135 – BIG BROTHER

 

J’ai un peu honte de vous l’avouer, mais je n’avais jamais lu le très célèbre livre de George Orwell « 1984 ». Cette coupable erreur est maintenant réparée et je ne peux résister au plaisir de partager quelques réflexions avec vous. Le monde qu’il décrit fait référence aux régimes totalitaires que l’Europe a trop bien connus, symbolisés ici par la présence omnipotente de Big Brother. On pourrait croire ces temps révolus, mais certains aspects de ce monde déshumanisé ont de troublantes similitudes avec notre époque.

Le monde sous la tutelle du Parti, représenté par Big Brother, est basé sur la surveillance permanente ne permettant plus aucune intimité : « Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde constamment. Elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre en admettant que tout son était entendu et que, sauf dans l’obscurité tout mouvement était perçu ».  Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui cette surveillance, soit ici au profit du marketing commercial, soit ailleurs sous le contrôle des régimes autoritaires.

La répétition rythmée de slogans simples permettait une sorte de lavage de cerveau qui n’est pas sans faire penser au matraquage publicitaire  ou médiatique auquel nous sommes quotidiennement soumis  pour que l’on devienne accroc à une marque ou adepte des idéologies à la mode: « C’était un refrain que l’on entendait souvent aux moments d’irrésistible émotion. C’était en partie une sorte d’hymne à la sagesse et à la majesté de Big Brother, mais c’était, plus encore, un acte d’hypnose personnelle, un étouffement délibéré de la conscience par le rythme ». Ne sommes-nous pas envahis par nombre de slogans qui, trop souvent, sont nos réservoirs d’idées et qu’il nous arrive de répéter sans réfléchir : « Elle n’avait pas une idée dans la tête qui ne fût un slogan et il n’y avait aucune imbécillité, absolument aucune, qu’elle ne fût capable d’avaler si le Parti la lui suggérait ». Dans nos sociétés, il faut aussi suivre le consensus et adopter l’idéologie dominante des « biens pensants », sauf à prendre le risque d’être exclu, montré du doigt ou pourchassé en tant que secte par la Police de la Pensée.  Chaque jour sur les ondes on nous explique ce qu’il faut penser ou ne pas penser des fonctionnaires, des musulmans, des juifs, des homosexuels, des émigrés et que sais-je encore. « Il faut toujours hurler avec les loups, voilà ce que je pense. C’est la seule manière d’être en sécurité ».

La société imaginée par George Orwell était hiérarchisée avec une classe dirigeante de type oligarchique qui n’était pas très différente de celle qui gouverne actuellement le monde : « L’essentiel de la règle hiérarchique n’est pas l’héritage de père en fils, mais la persistance d’une certaine vue du monde et d’un certain mode de vie…Un groupe directeur est un groupe directeur aussi longtemps qu’il peut nommer ses successeurs. Le Parti ne s’occupe pas de perpétuer son sang, mais de se perpétuer lui-même. Il n’est pas important de savoir qui détient le pouvoir, pourvu que la structure hiérarchique demeure toujours la même ». Nous avons en occident deux partis politiques qui se renvoient poliment la balle dans ce qu’ils appellent « l’alternance » qui permet aux mêmes de rester au pouvoir avec la même vision du monde. Toute idée neuve est aussitôt rejetée et tout mouvement porteur de valeurs différentes est frappé d’ostracisme. « Le Parti recherche le pouvoir pour le pouvoir, exclusivement pour le pouvoir. Le bien des autres ne l’intéresse pas. Il ne recherche ni la richesse, ni le luxe, ni une longue vie, ni le bonheur. Il ne recherche que le pouvoir. Le pur pouvoir. » N’est-ce pas la parfaite définition de l’immense majorité de ceux qui se sont mis en tête de nous gouverner ?.

La grande originalité de « 1984 » est d’avoir imaginé une société dans laquelle la langue était réduite à sa plus simple expression. Ce rétrécissement du vocabulaire limitait la richesse et la diversité de la pensée : « le véritable but de la novlangue est de restreindre les limites de la pensée. A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mot pour l’exprimer… Chaque année de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint… Chaque réduction était un gain puisque, moins le choix est étendu, moindre est la tentation de réfléchir ». Ces phrases terribles nous évoquent la restriction de la langue générée par les nouvelles technologies en particulier avec les SMS ou Twitter où le langage est réduit à sa plus simple expression. Les échanges verbaux des cours de récréation sont également édifiants lorsqu’ils naviguent entre « c’est super cool » et « nique ta mère ». La langue est le support de la pensée et, lorsque la pensée ne sait plus s’exprimer par des mots, il faut avoir recours à la violence des gestes : C’est le retour à la barbarie !

Heureusement, dans tout système, il existe toujours quelques individus qui résistent et ne veulent pas rentrer dans le moule de l’idéologie, c’est le cas de Winston : « Le but poursuivi était, non pas de rester vivant, mais de rester humain ». Tel est le but que nous poursuivons aussi avec vous dans nos Chroniques Libres.

Citation du jour :

« Le langage politique est destiné à rendre vraisemblable les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que du vent ».

George Orwell

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