174 – ORIGINE DE LA DETTE

Quand chacun disserte sur « la crise », il faut savoir de quoi l’on parle. Crise financière ? Crise économique ? Crise de l’occident ou crise mondiale ? Crise de la dette ? Quelle dette ?.

Il devient de plus en plus difficile de nier que l’occident est en crise globale, systémique, c’est-à-dire à de multiples niveaux. Il est cependant encore inconvenant et tabou d’employer l’expression de « décadence de l’occident ». J’ai montré, dans mon livre intitulé « Démocraties en péril », combien l’occident est un grand corps malade et âgé. Il arrive un moment dans la vie où, dès qu’une fonction organique se dérègle, c’est l’ensemble de l’organisme qui est affecté. Il en découle une cascade d’évènements à partir d’un événement déclencheur. Toutes les fragilités de l’organisme apparaissent alors. Or, la crise dite des « subprimes » aux USA en 2008 fut l’événement déclencheur qui révéla au grand jour toutes les faiblesses latentes de l’occident. Les banques américaines avaient pris des risques inconsidérés en prêtant de l’argent à des populations insolvables, en échange de taux d’intérêts prohibitifs. Ils ont fait une erreur professionnelle qu’ils devaient assumer, au risque de la faillite.

Parmi ces points de vulnérabilité, est apparue tout d’abord la faiblesse économique de l’occident qui s’est laissé dérober sa compétitivité lors de la mise en place de la mondialisation. Mais personne ne voulait voir en face cette vérité qui dérangeait, tant on nous avait vanté les mérites et les avantages de cette fameuse mondialisation. De nombreux pays ne se sont pas préparés à la concurrence sévère qui les attendait et ils ont continué à vivre comme si rien n’avait changé. Les usines fermaient et, dorénavant, les entreprises sous-traitaient en Asie. Des norias de porte containers faisaient la queue dans nos ports et le chômage poursuivait son augmentation régulière. Mais les gouvernements continuaient à promettre des lendemains qui chantent et les Etats s’endettaient pour tenter d’assumer leurs promesses.

La situation était donc grave, mais pas désespérée. Cependant les gouvernements et les Banques Centrales se sont mis dans la tête, dans un premier temps, de sauver de la faillite les banques prises au piège des subprimes, puis ensuite, de sauver l’économie en injectant des sommes considérables pour éviter la récession. Cela revenait bien sûr à redonner à boire à un ivrogne qui a roulé sous la table, alors qu’il eut fallu le laisser s’assoupir quelque temps ! L’occident, dans son ensemble, vivait au-dessus de ses moyens et les banques avaient perdu beaucoup d’argent. Qu’importe, nous avons imprimé de la monnaie et emprunté le reste aux Chinois qui sont riches…grâce à nous ! La folie suicidaire a consisté à ajouter de la dette à la dette. Ainsi nous nous sommes mis sous la tutelle de la Chine qui va nous dicter sa loi. Nous avons perdu l’honneur pour éviter la récession, mais… nous aurons la récession et perdrons notre honneur !

C’est ainsi qu’en 2010 et 2011, des milliers de milliards de dollars ont été mis sur la table pour aider les banques et les gouvernements endettés. Mais laissez-moi vous poser une question : si aujourd’hui vous héritez d’une belle somme, allez-vous la placer en Grèce ou en Asie ? Je connais la réponse et tout le monde a fait comme vous. Une grande partie des liquidités gigantesques injectées dans l’économie sont parties s’investir ailleurs, au Brésil, en Inde, en Chine et se sont placées aussi sur les matières premières. Nous avons donc stimulé l’économie là-bas et favorisé l’inflation qui va nous revenir en retour. Il eut fallu accepter de payer pour nos fautes, c’est-à-dire accepter la récession qui aurait remis les pendules à l’heure. Nous avons repoussé le problème et l’avons dangereusement aggravé. Nous avons refusé l’amputation qui aurait pu juguler la gangrène ; il nous faudra demain supporter une chirurgie encore plus invasive.

Mais, hormis cette dette énorme, générée par le pseudo-sauvetage en catastrophe de l’économie, il existait déjà une dette chronique et insidieuse qui s’enflait depuis les années 80. Il s’agit d’une dette que les Etats contractent chaque année pour combler les déficits budgétaires. A titre d’exemple, ce déficit annuel atteint en France pour 2011 seulement près de 100 milliards d’Euros, soit le tiers des recettes ! Emprunter pour investir, afin de préparer l’avenir, peut se concevoir puisqu’il s’agit d’investissements qui peuvent être rentables. Mais le drame aujourd’hui réside dans le fait que les Etats empruntent pour financer les dépenses du fonctionnement du passé : pour payer les fonctionnaires et les retraites, pour combler les déficits de l’assurance maladie ou des caisses de chômage et même pour payer les intérêts des dettes antérieures.

Nous héritons donc d’une situation catastrophique au niveau des Etats. Ils sont très lourdement endettés et certains d’entre eux ne parviennent même pas à s’acquitter des intérêts de la dette. Personne ne songe à rembourser un jour le capital. Les gouvernements, aculés, ont finalement décidé l’inévitable : faire des économies, réduire les dépenses, fermer le robinet de l’Etat Providence et augmenter les impôts. Cette diète va affaiblir l’économie, mais peut aussi l’assainir. Il va falloir une génération pour espérer rétablir un équilibre. Mais, d’ici là, bien des évènements peuvent survenir…

La crise est donc bien la crise de l’occident. La dette est celle des banques centrales et des Etats, qui sont ruinés. Nous arrivons au bout du concept, nous sommes au bord de l’asphyxie. C’est ce qui arrive aux peuples imprévoyants et aveugles aux changements du monde. D’autres, avant nous, ont connu pareil destin. Mais demain, sera une nouvelle aurore…

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