Le sacré accompagne les sociétés humaines depuis l’aube des temps et apparaît essentiel à leurs survies. Le sacré n’est plus à la mode, mais nous sommes souvent rattrapés par ce que l’on croit derrière nous !
Le sacré est ce qui rassemble, une famille, un groupe, un peuple. Ce sont les valeurs communes les plus importantes que nous sommes prêts à défendre coûte que coûte, y compris au péril de notre vie. C’est l’union qui fait le sacré et non l’inverse. Le sacré peut être une terre, un lieu, un sanctuaire, un individu, une idée, un objet, un symbole, une image, une réunion, un jour de l’année. Le sacré n’est pas nécessairement lié au divin, il peut être profane, mais d’une manière ou d’une autre il est religieux, dans le sens qu’il relie. Il existe ainsi de profondes similitudes entre les obsèques nationales de soldats morts au combat et une procession à Lourdes.
Le sacré est un ciment qui rassemble autour de valeurs communes, mais c’est aussi une source intarissable de divisions et d’intolérances. Qui dit sacré, dit sacrilège et aussi sacrifice ! « Interdire le sacrilège et légitimer le sacrifice, sont les deux attributs du sacral », écrit Régis Debray dans son très beau livre : « Jeunesse du sacré » que je vous recommande, à la fois pour la vivacité du style, la profondeur de l’analyse et la facilité de lecture. Il ajoute : « Le blasphème procède par la parole, le sacrilège par les actes ». Au sein même du sacré, se loge donc l’intolérance et l’exclusive qui firent couler tant de sang. La loi qui punissait de mort le sacrilège, c’est à dire l’offense au sacré, ne fut abolie en France qu’en 1830 ; elle est encore en vigueur en Arabie Saoudite. Le sacré est donc à la fois fédérateur et séparatiste, rassembleur et intolérant, jusqu’au-boutiste ! Les conflits sont des conflits de sacralité, et que de crimes pour faire expier un sacrilège ou une profanation…
Et pourtant, voilà le paradoxe, nous avons besoin de vénérer quelque chose de plus grand, de plus ancien et de plus durable que nous-même. « Chaque civilisation a besoin, au moins une fois l’an, de former le carré. Elle peut en changer, de carré, mais tant qu’elle se croit un avenir, il lui en faut au moins un ». Lors de ces réunions communautaires, les participants y retrouvent leur âme, c’est à dire le souffle sacré. « Ne plus s’opposer à rien ni à personne, c’est mettre un pied dans la tombe » affirme Régis Debray


Article très intéressant, bien que je ne sois pas tout à fait d’accord avec la phrase “on ne donne pas sa vie pour les droits de l’homme”, je pense au contraire que si, même si l’appel est en effet moins fort que l’appel du sacré.