198 – RÉVOLTE OU RÉVOLUTION?

Le 14 Juillet 1789, la Bastille est aux mains des insurgés Parisiens et la tête de son gouverneur est promenée, au bout d’une pique, devant le Palais Royal. Le roi Louis XVI s’informe : « Mais, c’est une révolte ? ». « Non, Sire, lui répond le Duc de Liancourt, c’est une révolution ».

 Selon l’historien américain Martin Malia, la révolution est spécifique à l’occident et, en particulier, à l’Europe. Depuis les inno Selon mbrables révolutions du temps de la République Romaine, notre histoire est émaillée de soubresauts violents. Selon Malia, les Français ont introduit l’idée que l’histoire se fait par les révolutions. En outre, le processus révolutionnaire est cumulatif, chaque révolution s’alimentant de la précédente, jusqu’à la révolution Russe et son point d’orgue en Octobre 1917.

Dans son « Histoire des Révolutions », Martin Malia décrypte les conditions qui doivent être réunies pour qu’une révolution explose. Il faut, selon lui, un Etat fragilisé, une économie bouleversée et une classe sociale privilégiée et avide qui servira de bouc émissaire. Ces ingrédients explosifs étant réunis, il faut encore, pour les amalgamer, une mobilisation de toutes les catégories sociales contre les institutions centrales.

Vous voyez naturellement où je veux en venir : est-ce que, dans un avenir proche, un pays occidental remplira les conditions pour que se déclenche une révolution ? Vous pensez sans doute que je m’assigne une tache bien ardue et quelque peu présomptueuse. Je vous l’accorde, mais c’est plus fort que moi, rien ne m’amuse plus que de tenter d’anticiper et de déceler, dans nos attitudes présentes, les conséquences dans le futur. Nous sentons bien des craquements ici ou là, mais rien encore de décisif. Toute la question est de savoir si le mouvement des « Indignés » va se transformer en association des « Résignés » ou bien se transmuter en « Révoltés ». Nous assistons à une indéniable mondialisation de la colère et chacun se reconnaît dans ce mouvement, resté jusqu’à présent pacifique. De quel côté le vent va-t-il tourner ?

Ils occupent depuis des mois la Plaza del Sol à Madrid et maintenant ils ont investi Wall Street

Les Indignés à Madrid

et campent devant la City de Londres et même la Paradeplatz à Zurich et le square Victoria à Montréal. Pour l’instant ils se contentent de s’indigner, cela ne coûte rien et ne demande pas beaucoup d’efforts. Les révolutions commencent toujours comme cela, doucement, avec des gens raisonnables qui préparent le terrain mais n’obtiennent rien des autorités. Le contexte est favorable à une évolution du mouvement d’indignation qui, à tout moment, peut échapper des mains des initiateurs et repris par des gens aux méthodes plus expéditives. D’autant que l’économie occidentale est atteinte de plein fouet par la crise de la dette et les délocalisations ; les gouvernements sont discrédités en même temps que la démocratie parlementaire ; enfin, une oligarchie financière continue à spéculer sans vergogne et à s’enrichir avec arrogance et cynisme, en focalisant l’aversion de la société dans son ensemble. Si j’en reviens à la trilogie de Martin Malia, je constate que les critères pré-révolutionnaires sont remplis. Il manque seulement l’action de masse, le soutien actif du peuple pour renverser l’oligarchie au pouvoir.

  Quelques chiffres suffisent pour estimer d’où peut venir la colère. Le chômage dépasse largement le taux de 20% en Espagne. Les enfants Européens ont des obligations financières qui atteignent en moyenne 10 fois la production annuelle de l’Europe : que peuvent-ils faire, sinon la révolution ? Aux USA plus de 16% de la population est sans emploi et les salaires de Wall Street sont le double d’ailleurs, tandis que 1% des plus riches possèdent 42% de la richesse des ménages. Ces riches sont-ils plus productifs, plus intelligents ou plus avides que les autres ? Sans doute pas, mais ils n’ont fait que profiter du système qui est truqué au départ en leur faveur (nous reviendrons sur l’origine de ce truquage dans une prochaine chronique). Mais le peuple se moque de l’origine, il ne constate que les résultats qui ne sont plus tolérables.

Tant qu’il y aura du pain et des jeux, le peuple peut tolérer bien des choses. Je ne me soucie pas pour les jeux mais bien davantage pour le pain quotidien qui ne sera bientôt plus assuré pour tout le monde en occident, comme on peut le voir en Grèce. En Amérique, 45 millions de citoyens dépendent des bons d’alimentation ! Si, dans les mois qui viennent, un Etat fait faillite, tout devient possible, même le pire. Vous connaissez l’histoire du dos du chameau que l’on charge jusqu’à la limite de ce qu’il peut supporter ? Quel est le brin de paille de trop qui fera plier le dos du chameau ? Les anglo-saxons ont un très joli nom pour le décrire, c’est le « tipping point », le point de rupture. Ce tipping point peut survenir à tout moment au cours de l’année qui vient, mais il faut être prophète pour savoir quel est le chameau qui ploiera le premier !…

Il y a quelques années, Francis Fukuyama avait voulu jouer les prophètes en publiant un livre sur « La fin de l’Histoire ». Il plaidait que la conjonction du capitalisme et de la démocratie avait atteint un tel degré de perfection que le système était capable de s’auto-corriger et que plus rien ne pouvait arriver à l’Occident. Fukuyama avait oublié un paramètre : l’homme, toujours imprévisible !

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