Ceux qui nous gouvernent sont là pour nous dire que tout va bien et qu’ils ont la situation bien en main. Pour ne pas affoler les troupes ils parlent de la crise à l’imparfait, mais il n’est pas interdit à chacun d’être lucide.
On me dit parfois que la Chronique Libre est alarmiste. Je réponds : la Chronique-libre sonne l’alarme, car précisément nous sommes libres et nous pouvons dire les choses telles qu’elles sont. Je sais qu’il existe encore certains de nos lecteurs qui ne veulent pas admettre la gravité de la situation économique en Europe. A leur intention je vais me permettre de leur montrer quelques chiffres qui parlent mieux que de longs discours. Une nouvelle fois je vais prendre la France à titre d’exemple, sachant que c’est ni le pire, ni le meilleur.
– Depuis 1980 le taux de croissance de l’économie française ne cesse de baisser, comme un avion qui lentement perd de la vitesse. De 3% en 1980, elle est désormais au mieux de 1,5% par an.
– Depuis 1980 le revenu des rentiers a été multiplié par 9 tandis que les profits des entreprises ont été multipliés par 5,5 et l’indice des prix de détail par 3,2. Ce qui veut dire que le rentier, qui par définition ne prends aucun risque, vit mieux que l’entrepreneur qui a pris tous les risques. Conclusion : il ne fait pas bon d’être entrepreneur en France.
– La part de l’économie étatique par rapport à l’économie globale était de 35% en 1980 pour atteindre 42% en 2010 après une progression régulière. Précisons que l’économie étatique ne crée pas de richesse mais gère le pays.
– Dans le même temps, le pourcentage de la dette de l’Etat, par rapport au Produit National Brut (PNB), est passé de 3% en 1980 à 10% en 2010.
– Le taux de croissance du secteur étatique a été le double de celui de la production industrielle entre 1980 et 2010, ce qui signifie plus de dettes.
– La dette des administrations était égale à zéro en 1980 pour atteindre mille milliards d’Euros aujourd’hui, ce qui représente une dette par citoyen, dès sa naissance, de 15.000 €.
– La conséquence de toutes ces dérives font que, chaque année les dépenses de l’Etat sont supérieures aux recettes de 55% ! Imaginez un individu ou une société qui dépenserait plus du double de ce qu’il gagne ? Selon votre avis, combien de temps cela peut-il durer ?
– Cet accroissement vertigineux de la dette n’a été possible que parce que les taux d’intérêt sont passés de 10% à 2%. Néanmoins depuis 20 ans les taux d’emprunts ont été presque toujours supérieurs au taux de croissance de l’économie, ce qui correspond donc à un appauvrissement régulier et à une augmentation constante des déficits.
– Dans ces conditions les dettes se cumulent d’année en année (déficit de l’année + déficit des années antérieurs), jusqu’à atteindre le point d’explosion, lorsque soudain les taux auxquels on emprunte augmentent. Ceci arrive lorsque la confiance des créanciers se fait moindre. Il ne s’agit pas d’une spéculation, contrairement à ce que certains prétendent, mais plus simplement d’un manque de confiance dans les capacités de rembourser. C’est ce qui est survenu en Grèce, en Irlande, au Portugal et très bientôt ailleurs. Ces pays feront faillites car ils ne seront jamais en état de rembourser ! Signalons au passage que les taux auxquels la France emprunte ont déjà commencé à augmenter. Le coût des assurances sur emprunts (CDS) a triplé entre Décembre 2009 et Décembre 2010 !
– Tout ce qui précède concerne la gestion courante de l’Etat mais ne prend pas en compte des facteurs hors bilan qui sont la conséquence de promesses faites par l’Etat sur le futur. Au premier rang de ces dépenses futures se situe le vieillissement de la population et la surcharge des retraites et de la santé que cela induit nécessairement. Ce poids supplémentaire va venir alourdir l’ensemble jusqu’au point de rupture.
Nous sommes donc pris en tenaille, d’une part une dette structurelle qui ne peut qu’augmenter, d’années en années ; d’autre part une croissance durablement faible pour les pays qui n’ont pas anticipé le choc de la mondialisation ; enfin des taux d’intérêt extrêmement bas, impossibles à baisser davantage, et qui ne peuvent donc qu’augmenter en créant la catastrophe finale.
On peut douter que les peuples soient capables d’accepter les nombreuses modifications qu’il faudrait apporter pour corriger le cap et redresser la situation. Dans ces conditions on peut simplement jouer les prophètes et avancer une date pour l’implosion. La dette de la France deviendra intenable à partir de 2015 et la situation hors de contrôle, mais d’ici là tout est possible, d’autant que le pays peut être englouti par le tsunami qui prendrait sa source dans le sud de l’Europe. Quoi qu’il en soit, il arrive même un moment où le remède, trop tardif, tue le malade.
Pour désserrer l’étau, seule la création monétaire peut donner un peu d’air. La BCE (Banque Centrale Européenne) sera obligée de créer de la monnaie pour « sauver » les pays de la faillite. Nous rembourserons nos dettes avec de la fausse monnaie. Dès maintenant, méfiez vous donc du papier et méfiez vous des assurances vie qui sont bourrées d’emprunts d’Etat !…Pensez plutôt à l’or, ce « métal maudit », cette bonne vieille « Putain commune à toute l’humanité », comme disait Shakespeare. En 1971 Richard Nixon décida de supprimer le lien qui existait entre le dollar et l’or. A cette date, la valeur officielle d’une once d’or était de 35$. Depuis lors, le dollar vole de ses propres ailes, si l’on peut dire, et se débrouille tout seul. Mais il se débrouille assez mal, puisque quarante ans plus tard une once d’or vaut désormais 40 fois plus à 1400$. Les charmes de cette putain sont devenus bien chers et le seront encore bien plus demain.
Vous avez votre point de vue et votre vision personnelle de la situation, n’hésitez pas à la partager avec nos lecteurs. Le problème est complexe et nécessite d’être abordé par plusieurs côtés.
Cette Chronique a en partie puisé ses chiffres dans le livre de Charles Gave : «L’Etat est mort, vive l’état »
Citation du Jour :
« Ce peu d’or suffirait à rendre blanc le noir, beau le laid, juste l’injuste, noble l’infâme, jeune le vieux, vaillant le lâche…Allons métal maudit, putain commune à toute l’humanité, toi qui mets la discorde parmi la foule des nations ».
William Shakespeare, Timon d’Athènes, 1623