819 – NOS PEURS SONT-ELLES INDECENTES?

Nous pleurons quelques milliers de morts, en majorité âgées, et c’est triste. Nous sommes alors terrifiés et terrés d’effroi dans nos demeures, tétanisés comme des rats en cage qui attendent la décharge électrique.

Les psychoses collectives, dont j’ai déjà parlé (lire chronique 817), ont ceci de particulier qu’elles annihilent la raison et le bon sens. Plus personne alors ne réfléchit mais chacun répète en boucle toutes les raisons, bonnes ou mauvaises, d’avoir peur.

Notre esprit est une éponge

A force de répéter qu’il s’agit d’une pandémie qui arrive comme un tsunami, nous sommes tétanisés, dans l’attente de la vague mortelle qui va tout anéantir. L’esprit humain est ainsi fait que son immersion dans une croyance collective, quelle qu’elle soit, le fait adhérer à cette croyance qui le pénètre comme l’eau dans une éponge.

Ce phénomène peut être observé dans les religions, dans les sectes ou dans les dictatures, qui parviennent à mettre dans nos têtes les croyances les plus invraisemblables, et qui deviennent ensuite des dogmes et des certitudes.

Vous remarquerez, par ailleurs, que l’adhésion à ces croyances, non authentifiées, reposent précisément sur la peur. Et finalement toutes nos peurs se résument à la peur fondamentale, viscérale, enfouie dans nos gènes, la peur de mourir, la peur du néant.

A l’heure de l’information mondialisée et instantanée, avec internet, la globalisation et les réseaux sociaux, nous finissons tous par penser, ressentir et imaginer la même chose. Nous vivons désormais dans un monde homogène, ennuyeux et moutonnier.

C’est ainsi que la peur a envahi le globe en l’espace de quelques semaines, comme une épidémie psychique. Nous avons assisté à l’arrivée de cette peur contagieuse qui s’est répandue plus vite que le virus et qui a, littéralement, tétanisée les populations au point que, les uns après les autres, les pays ont dû prendre des mesures drastiques pour contrôler la panique que cela devait engendrer.

Chacun s’est senti malade, souffreteux, toussotant et s’est précipité à l’hôpital soudain submergé et devenu incapable de venir en aide à ceux qui sont réellement malades. Cet engorgement a stressé le corps médical et attisé un peu plus nos peurs.  Mon propos ne consiste pas à nier l’existence d’une épidémie, mais à relativiser et à la remettre dans un contexte qui est celui d’une société vieillissante et, comme chacun sait, plus on vieillit plus on a peur de mourir !

Mais nos peurs sont réparties de manière inégale et elles sont plus fortes dans les pays latins, moins bien organisés. Ainsi seulement 1/4 des Suisses craignent de perdre un proche contre 2/3 des espagnols et les 3/4 des français, selon un sondage effectué fin Mars.

L’Occident pléthorique

Ceci dit, le covid-19 est virulent et dangereux, surtout pour les personnes âgées et ceux qui ont une affection cardiovasculaire. Pour eux, le confinement et le port de masques constituent la meilleure des protections et doivent enlever la peur. Nos peurs ne sont que le résultat de l’imprévoyance des autorités sanitaires. Nous dépensons beaucoup d’argent pour une médecine hyper-technique mais nous manquons des éléments de base, les moins onéreux et les plus simples, comme de simples masques. Ce dont nous manquons le plus, c’est de bon sens, et la peur ne va pas nous en donner !

On peut considérer que nos peurs actuelles deviennent indécentes lorsqu’on les compare à certaines pathologies plus meurtrières et pour lesquelles nous sommes directement responsables dans la majorité des cas.

Prenons le cancer du poumon qui touche chaque année près de 70.000 nouveaux patients et beaucoup plus meurtrier que le coronavirus puisqu’il tue environ 35.000 personnes par an en France. D’après une étude chinoise publiée dans The New England Journal of Medicine, un fumeur aura 133 % de risques supplémentaires de passer en réanimation ou de décéder. Ces chiffres ne semblent faire peur à personne et surtout pas aux fumeurs qui se ruent sur les bureaux de tabac qui eux sont restés ouverts. Cherchez l’erreur !

Il est largement admis que la pollution chimique, en particulier dans l’agriculture, est responsable d’une proportion très importante des cancers du sein et de la prostate qui tuent régulièrement et chaque année plus de 20.000 personnes en France. Nous nous intoxiquons en mangeant ! Cela est devenu la normalité et accepté comme un fait établi, sans que personne ne bronche.

Nous savons tous, ou presque, que nos aliments sont nos premiers médicaments. Nous savons que l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension et l’hyperlipémie sont la résultante d’une alimentation industrielle pléthorique, avec trop de graisses animales, trop de viande et pas assez de légumes, le tout associé à un manque d’exercice physique. L’ensemble de ces pathologies sont regroupées sous le vocable de « syndrome métabolique » qui conduit aux maladies cardiovasculaires dont nous sommes donc directement responsables et qui génèrent 140.000 décès par an !

Nous sommes donc, à des degrés divers, responsables d’une fraction importante de la mortalité qui se chiffre par plusieurs dizaines de milliers d’individus et, non seulement nous n’avons pas peur, mais nous ne changeons rien à nos habitudes…

C’est en ce sens que nos peurs incontrôlées d’aujourd’hui vis-à-vis du covid-19 me paraissent indécentes. D’un côté nous avons une attitude suicidaire et de l’autre nous ne voudrions pas mourir.

L’Occident fauteur de guerre

Nous ne sommes pas responsables de toute la misère du monde, mais nous avons œuvré activement à générer bien des malheurs qui sont incommensurablement plus graves que nos peurs du coronavirus.

Nous avons porté le fer et le feu en Lybie et détruit un pays, livré aujourd’hui à la guerre civile, à la pauvreté et à une désespérance qui mènent des peuples entiers sur le chemin de l’exode.

L’Occident a mis le Moyen-Orient à feu et à sang. Nous y avons, sans peur, attisé la haine entre les tribus et nous y avons torturé et massacré des populations entières. De Kaboul à Damas, en passant par Bagdad, l’Occident a tué, sans honte et sans vergogne, plus de gens que ne tuera jamais le coronavirus dans nos maisons de retraite !

Après cette œuvre de destruction, nous sommes étonnés que des millions de réfugiés fuient leur terre et cherchent refuge chez nous. Le commandement américain n’a pas tremblé de peur lorsqu’il a bombardé Bagdad et anéanti des familles entières. Tous les occidentaux ont été solidaires de ce carnage…

Nous n’avons pas peur de tuer, mais nous avons peur de mourir !  Oui, nos peurs d’aujourd’hui sont indécentes, alors que nous avons tous les moyens de nous protéger et que nous avons apporté la mort et la désolation à des peuples qui ne demandaient rien à personne.

Que dire encore des 8000 enfants qui meurent de faim, chaque jour, dans le monde ? On en parle moins que du coronavirus et pourtant nous connaissons le remède pour les sauver de la mort. Il y a quelques jours, le journal Le Temps, sur une pleine page, s’émouvait des drogués qui, à Zurich et à Lausanne, risquaient d’être privés de leur piqure quotidienne ! Comment allaient-ils faire ? Oui, je dois être cruel, mais je considère ce genre d’émotion indécente…

Je crois que nos peurs sont proportionnelles à la vacuité de nos sociétés, vides de sens. On compte les morts, jour après jour, dans un calcul macabre. On pourrait tout aussi bien compter les naissances, cela serait moins anxiogène. Pour votre information, il nait chaque jour 13.580 jeunes dans l’Union Européenne ! Et avec le confinement, à la fin de l’année on va battre des records ! Vous voyez, ce n’est pas la fin du monde…

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Restez à l’écoute ! La semaine prochaine, la Chronique Libre sera intitulée : « L’Europe face à elle-même »…

 

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6 commentaires

  1. Bien d’accord sauf pour la peur de mourir, qui de toute façon ne servirait à rien ! L’étonnement de ma vieillesse est que plus je vieillis et moins j’ai peur de mourir. Plus je vieillis et plus, dans un des tiroirs de l’esprit, rougeoient les braises d’une éternelle jeunesse.

  2. Merci Yves de remettre les pendules à l’heure – tous les jours mon coeur pleure des horreurs au MOyen Orient. Nous ne sommes pas de ce monde, pourquoi craindre de quitter un confort illusoire pour l’immensité de nos origines réelles. Baisers Françoise

    1. Il faut en effet se rendre à l’évidence, l’humanité n’est ni cohérente, ni rationnelle, ni vertueuse!
      Il faut en prendre son parti…et la vie est belle malgré tout!

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