260 – LA BIOLOGIE SYNTHETIQUE

Les prouesses de la biotechnologie font partie des changements et des choix que doivent affronter les sociétés du 21ème siècle. Vous connaissez les OGM tant contestés, mais ceci n’est qu’un pas timide face à la biologie synthétique qui se dessine pour demain.

Vous savez que « le livre de la vie » est inscrit, sous forme codée, dans les fameuses molécules

schéma d'une molécule d'ADN

d’ADN, constituant des gènes, et caractéristiques de toutes les espèces vivantes. La structure de cet ADN est la même pour tous les êtres vivants avec 4 molécules spécifiques (Adénine, cytosine, guanine et thymine) qui constituent, en quelque sorte, la spécificité du vivant. La réalisation d’une plante OGM consiste à remplacer un gène par un autre afin de conférer à la plante un caractère précis. Mais toutes les briques élémentaires sont celles du vivant. Il s’agit simplement de « reprogrammer le vivant à partir de fonctions biologiques connues ».

 Une nouvelle page de la biotechnologie vient de s’ouvrir avec « la biologie synthétique » qui consiste à construire du matériel vivant, différent du monde naturel. Une vie parallèle en quelque sorte, étrangère au vivant que nous connaissons. C’est ainsi que le français Philippe Marlière du CEA d’Evry et l’allemand Rupert Mutzel de l’Université Libre de Berlin ont crée la première bactérie synthétique. Pour cela ils ont réussi à construire un ADN nouveau en modifiant une des quatre molécules spécifiques que j’ai énumérée ci-dessus : ils ont remplacé la thymine par le 5-choloro uracile.

 Le plus extraordinaire c’est que cette modification fondamentale s’est faite en s’appuyant sur les lois de la sélection naturelle. Les deux chercheurs ont cultivé des bactéries dans des milieux de culture de plus en plus riches en 5-chloro uracile jusqu’à ce que les bactéries, de mutation en mutation, soient capables de métaboliser cette nouvelle molécule et l’intègrent dans leur ADN à la place de la thymine. Ce néo-vivant a la particularité de ne pouvoir « vivre » dans un milieu naturel, sans 5-chloro uracile, et encore moins de pouvoir s’hybrider avec des bactéries naturelles. C’est une sécurité, un genre de « pare-feu génétique » susceptible de rassurer ceux qui s’insurgent déjà devant cette nouvelle avancée digne du docteur Frankenstein.  Les chercheurs sont aujourd’hui plus modestes et plus prudents car ils ont tiré la leçon des OGM qui ont fait peur et ont été massivement rejetés par le public, pas toujours de façon objective d’ailleurs…

Néanmoins, tout le monde ne partage pas cet optimisme et en particulier un certain nombre de biologistes, sur le site www.vivagora.fr  qui se méfient de ce que peut contenir cette nouvelle boîte de Pandore. Ils envisagent une dissémination possible dans certaines niches écologiques ou un transfert de gènes avec des cellules vivantes naturelles dont les conséquences sont aujourd’hui impossibles à évaluer. Une synthèse de substances toxiques par les bactéries synthétiques est également possible. La parade résiderait dans la fabrication de bactéries synthétiques plus éloignées encore des bactéries naturelles, avec une « barrière de langage » infranchissable. A suivre… Pour ceux qui voudraient approfondir le sujet je recommande le livre intitulé « Fabriquer la vie : où va la biologie de synthèse ? » (Seuil)

Vous me pardonnerez cette chronique un peu technique, mais nous devons tous comprendre les bouleversements technologiques en cours car nous aurons à nous prononcer demain, de manière démocratique, sur les risques et les avantages de la biologie synthétique. Nous avons eu notre mot à dire sur les OGM et nous devrons aussi mesurer les risques des nanotechnologies. S’informer, c’est devenir responsable !…

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