782 – ÊTES-VOUS UN PROGRESSISTE MODERNE?

Le nouveau progressiste, comme l’ancien, est un homme de progrès qui veut changer le monde. Il pense que demain sera mieux qu’hier mais désormais son univers est celui de Black Mirror.

 Il y avait, autrefois, ceux qui se revendiquaient comme des « progressistes ». Ce sont eux qui ont milité en faveur des travailleurs pour l’amélioration de leurs salaires ou de leurs conditions de vie. Ils faisaient partie du paysage politique traditionnel de la fin du XXème siècle.

Leurs combats ont souvent été utiles, mais ils se sont aussi parfois embourbés dans des combats d’arrière-garde, en soutenant certains privilèges obsolètes ou en défendant des activités périmées. On pourrait aujourd’hui qualifier ces progressistes de traditionalistes, tant leurs revendications ont paru décalées et en contradiction avec la modernité. Ils sont devenus des « progressistes conservateurs » !

Les nouveaux progressistes

Au XXIème siècle, le progressisme a changé de nature, il s’est modernisé. Le progressisme de papa était politique, le nouveau progressisme est à la fois sociétal et technologique. Le nouveau progressiste, comme l’ancien, aime remettre en question tout ce qui vient du passé. Il croit volontiers que l’avenir sera toujours mieux que l’ancien temps.

Il demeure une certaine filiation entre ces deux progressismes. Le progressiste moderne voudrait abolir ce qui sépare les humains, c’est-à-dire les clans, les ethnies, les cultures spécifiques, les différences sociales, les couleurs de peau et, d’une façon générale, toutes les frontières, quelles qu’elles soient ! Il rêve d’un monde global, rationnel, métissé et uniformisé. Il a horreur des clivages et des différences. La lutte des classes s’est transformée en une société sans classe.

Il se déclare en faveur de l’égalité des salaires et des chances. Il se veut le défenseur des opprimés, des laissés pour compte, des exclus, dont il accuse l’ordre ancien d’être responsable. Il croit que l’ordre nouveau est plus égalitaire, ou tout au moins, l’ordre à venir le sera. Prise de position toute théorique car on constate, au contraire, que la technologie creuse le fossé des inégalités !

C’est ainsi que le progressiste moderne épouse volontiers une cause militante et il ne répugne pas à participer à quelques manifestations qui lui évoquent la modernité. Il va défendre tous les mouvements à la mode, les féministes, les homosexuels et bien sûr les LGBT et autres transgenres. Parce que c’est dans l’air du temps, il n’hésitera pas à participer à une gay-pride, malgré le ridicule et le mauvais goût. Il serait sans doute prêt à justifier l’obésité, comme un droit fondamental à faire ce que l’on veut de son corps…

La philosophie générale du progressiste repose sur un certain laisser-aller, mais contrôlé. Il est allergique à la contrainte et nourrit une sainte horreur de l’ordre et de la discipline. Il se dit volontiers « libre penseur » et « libertaire ». Il ne lit pas les journaux, mais s’informe sur les réseaux sociaux où, croit-il, il a ses sources privilégiées.

C’est sa façon à lui d’être anticonformiste. Il n’aime pas ce qui le limite dans son épanouissement personnel, ni les carcans et tabous sociétaux, héritages du passé. Il se considère « éclairé » et se veut le fils des Lumières, il aime faire référence aux franc tireurs de l’histoire, de Voltaire à Martin Luther King !

S’il est une liberté qu’il chérit avant tout, c’est la liberté sexuelle. Le progressiste n’aime pas la famille et vit en général en union libre, avec l’un ou l’autre sexe, il n’est pas toujours regardant. Pour lui, tout ce qui évoque la famille a des relents de contraintes d’Ancien Régime. D’une façon générale, on peut dire que ses relations sont « liquides », mouvantes et à géométrie variable.

Un urbain à la fibre écologique

Il se prétend écologiste, c’est dans le vent de l’Histoire, et se répand en paroles vertueuses plus qu’en actes. Il prêche contre le réchauffement climatique mais ne se privera pas de sa petite semaine d’hiver sous de lointains tropiques, ni de ses quelques week-end d’exploration dans les capitales européennes.

On lui pardonnera ces écarts, connaissant le penchant du progressiste pour le slow-food, le bio, le vegan, la permaculture et toutes ces modes urbaines qui irriguent les habitants des villes, éloignés de la nature et ignorants de ses lois. Le progressiste moderne est en effet un citadin branché, à l’affut des nouvelles tendances et des nouvelles lubies. Son penchant écologiste est donc, comme le reste, du domaine du théorique, voire du virtuel…

Il habite un appartement d’une grande ville et s’ennuie à la campagne. Il n’est pas du genre à cultiver son jardin et il n’aimerait pas se salir les mains dans la terre. Il plaide pour le respect de la nature comme la nostalgie d’un paradis perdu, mais il n’en a pas la connaissance concrète. Il est un individu de culture plus que de nature.

En effet, le progressiste moderne est plus un idéologue qu’un pragmatique, il est davantage dans les mots que dans les actes. Il aime les belles phrases et les slogans mobilisateurs et il est plus à l’aise dans les jeux de mots que dans la réalité concrète, car la matière est plus difficile à pétrir que les idées.

La rupture technologique

Naturellement, les nouvelles technologies constituent son univers privilégié. Il adore les gadgets futuristes qu’il manie avec dextérité. Il parle savamment d’intelligence artificielle, d’algorithme, de réalité virtuelle ou augmentée, de crypto-monnaie et de robot qui nous préparent des lendemains enchanteurs. Il est connecté à tous les réseaux et aux objets qui l’entourent avec lesquels il dialogue d’égal à égal.

Il est à l’aise dans le virtuel, le mouvant, l’irréel et quelque part on peut dire que le progressiste moderne n’est plus tout à fait de son temps. Il vit déjà demain, comme s’il y était. Mais, comme Jules Verne, il a une vision utopiste du progrès. Pour lui, la science-fiction a cessé d’être une fiction et son regard se porte sur la Silicon Valley…

Le progressiste pense « transhumanisme », homme augmenté, cerveau artificiel. Il croit tellement aux vertus du progrès scientifique et technique, ainsi qu’aux promesses des biologistes d’avant-garde, qu’il envisage même l’homme éternel, ayant enfin vaincu cette intolérable limitation qu’est la mort. Apôtre de Ray Kurzweil il attend avec impatience la « singularité », c’est-à-dire la rupture définitive avec homo sapiens, dépassé par les machines !

Tel est l’ultime espoir du nouveau progressiste qui ne croit ni à Dieu, ni à diable. La spiritualité n’est pas une donnée scientifique, avec des paramètres mesurables, dosables, quantifiables. Il n’a pas d’âme, il n’a que des neurones ! L’homme n’est qu’une machine perfectionnée, issue des bienfaits de l’évolution biologique, et il revient à « l’Homo Deus » de prendre le relais et de parfaire l’humanité jusqu’à vaincre la mort.

Le progressiste moderne est aussi un fervent admirateur d’Elon Musk, l’homme aux multiples défis qui veut changer le monde et l’humanité, le promoteur de la voiture électrique Tesla, mais aussi de SpaceX qui envoie des fusées dans l’espace et concurrence la NASA et enfin initiateur du projet Neuralink qui prévoit d’insérer dans le cerveau des implants afin d’améliorer nos performances cognitives et intellectuelles de façon à ne pas se laisser supplanter par les machines !

On peut dire que le nouveau progressiste a un petit côté kamikaze, il balaie le passé, il met les deux pieds dans le futur, sans point d’appui et sans prise solide. Il lâche les amarres et mise tout sur un avenir enchanteur en prenant tous les risques, sans assurance. En ce sens, c’est un vrai aventurier des temps modernes… Il peut devenir dangereux seulement quand il invite les autres à le suivre les yeux fermés !

 

 

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2 commentaires

  1. Pour se décontaminer de tout progressisme ,lire :”Le soir approche et déjà le jour baisse ” du cardinal Robert Sarah . (Fayard )

    1. Merci Jean pour cette référence.
      Tu pourras aussi lire sur le site du journal “Le monde ” de ce jour (lundi 22/07/2019): ” Face à l’effondrement, il faut mettre en oeuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle”.

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