la France. La Suisse, de culture protestante, aime le travail et l’argent. La durée hebdomadaire du travail est de 42,5 heures et, au cours d’une année, les Suisses sont heureux de travailler près de 2000 heures pendant que les Français, de culture catholique, travaillent environ 1500 heures, avec un record mondial de 38 jours de vacances! Un référendum aura lieu en Suisse le 11 Mars prochain pour décider si les citoyens veulent augmenter la durée des vacances : les sondages prédisent une large majorité en faveur du refus. L’âge de la retraite est à 65 ans en Suisse, pendant que les Français voudraient bien la prendre dès 60 ans.

Lorsque le travail est sacralisé et reconnu comme fondamentalement bénéfique, les relations dans le travail sont apaisées, les conflits sont rares et, quoi qu’il en soit, sont résolus par le dialogue. Ainsi, face à la crise, les Suisses réagissent en se disant « il faut se retrousser les manches et travailler plus, afin de garder notre compétitivité ». Des mesures ont été prises dans ce sens dans diverses entreprises. Chacun est conscient que le travail apporte la prospérité et participe à l’épanouissement.

Au contraire, lorsque le travail est regardé comme aliénant, voire dégradant, tout peut être source de conflits et l’ambiance s’en trouve altéré. C’est ainsi que les pays dans lesquels cet état d’esprit règne, l’absentéisme est élevé et surtout la grève remplace le dialogue. Face à la crise actuelle, nous voyons ces pays se mettre en grève, c’est à dire qui, littéralement, se sabordent. Ce phénomène est aggravé par la démagogie des politiques qui ont mis dans la tête des gens que le travail est quelque chose de mauvais, alors qu’il est fondamentalement humain. On remarquera que la dévaluation du travail va de paire avec le mépris de l’argent, considéré comme sale. Dans ces pays dont l’attitude, finalement, fabrique la pauvreté, la richesse est méprisée…

 Je ne prétends pas qu’une attitude est mieux qu’une autre, je crois que chaque peuple choisit sa destinée. Les uns peuvent préférer plus de loisirs et moins d’argent et les autres plus de travail et plus de prospérité. Naturellement la difficulté survient lorsque ceux qui ont choisi de travailler moins voudraient aussi être prospères !

Néanmoins, il suffit de voyager un peu pour constater que ce regard que les gens portent sur le travail a des répercutions sur toute leur vie. Le plaisir au travail induit des relations plus détendues sur tous les aspects de la vie, y compris sur l’accueil, sur le sourire, sur la convivialité et tout simplement sur le bonheur d’être ensemble. A l’inverse, nous pouvons observer que dans les pays où le travail est une corvée, les gens sont plus crispés, peu avenants, revendicatifs, voire agressifs et finalement ne semblent pas très heureux.

Cette disparité culturelle est importante et se retrouve également au niveau des différentes cultures familiales. Beaucoup argumenteront que tout le monde n’a pas la chance d’avoir un travail qu’il aime. Je répondrais qu’il appartient à chacun de choisir un métier qui lui plait. S’il existe des pays où cela n’est pas possible, c’est que le système éducatif  a, sans doute, de très graves carences qu’il convient de réformer. Tout se tient !…

P.S. Je souhaiterais avoir l’avis des Québécois, de culture catholique. Leur vision du travail est-elle influencée par la culture Anglo-saxonne ?

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7 commentaires

  1. J’aurais aimé faire un métier qui me plaise mais dans ma jeunesse (j’ai 63 ans) on ne posait pas la question aux enfants sur ce qu’ils voulaient faire plus tard !
    mon frère “a fait mécanicien” comme mon père et moi qui n’avais que des aptitudes artistiques donc “qui ne savais rien faire” j’ai été dirigée en “sténo-dactylo” métier que j’ai exécré toute ma vie !!
    je n’aimais que dessiner, peindre, écrire, bricoler… mais à l’époque, pour une famille d’ouvrier, ce n’était guère une profession…
    J’ai tenté de me rebeller une ou deux fois, sans conviction et j’ai vécu toute ma vie dans un milieu que je détestais (par obligation alimentaire) en finissant ma carrière dans le juridique, ce qui est quand même un exploit pour quelqu’un aussi peu terre à terre que moi !
    Le moment de la retraite fut le plus beau jour de ma vie !
    je vis totalement mes passions : je fais du théâtre, je peins des tableaux (sans avoir suivi aucun cours) je crée des compositions de toutes sortes, j’écris, je jardine,… J’ai parfois la nostalgie de ce que j’aurais pu réussir si j’avais eu assez de cran…car aujourd’hui la force est moins grande et la lenteur a remplacé l’enthousiasme …

    1. Merci Dany pour votre beau témoignage et bravo pour une retraite heureuse.
      Vous avez raison de dire qu’il n’était pas toujours facile de faire le métier pour lequel on était fait. Un fils de paysan devenait un paysan et ne pouvait envisager rien d’autre; de même un fils ou une fille d’intellectuels reste aujourd’hui encore soumis à la pression familiale pour faire un métier dans la tradition familiale, même s’il est plus doué pour un métier manuel ou artistique…

  2. …encore aujourd’hui, le mépris que certains professeurs ont pour des élèves qui ne choisissent pas une voie intellectuelle est révoltant …le système éducatif français est une catastrophe !!! Rare sont les professeurs qui donnent envie à leurs élèves de connaitre…si bien que nous trouvons des élèves en difficultés, alors qu’ils ont une vraie connaissance et une curiosité de tout et, par ailleurs, des étudiants (Bac + 5) dont les connaissances sont plus que médiocres …sans compter leur incapacité à rédiger un texte qui puisse être compris tant le nombre de fautes d’orthographe est “dense” !!!
    Notre société ne cherche pas l’épanouissement de chacun, mais apprend à “paraître” !
    …la décadence a commencé !!!

    1. Le système éducatif français est à repenser totalement, il est devenu une machine onéreuse à fabriquer des chômeurs. Mais l’éducation nationale est un état dans l’état, archaïque et incapable d’accepter la moindre remise en cause.

  3. Le système éducatif est à repenser totalement !!! Je suis tout à fait d’accord .
    Si, aujourd’hui, je devais “recommencer” l’éducation de nos enfants…j’éviterais l’éducation nationale !!!

  4. Pour répondre à votre demande de commentaires de Québécois: nous avons été beaucoup plus influencé par l’église Catholique que par les Anglo-Saxons. En ce qui a trait au travail, nous vivons (surtout au niveau des employés du secteur publique) une culture de revendication et de droits aux acquis. On semble oublier que ces “acquis”, ils les ont obtenu en prenant indirectement les citoyens à la gorge, ce qui leur enlève toute légitimité. La loi du marché fait en sorte que les bonnes conditions doivent provenir de la rareté.

    Par ailleurs, des statistiques récentes démontrent que le Québec est la province canadienne où les gens travaillent le moins d’heures et gagnent le moins d’argent. Cette attitude face à l’argent (mépris, méfiance envers ceux qui en ont) est un reflet des années de forte influence de l’Église. Il y a là une remise en question collective à faire.

    Il faut que le collectivisme québécois (si je peux inventer le terme…) soit axé autrement que sur la revendiquite… car têter les mamelles du gouvernement a ses limites, qui sont atteintes. Heureusement, quelques chroniqueurs de journaux commencent à sonner l’alarme. (Où seraient-on sans eux?)

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