701 – L’INTELLIGENCE ET LA CONSCIENCE

La suprématie de l’homme repose sur son intelligence et sa conscience de soi, qui font sa fierté. L’usage qu’il fait de son intelligence est clair. Mais à quoi sert la conscience ?

La conscience, c’est le sel de la vie. C’est ce qui met de la subtilité dans notre existence et nous différencie d’une machine biologique. Cette conscience introduit dans nos vies toute une palette de sentiments et d’émotions qui font leur richesse. Elle apporte de la poésie, de l’éthique, de l’esthétique.

Les aléas de la conscience

Nous sommes conscients d’aimer ou de haïr, d’être libres ou prisonniers, d’être heureux ou malheureux, joyeux ou tristes. Nous sommes conscients de la beauté et de la laideur, parce que nous sommes conscients d’exister. « Je pense, donc je suis».

Mais, dans le même temps, nous savons combien la conscience complique nos vies, nous donne des états d’âme difficiles à gérer, génère des émotions qui nous submergent, créent des peurs irrationnelles qui nous tétanisent, suscite des colères excessives qui nous nuisent, engendre des cruautés qui nous dépassent, et surtout fait naitre en nous une lucidité qui nous rend cynique et une peur du néant qui nous terrifie.

La conscience procure des joies mais complique terriblement nos vies, au point que, d’un certain point de vue, elle peut paraitre superflue, encombrante, contre-productive. Nous avons la nostalgie du passé, parfois de la culpabilité et des regrets. Dans le même temps nous vivons avec la crainte de l’incertitude du futur. Finalement, on se demande si les inconvénients que procurent la conscience ne surpassent pas les bénéfices que l’on en retire !

Nous pouvons avoir l’impression que notre niveau de conscience devient une entrave au développement de notre intelligence. Avec un niveau de conscience plus faible, serions-nous plus sereins, plus efficaces et plus rationnels dans nos choix ? Serions-nous plus intelligents si nous étions dépourvus de conscience ? Lorsque l’on fait l’inventaire de la somme de nos choix erronés et de nos décisions stupides ou totalement folles, au niveau personnel comme au niveau collectif, nous constatons qu’elles proviennent d’erreurs d’appréciation.

Le modèle animal

C’est parce que nous sommes conscients de notre race, de notre culture, de notre religion, et de nos différences, que naissent en nous des haines qui conduisent au meurtre et à la guerre. Nous avons la conscience d’être libres, et c’est sans doute une illusion, mais cette liberté nous coûte cher car elle brouille notre intelligence et nous fait prendre des décisions déraisonnables. Un animal ne fait jamais de telles erreurs : sa vie est peut-être plus fade, mais il ne le sait pas !…

On se met alors à regarder avec envie la vie simple des animaux dont le niveau de conscience est plus rudimentaire, concentré dans les limites du présent. Ils éprouvent la peur du danger immédiat, le plaisir du repos après le repas, mais ils ignorent l’angoisse du néant après la mort. Ils savent mieux que nous profiter de l’instant et vivent selon le schéma programmé que l’on nomme l’instinct, transmis intégralement de générations en générations, sans état d’âme, sans autre questionnement existentiel.

La supériorité des algorithmes

C’est l’émergence de l’intelligence artificielle qui soulève la question cruciale de la conscience. Nous commençons d’expérimenter autour de nous des robots de plus en plus performants, mus par des algorithmes, et capables d’interagir avec l’environnement, capables de prendre des décisions à notre place et mieux que nous le ferions !

Ces robots intelligents sont déjà capables d’apprendre par eux-mêmes, grâce à leur expérience. D’ici une décennie, peut-être avant, ils auront non seulement un savoir surpassant tout le savoir humain, mais ils auront des capacités intellectuelles supra humaines.

On se met à imaginer des robots intelligents qui dirigeront des entreprises mieux que le meilleur et le plus clairvoyant des chefs d’entreprise. Nous imaginons déjà un super robot qui nous gouvernera avec rationalité et efficacité. Déjà, des robots médecins sont capables, en un instant, de faire un diagnostic et de rédiger une prescription.

Ces super-intelligences seront sans émotion aucune, sans conscience. Elles prendront les décisions les plus rationnelles, les plus pertinentes, sans être encombrées par le fatras incohérent de la conscience qui souvent brouille notre esprit. L’humanité ainsi débarrassée de tout pouvoir de décision pourra demain s’adonner à la rêverie, à la poésie ou à la drogue.

Le bien et le mal

Tout ceci prouve que l’intelligence peut se suffire à elle-même et n’a pas besoin de la conscience pour entrer en action avec efficacité et pertinence. Dans ces conditions, pourquoi l’homme est-il doté d’un tel niveau de conscience ?

Suivant le chemin évolutif, la conscience s’est développée au fur et à mesure du développement de l’intelligence chez les mammifères et, de façon encore plus nette, chez l’homme. Si la sélection naturelle a stimulé l’émergence de la conscience, celle-ci doit avoir un rôle essentiel. Mais lequel ? Nous pourrions n’être que des algorithmes biologiques, dépourvus de toute conscience. Pour quelles raisons fondamentales en est-il autrement ?

Ce qui distingue l’humanité par rapport au monde animal, je dirais que c’est essentiellement la notion du bien et du mal. Un animal ne fait jamais rien de mal, il suit l’instinct de sa race. L’homme a acquis un degré de liberté qui le met face à des responsabilités. C’est le mythe de la pomme cueillie à l’arbre de la connaissance qui rend l’homme responsable vis-à-vis d’une morale transcendante. Adam fut bien le premier homme libre et responsable. N’est-il pas significatif que la liberté de conscience soit associée au mythe du paradis perdu? La conscience est le prix à payer pour être libre du bien ou du mal.

Cela ne serait pas tant l’intelligence qui caractérise l’homme, mais davantage son sens de la liberté, c’est-à-dire sa capacité à faire le bien et le mal. Le développement de l’intelligence semble s’être fait conjointement avec le besoin de liberté. Or, pour se sentir libre, il faut être conscient. En ce sens, l’homme ne peut être réduit à un algorithme biologique comme le laissent entendre les scientifiques matérialistes. Il a une part en lui de transcendance.

Suprématie d’Homo sapiens

Mais la connaissance serait différente du savoir ! La connaissance inclut la morale, l’éthique, le bien et le mal, la liberté et la responsabilité. La connaissance élève l’homme au-dessus de la matière. Le savoir est purement matérialiste, rationnel, prisonnier d’un algorithme. Le savoir n’a pas besoin de transcendance.

Le processus évolutif pousse les espèces vers l’amélioration de leur survie et de leurs performances. Homo sapiens a compensé sa vulnérabilité physique grâce au développement de son intelligence. Ses capacités intellectuelles lui ont permis d’atteindre un haut niveau technologique et une suprématie vis-à-vis de toutes les espèces.

Cette suprématie était telle que, sans la conscience du bien et du mal, l’humanité était en mesure de proliférer au point d’exterminer l’ensemble du vivant. Autrement dit, si Homo sapiens n’était qu’un algorithme sans conscience et mû par la poussée évolutive, il aurait tout anéanti, y compris sa propre espèce !

Par conséquent, l’évolution et la survie de l’humanité ne seront possible qu’avec un plus haut degré de conscience. La conscience sera le garde-fou de son intelligence. Ainsi, l’homme sera en mesure d’inoculer ses repères moraux aux futurs algorithmes électroniques, même si c’est aux dépens de leur efficacité. L’intelligence artificielle ne sera donc jamais capable de prendre le contrôle d’Homo sapiens.

Les dégâts infligés par l’homme sur l’environnement sont déjà considérables. La prise de conscience est donc nécessaire à notre évolution et à notre survie. Elle est à la source de ce que nous nommons « nos valeurs ». C’est aussi la conscience qui nous permet d’établir des règles et des lois afin de pouvoir vivre en société et de pouvoir choisir entre la trahison et la fidélité. In fine, je pose l’hypothèse que la conscience nous élèverait donc au-dessus de la matière et nous mènerait à la transcendance, sinon l’humanité sombrerait dans la dépression et l’angoisse du néant…

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2 commentaires

  1. Je crois mieux connaître les algorithmes que les algorithmes ne croient eux me connaître. Dites-le alors, que je suis fou? N’oubliez pas que je suis entre autres programmeur. Je peux donc, alors croire en plein de choses ou pas. C’est ça ma conscience des choses. Je ne sème pas le doute, moi!

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