Nous avons sans doute trop attendu de la science et de la technique. Nous avons attendu le confort, nous avons attendu le bonheur et, ultime illusion, nous avons attendu qu’elles donnent un sens à notre vie.
La science érigea des dogmes, construisit ses autels, forma ses grands prêtres, édicta ses rites et ses croyances. Pas étonnant dans ces conditions qu’elle finit, comme la plupart des religions, dans le sectarisme, dans l’exclusion et dans la fermeture intellectuelle. Finalement la science, comme la religion, poursuit son épopée en vivant l’exact contraire de ce qu’elle professe. L’une et l’autre voulaient libérer l’homme pour le servir et l’une et l’autre l’ont dominé pour l’asservir.
Les progrès scientifiques les plus fabuleux ont été régulièrement détournés de leur vocation pour mieux dominer l’homme et la nature, pour conforter le pouvoir des dirigeants, pour accroître la richesse des riches, pour mieux exploiter les pauvres, pour exacerber l’impérialisme des uns et la haine des autres, pour mieux manipuler le peuple et transformer les sujets-citoyens en objets-consommateurs. Combien d’inventions et de « progrès scientifiques » font peser de lourdes menaces sur nos civilisations : pollution chimique, réchauffement climatique, énergie nucléaire, etc ?
La science succéda aux religions et c’est, naturellement, dans l’occident scientifique que la religion est la plus affaiblie. L’une et l’autre procèdent du même esprit dominateur, totalitaire et elles manient l’excommunication. Elles combattent les mécréants et les hérétiques avec la même fougue exterminatrice et pourchassent le diable avec détermination. Pour la science, le diable se cache dans tout ce qu’elle ne comprend pas et, en particulier, dans les phénomènes non reproductibles qui ne peuvent être observés suivant les préceptes de la méthode expérimentale. L’expérience intime, personnelle, celle qui conduit à la connaissance, à l’amour ou à la foi, à l’intime conviction, comment peut-elle être objectivée par la méthode scientifique ? Les Ayatollahs du rationalisme et de la pensée unique ne dressent plus de bûchers, mais ils pratiquent l’exclusion, le mépris, l’invective et l’insulte.
C’est ainsi que la science refuse d’étudier et même d’entendre parler d’un grand nombre de domaines qui, pourtant, mériteraient une investigation. Des territoires immenses demeurent inexplorés, sans doute par peur d’y faire des rencontres insolites susceptibles de perturber tous ceux qui préfèrent penser en rond : les intuitions soudaines, les prémonitions, les vies antérieures, la vie après la mort, la médiumnité, le channeling, les guérisons spontanées, les prouesses de l’effet placebo, l’inconscient collectif, les mémoires ancestrales, les perceptions au-delà du sensible, les capacités mnésiques et les prodiges de certains autistes, etc…En résumé, la science est à l’aise dans le domaine de la matière, encore que la physique ne manque pas de paradoxe, mais elle est totalement aveugle et désarmée dans l’immatériel, dans les dimensions psychiques, dans les connaissances subtiles.
La suprématie de la pensée rationnelle a étouffé la pensée symbolique et analogique. L’esprit est sous le joug de la matière et l’homme avance à cloche pied. Le cerveau gauche a pris le pouvoir et c’est tout un pan du savoir qui nous échappe. Nous ne sommes capables d’appréhender que ce qui se pèse et se mesure. Le quantitatif prime sur le qualitatif. Le bonheur se mesure en fonction du Produit Intérieur Brut. L’imaginaire, la poésie, la spiritualité sont rangés dans la rubrique des accessoires démodés.
Ce que je reproche à la science, ce n’est pas ce qu’elle ignore mais ce qu’elle refuse d’admettre et de regarder, ce qu’elle rejette dans les ténèbres. Je réfute un enseignement pyramidal, une élite détentrice du pouvoir et du monopole du savoir qui dispense un enseignement officiel qui descend du haut vers le bas, comme la grâce divine. Je reproche à la science d’avoir accouché d’un monde désenchanté et d’avoir desséché notre pensée.
Il est donc temps de « ré-enchanter » le monde et accepter que l’homme ne se nourrit pas que de rationalité. Il nous faut réconcilier l’esprit et la matière, s’ouvrir à la pensée symbolique et analogique, imaginer même des relations non causales.