Je m’interroge sur mes propres valeurs, celles que je suis prêt à défendre. Chacun a son propre système de valeurs. Mais la notion de « valeur morale » est floue et varie suivant les époques, les cultures et les lieux. Comment y voir clair aujourd’hui ? Existe-t-il des valeurs universelles ?
Il existe des valeurs individuelles et des valeurs collectives qui ont fait, au cours des millénaires, le ciment des sociétés. Ces valeurs morales sont, en quelque sorte, des territoires symboliques qu’il convenait de défendre, coûte que coûte, avec la même vigueur que pour défendre son territoire physique. Il existe comme un instinct chez l’homme pour considérer ces valeurs morales comme des biens inaliénables.
Ainsi, comme les différentes espèces animales défendent leur terrier ou leur territoire, les peuples se sont souvent fait la guerre au nom de valeurs morales. Bien souvent, ce que l’on appelle des guerres de religion ne sont en fait que des guerres pour défendre son système de valeur. La religion fait aussi partie des systèmes de valeurs, mais elle n’est souvent qu’un prétexte pour imposer d’autres valeurs. C’est ce que l’on constate actuellement dans le conflit idéologique fondamental qui oppose l’Occident à l’Islam qui se traduit par une guerre de religion !
Multiplicité des valeurs

Depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs, jusqu’à globalement le siècle des Lumières, les valeurs princeps étaient des valeurs individuelles de type guerrier : courage, vaillance, bravoure, hardiesse au combat. A ces qualités, les preux chevaliers du Moyen-âge ajoutaient la loyauté, la générosité et le devoir de protection de leur famille. Ces valeurs constituèrent le socle des valeurs portées par l’aristocratie pendant des siècles.
A partir du 18ème siècle, se firent jour des valeurs humanistes qui tournaient autour de la tolérance, du respect de l’autre, de la loyauté, de l’honneur et du don de soi. Puis vinrent s’ajouter des valeurs sociales comme l’équité, la justice, la démocratie, le progrès scientifique.
De là découlèrent « les droits de l’homme », la liberté, l’égalité et la fraternité. L’ensemble de ces valeurs morales étaient équivalentes à celles prônées par le christianisme depuis 18 siècles, mais qui devinrent des valeurs laïques.
Les religions monothéistes ajoutaient une dimension supplémentaire à la liste de ces valeurs, une dimension sacrée qui les justifiait. La foi en un Dieu, bon et généreux, qui créa l’homme à Son image, obligeait en quelque sorte l’homme à être à la hauteur de cette attente. La perte de cette foi et « la mort de Dieu » enleva toute transcendance à nos valeurs morales traditionnelles.
L’être et le néant
L’Occident a donc été confronté à une remise en cause du socle sur lequel reposaient ses valeurs fondamentales, pour lesquelles il fallut trouver une nouvelle justification. C’est ainsi que le point de vue scientifique du monde remplaça la vision religieuse.
Dorénavant, pour la majorité des penseurs occidentaux, l’homme n’est plus le fils de Dieu, il n’est que le fruit du « hasard et de la nécessité », un être biologique constitué de matière organique, un lieu d’interactions moléculaires, sans âme et sans autre mystère. Un animal pensant dont le destin consiste seulement à retourner au néant d’où il vient.
Comment justifier la nécessité de valeurs morales à des machines biologiques ? Au nom de quelle valeur supérieure faudrait-il imposer à l’homme d’être bon, généreux et loyal ? Pourquoi ne pourrait-il agir selon son bon vouloir, sans autre préoccupation ? En absence du sacré, les devoirs moraux deviennent des contraintes insupportables et désuètes. « Carpe diem » !
L’humanisme
Si les valeurs morales ne peuvent plus s’appuyer sur le respect du divin, il faut trouver d’autres justifications, sauf à courir le risque de voir l’espèce humaine sombrer dans l’anarchie et finir par s’autodétruire, sans frein à ses désirs et à ses pulsions.
C’est ainsi que les Droits de l’Homme ont remplacé les Tables de la Loi. C’est à l’homme désormais qu’il faut rendre des comptes, au nom des Droits de l’Homme. Ce dernier devient l’alpha et l’oméga de toute morale. Il est la justification de toute loi et précepte. L’Homme-Dieu s’honore lui-même, se dorlote, se cajole et se vénère !
Les valeurs morales sont désormais à notre service et ne sauraient nous contrarier. Ces valeurs, selon notre bon-vouloir, n’ont pour limites que le respect de l’intégrité de l’autre. Peu importe si mon bon-plaisir heurte les convictions des autres, mon confort et mon bien-être prime sur tout autre considération.
Les valeurs autrefois sacrées, telle la famille, sont désormais caduques car elles constituent des contraintes à notre épanouissement personnel. La sexualité devient la pierre angulaire de nos valeurs contemporaines, elle peut s’exercer en tout lieu et avec quiconque, en toute liberté et sans interdit. Sur ce sujet « il est interdit d’interdire », pour reprendre un slogan qui eut son heure de gloire chez les adolescents de 1968 !
Au nom de l’humanisme, il n’existe plus de tabous sauf ceux qui peuvent entraver la liberté des autres. L’Archevêque de Paris a raison lorsqu’il dit : « Aujourd’hui le tabou n’est plus le sexe, mais Dieu ». Il est devenu inconvenant de parler de spiritualité. Ni la naissance, ni le mariage, ni la mort ne sont plus célébrés par des cérémonies sacrées. Seule compte la glorification de l’ego, du développement personnel aux selfies.
Une société sous contrôle

Nous pouvons néanmoins nous demander si cet humanisme étriqué sera suffisant pour que nos sociétés gardent leur dynamisme et perdurent ? Désormais, les lois de Dieu sont remplacées par les lois des Hommes. Pour que les sociétés tiennent debout, il faut accumuler les contraintes, empiler des règlements de plus en plus coercitifs, édicter des lois et des interdits de plus en plus précis.
Le carcan législatif a remplacé le carcan religieux. Notre liberté est surveillée. La peur de la police ou du juge a remplacé la crainte de Dieu. Nous sommes pris dans une machinerie tatillonne qui suspecte en permanence nos pensées, nos paroles, nos écrits et nos actes. Nous sommes surveillés par une armée de censeurs et de chiens de garde, afin d’éviter tout débordement.
Sommes-nous gagnants, si on considère que l’absence de transcendance nous rend anxieux et vulnérable face au néant ? Nos peurs, dont je parlais dans une précédente chronique, ne sont-elles pas amplifiées par l’absence de valeurs morales, remplacées par des règles législatives ? (Relire chronique 703 « Pourquoi avons-nous peur ? »).
Un fond moral
Pour sortir de ce dilemme, il faut se demander si l’homme n’a pas, au-dedans de lui, un fond moral inné, hérité de l’évolution des espèces ? Il est vraisemblable en effet que l’humanité soit dotée d’une morale instinctive qui a permis à l’espèce de survivre et de se développer en sociétés organisées.
Nous aurions, en nous, une ébauche de morale universelle que l’on retrouve dans toutes les civilisations. Une aspiration à l’équité et à l’égalité reprise par les religions, puis par nos lois. Pour se perpétuer, l’espèce humaine a besoin de respecter son semblable. Il s’agit d’une sorte de sagesse ancestrale qui parcourt l’histoire de l’humanité.
A partir de là, on peut imaginer que l’homme, pour devenir plus humain, construise une éthique plus élevée. Nous arrivons à la notion de « l’homme capable », cher au philosophe Paul Ricoeur, « un homme dont les actes sont coordonnables aux valeurs qu’il s’est lui-même donné ». Ce qui élève l’homme au-dessus de lui-même, c’est qu’il a la responsabilité de ses propres valeurs, sans besoin d’une instance qui lui impose d’autorité. N’est-ce pas cela la vraie liberté ?
L’homme a donc besoin de transcendance, d’une mission qui l’élève au-dessus de la seule matérialité. L’éthique est alors cette morale qui n’est plus seulement un programme inscrit dans la nature ou imposée par une autorité, mais un projet que l’on s’assigne et dont nous sommes responsables. La responsabilité est au cœur de cette éthique. Tel est sans doute notre destin le plus élevé…
Bonjour,
Connaitre les véritables valeurs morales c’est faire la science des mœurs.
Et les vérités morales, nécessaires à la vie sociale de l’humanité, ne sont le privilège d’aucun temps, d’aucun peuple, d’aucun individu. Partout la conscience humaine est soumise aux mêmes lois et se développe dans la même direction.
Mais les causes premières sur lesquelles se base la loi morale échappent à l’entendement actuel de l’humanité.
Elles sont à l’origine de la vie sociale, comme les causes qui ont dirigé l’évolution des êtres sont à l’origine de la substance organisée.
L’idée que nous avons d’une loi morale n’a pas son origine dans notre moi actuel, nous l’apportons en naissant, c’est un lot de l’héritage ancestral. Nous pressentons les lois de l’ordre moral, nous les proclamons et nous nous y soumettons avant de les comprendre : C’est un phénomène d’atavisme. Nous pouvons même dire que, dans l’état actuel de l’esprit humain, les causes n’en sont plus du tout comprises.
Et, cependant, il semble qu’une voix intérieure révèle à l’homme la différence qui existe entre le bien et le mal, le juste et l’injuste. Mais la cause de ces différences lui échappe.
C’est un flambeau que les générations se passent de mains en mains sans que personne ne songe à demander qui a allumé ce flambeau, où, quand et pourquoi….
Les causes morales doivent être cherchées dans les principes mêmes qui ont créé la vie et dirigé l’évolution puisqu’elles sont inhérentes à la nature humaine. Mais il faut savoir quel est le rapport qui peut exister entre ces principes et les actions des hommes ; pourquoi la nature humaine est organisée de telle sorte qu’en suivant ses impulsions l’homme ne va pas toujours vers le bien ? Quelle signification on doit donner au mot bien et au mot mal, quel est le but que l’homme doit chercher à atteindre, en un mot, qu’est-ce que la perfection morale ?
https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/le-bien-et-le-mal.html
Cordialement.