568 – L’ECOPSYCHOLOGIE

 

Plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, notre société technico-industrielle, très urbanisée, très mécanisée et très informatisée, a perdu le contact avec la nature. Cette rupture désormais profonde nous laisse mutilés et constitue, en partie, la source de bien des désordres mentaux.

Cette prise de conscience de l’importance de nos liens avec la nature, et de notre appartenance totale à cette globalité, se fait jour progressivement parmi ceux qui réfléchissent au devenir de l’humanité. Il convient de se rendre à l’évidence, nous ne sommes pas des individus isolés, mais au contraire en totale interaction avec ceux qui nous entourent, non seulement la famille, l’ensemble des sociétés humaines, y compris celles qui nous ont précédé, mais aussi avec la terre que nous foulons, avec les plantes qui nous entourent, avec les animaux que nous croisons, avec la totalité de notre environnement. Nous sommes donc insérés et immergés dans une globalité qui nous nourrit et nous protège.

A une époque où nous sommes non seulement coupés de la nature, mais encore où nous l’exploitons, nous l’épuisons, nous la polluons, il est temps de tenter de revenir aux sources. Cette réflexion nouvelle se fait, entre autre, au sein de l’écopsychologie, confluent et point de convergence d’un grand nombre de disciplines, plus ou moins académiques, ce qui atteste d’un grand mouvement vers la globalité, vers l’unité du monde : anthropologie, ethnologie, sociologie, psychologie, écologie, urbanisme, économie, histoire, traditions spirituelles et chamanisme.

L’écopsychologie est tout simplement la prise en compte du fait, trop Screen-Shot-2013-05-07-at-1.52.28-PM-247x300souvent oublié, que nous ne faisons qu’un avec la nature, en interaction totale avec elle, comme dans une sorte de fusion et d’osmose. D’une certaine manière on peut dire que le père spirituel de l’écopsychologie est Carl Gustav Jung dont le fondement de la pensée rattache l’humain à l’ensemble du monde vivant, à la totalité de la Terre-mère et à tout l’univers cosmique dont chacun de nous est une pièce non autonome dans cette immensité. Sa notion si fondamentale d’inconscient collectif et d’archétype nous rattache à tous les peuples de la Terre, depuis la nuit des temps, à leurs peurs, à leurs rêves et à leurs visions : « Ne sommes-nous pas dépositaires de toute l’histoire de l’humanité ?… Lorsqu’un homme atteint la cinquantaine, une partie de lui seulement n’a vécu qu’un demi siècle. L’autre partie, qui vit aussi dans sa psyché, est vieille de millions d’années… L’homme contemporain n’est que le dernier fruit mûr de l’arbre de la race humaine ».

51ZHCug2K-L._AA160_ Notre identité a donc une partie de ses racines au-delà de notre conscience, plantées dans des territoires très lointains dans l’espace et dans le temps. « L’inconscient collectif est l’aspect préconscient des choses au plan animal ou instinctif de la psyché. C’est ce que Jung appelle l’homme archaïque », avance Michel Maxime Egger dans son très beau livre intitulé « Soigner l’esprit, guérir la Terre ». Nous sommes donc davantage habités par des archétypes, par des images primordiales et symboliques qui s’expriment par les rêves, les légendes et les mythes, que par une raison froide et logique.

L’homme contemporain s’est progressivement éloigné de la nature, sous la poussée des migrations vers les villes et de la technique. Le fantasme de toute-puissance est désormais au cœur de nos systèmes économiques sous le joug de la tyrannie de la croissance. Cet éloignement s’est transformé en véritable rupture, à l’ère digitale, pour les habitants des grandes villes et des mégapoles, pour qui la nature est au mieux un beau tableau que l’on regarde à travers « une fenêtre », et au pire un lieu d’ennui où l’on se sent étranger. Ils en viennent à penser qu’ils sont seuls dans l’univers et, qu’à tout le moins, ils en sont les maîtres. Pour eux, la nature doit être contrôlée, maîtrisée, asservie, pour ne pas déborder sur leur vie. La nature est même souvent associée à l’inconfort, à la vie sauvage, aux piqures d’insectes et aux allergies les plus diverses et variées. Ainsi, beaucoup d’entre nous sommes devenus des étrangers dans notre propre demeure.

Unknown-1 Les maux innombrables dont souffre notre planète sont assez connus de tous, mais nous sommes déjà trop étrangers en son sein pour être capables d’agir et de la protéger. Le grand reproche que l’on peut faire à la psychologie traditionnelle, c’est de n’avoir pas pris en compte le rôle de cette rupture sur nos propres maux psychiques. Comment ne pas partager cette affirmation de Michel Egger lorsqu’il écrit : « Les maladies de la psyché ne sont pas étrangères à la crise écologique et les maux de la Terre sont sources de troubles psychologiques ». Il n’est que de se promener dans les mégapoles modernes pour constater l’ampleur de ces troubles psychiques, devenus presque une normalité ! Dans ce contexte, le projet de l’écopsychologie n’est rien moins que de soigner dans le même temps l’Homme et la Nature, tant ils sont imbriqués : il s’agit d’une révolution de la pensée.

En un sens, les maux que l’humanité inflige à la nature sont le reflet de sa propre insanité, de ses propres désordres mentaux. Faudra t-il interdire l’accès à la nature et toute intervention la concernant, sous quelque forme que ce soit, aux habitants des mégapoles inhumaines, devenus trop dangereux pour elle, et les laisser livrés à eux-mêmes, dans un monde digital et virtuel ? Sinon, il faut pour se guérir se dissoudre dans la nature, comme on se dissout dans une foule, avalé par elle et ne faisant plus qu’un, dans une même fusion. C’est cela le sentiment d’appartenance.

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