33 – Au secours, mon Chat est Xénophobe!

Il faut que je vous dise : j’ai passé un très mauvais week-end ! Samedi en lisant la presse, j’ai découvert que j’étais Xénophobe. Voilà une étiquette d’infamie promptement distribuée par un certain nombre de politiques ou de journalistes . Xénophobe, c’est un mot à la mode, c’est une insulte qui fait mouche dans le jargon médiatique et qui précède de peu celle de « réactionnaire », de « raciste » et voire de « Nazi ». C’est la nouvelle litanie des biens-pensants.

Ces belles-âmes considèrent que ceux qui prétendent limiter le nombre d’immigrés qui arrivent sont des xénophobes. Elles ne nous précisent pas cependant à partir de quel pourcentage l’on cesserait d’être xénophobe. A partir de 20%, de 30% ou de 50%  d’immigrés cesse t-on d’être xénophobe ? En fait, selon leur raisonnement, il est clair qu’il serait tout à fait inconvenant et xénophobe de prétendre imposer quelque limite que ce soit. Compte tenu des milliards d’individus qui, de par le monde, aimeraient bien partager notre confort douillet et compte tenu qu’il n’y a pas de raison d’accepter celui-ci et de refuser celui-là, c’est donc à partir de 100% d’étrangers que nous cesserons d’être xénophobe !

Mais dans la nuit de samedi à dimanche, j’ai été réveillé par les cris rauques de mon chat qui se battait avec la dernière énergie pour défendre son territoire vis à vis des prétentions du chat du voisin qui depuis quelques jours lorgnait sur son assiette. Vous imaginez mon indignation et ma réprobation lorsque j’ai découvert, atterré, que mon chat était xénophobe !

Un peu plus tard dans la matinée, en portant un panier de poires à mon voisin, je me suis rendu compte, à mes dépens, que son chien est également xénophobe. Puis j’ai repensé à mon enfance et je me suis souvenu du vilain accueil qu’a reçu une poule égarée en voulant s’introduire dans le poulailler de mes parents. Mais en y réfléchissant bien je me suis réconforté en pensant aux paisibles moutons qui accueillent si facilement leurs congénères et j’étais enfin heureux de trouver une race que l’on pouvait absolument qualifier de xénophile. Il y a certes un détail que j’avais oublié, c’est que les moutons sont des animaux castrés et c’est peut-être ce qui les rend si sympathiques, si hospitaliers et si xénophiles. Tandis que le bélier, c’est autre chose, il suffit de le regarder défendre sa bergerie pour savoir que lui, c’est un affreux xénophobe. Sans doute nos bons apôtres rêvent-ils que nous soyons tous des moutons dociles, cela serait tellement plus facile à gouverner…

Dimanche dans l’après midi, j’ai poussé mon enquête plus loin ; certes les animaux, dans l’ensemble, sont assez xénophobes, mais parmi cette race supérieure que sont les hommes, il doit bien y avoir eu dans le passé quelques peuples d’exception qui furent xénophiles. Je dois vous dire que ce tour d’horizon planétaire m’a plongé dans le plus grand désarroi. Prenez par exemple les Indiens d’Amérique pour qui on a souvent de la compassion, en fait ce sont d’affreux xénophobes qui ont très mal acceptés la venue des européens qu’ils auraient dû mieux accueillir. Ne parlons pas des Africains qui pendant des générations ont tout fait pour chasser les Européens qui venaient pourtant avec de louables et pieuses intentions, ce ne furent que des xénophobes. D’ailleurs aujourd’hui la xénophobie la plus primitive sévit encore chez certaines peuplades qui luttent contre la venue d’occidentaux pourtant très civilisés et très xénophiles : les Massaï de la vallée du Rift, les Négritos des îles Andaman dans l’océan Indien, les Indiens Karaja au Brésil, les Indiens Embera de Colombie et bien d’autres petits peuples de par le monde qui se sentent menacés par les occidentaux et font preuve à leur égard de la plus ignoble xénophobie en défendant leurs terres ancestrales.

Pour finir, il me fallait trouver un nom, un grand, quelqu’un d’unanimement respecté qui n’a jamais fait preuve de ce que les bons apôtres appelle la xénophobie : Ghandi, cela n’allait pas car il a mis les Anglais à la porte, ce qui était à la fois discourtois et xénophobe. Le pape Jean Paul II lui-même, presque un saint, fut pourtant un dangereux xénophobe car il a puissamment aidé à chasser les russes de Pologne et même d’ailleurs. Restait le Dalaï Lama, mais n’en parlons plus car c’est aussi un vilain xénophobe qui ne supporte pas les Chinois chez lui et prie chaque jour pour qu’ils retournent chez eux.

C’est ainsi que plongé dans le plus profond désespoir me revint en mémoire cette belle phrase de Pascal : « L’homme n’est ni ange ni bête, et qui veut faire l’ange fait la bête ».

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5 commentaires

  1. Excellent! Je me suis tordu de rire tout du long, de par la finesse du texte – mais aussi de sa justesse.
    Le choix du titre est juste génial, encore un grand moment sur Chronique Libre 😉
    Florent

  2. bravo ! voilà qui est bien dit !
    il ne nous manque plus que de faire pipi pour marquer notre territoire, mais cela ne se fait-il pas en douce quelquefois ? Jen n’en mettrais pas ma main au feu !

    1. Hélas en lisant votre petit mot je me suis rendue compte que mon chat aussi est épouvantablement xénophobe et je suis maintenant dans l’obligation de me poser des questions importantes, du genre l’ai-je mal éduqué, l’ai-je poussé à défendre plus que de raison sa gamelle?
      Toute plaisanterie mise à part, je trouve votre article excellent et rien n’est pire pour moi que le fanatisme et la xénophobie
      Stéphanie

  3. Bonjour Yves,
    Je reconnais bien là ta veine sarcastique…
    Mais derrière cette comparaison éthologique, se cache bien d’autres questions derrière la question de l’immigration.
    Je suis bien-entendu d’accord que ce politiquement correct généralisé nivelle et étouffe toute discussion : c’est une forme douce de censure ! Se prononcer quant aux questions d’immigration nous amène à être qualifié de xénophobe, sur la politique israélienne on devient antisémite, etc.

    Néanmoins, une chose nous distingue des animaux : notre capacité à asservir l’autre !
    L’immigration pose inévitablement la question de la répartition des richesses, mais aussi celle des chances. Caque peuple et chaque habitant de cette terre aura au final toujours à choisir : à progresser, évoluer… Mais on ne peut nier que les inégalités sont flagrantes (financières, politiques, écologiques), et largement entretenues par quelques grandes puissances et institutions.
    Je ne peux que vous inviter à regarder le film “Life and Debt” : vous comprendrez bien mieux que par de longs discours.

    Dans ces conditions, accueillir ou refuser l’immigration devient aussi une question morale, éthique, voire spirituelle ! Et cela devient furieusement humain…

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