L’Europe entre deux rives

L’Europe entre deux rives:

Cette année nous avons décidé de rester en Europe, si pleine d’un charme suranné, c’est un peu comme si nous nous promenions dans le passé. Hier nous étions à Arenzano, petite ville sur la cote Ligure, située à quelques kilomètres à l’Ouest de Gênes. Si vous rêvez d’un week-end au bord de la mer, allez au Grand Hôtel d’Arenzano qui a gardé un peu de la saveur des années folles. Autrefois le train qui, de tunnel en tunnel, longeait la mer en surplomb, s’arrêtait juste en face de l’hôtel. Aujourd’hui la voie ferrée a été remplacée par une magnifique promenade pour cyclistes et piétons. Ce sont les femmes qui s’adonnent à la marche, les hommes roulent en vélos. Deux mondes qui se croisent sans se mélanger. On y voit des papys enfourchant des vélos de compétition et habillés comme à Carnaval, casqués et bariolés de couleurs fluos, comme s’ils partaient pour un Milan-San Remo. Pour les Suisses Arenzano est à une demi-journée de route, par le tunnel du Grand-Saint Bernard, pour s’offrir le soleil de la Méditerranée à bon compte.

Nous sommes ensuite remontés vers le Nord en longeant le Piémont jusqu’à Brescia, puis direction vers l’Est et la Vénétie. C’est sur cette autoroute à trois voies surchargées dans chaque sens que nous mesurons le changement du sens de gravité de l’Europe. Des norias ininterrompues de camions déboulent de l’Est sur deux files et viennent les uns de Pologne ou de Hongrie, les autres de Bulgarie, de Slovénie ou de Croatie. Il y a 20 ans l’Europe se terminait à Trieste, isolée au fin fond de l’Adriatique ; aujourd’hui elle va bien au-delà. Cette Europe de l’Est se réveille après 50 ans de socialisme qui avait tout stérilisé. Elle travaille, elle produit et elle vend. Elle fut la grande bénéficiaire des délocalisations  et aspire à la prospérité. Trieste qui était jadis à l’extrême Est se retrouve aujourd’hui au centre et fait plein de projets, tel celui de réaliser un grand port marchand qui ferait le lien entre l’Europe de l’Est et le bassin Méditerranéen. La ville rêve aussi d’une liaison TGV avec Lyon via Milan. Les projets ne manquent pas, mais on sent ici l’hésitation de l’Europe, vieillie  et affaiblie , entre un futur dynamique et le renoncement. Deux forces opposées s’affrontent et l’avenir reste incertain.

En Vénétie, nous prenons le poul de l’Europe. Nous sommes installés à Conegliano, petite ville active située à 3o minutes de Venise. Les problèmes d’ici résument ceux de l’ensemble de l’Europe. Les uns rêvent encore de grandeur et les autres sont désabusés. Les premiers se nourrissent de la splendeur et du rayonnement de Venise, la Sérénissime ; les autres ne supportent plus les lourdeurs administratives et le fardeau d’une bureaucratie inefficace qui ruine le pays. Le soir après le travail les habitants vont boire un verre de spritz, mélange de vin blanc Prosecco et d’eau pétillante, hérité du temps où la Vénétie faisait partie de l’empire Austro-hongrois. Les langues alors se délient : l’Italie entre dans une crise très grave et, dans la région, les entreprises ferment les unes après les autres, écrasées sous le rouleau compresseur de la mondialisation. On en veut au personnel politique d’avoir cédé à cette nouvelle idéologie à la mode: la mondialisation qui ruinera l’Europe. Puis on se plaint de ce Sud geignard qui vit au crochet du Nord laborieux et entreprenant. Cela résume bien un des problèmes de l’Europe latine, handicapée par des Etats providences qui assistent une quantité sans cesse plus grande de citoyens qui ne savent plus se prendre en charge. Cela crée des distorsions au sein même des nations entre les différentes régions comme on peut le voir en Belgique entre les flamands et les wallons, en Espagne entre les catalans et les andalous, et en Italie entre les lombards et les romains.

La crise couve en Europe, mais n’a pas encore explosé, car les Etats continuent d’emprunter en hypothéquant le futur pour maintenir un niveau de vie, comme une sorte d’acharnement thérapeutique. L’Europe se trouve entre deux rives et l’on se demande si elle accostera jamais…

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