293 – LES FAUX REMÈDES POUR LA CROISSSANCE

Chacun recherche le chemin de la croissance, mais personne ne crée les conditions de la croissance et beaucoup proposent de faux remèdes qui aggravent la situation…

Mix&Remix, l’Hebdo, Lausanne

 Dans notre précédente chronique (N°290) nous avancions l’idée que la croissance économique ne se décrète pas. En France, un nouveau gouvernement a été élu sur le thème de la croissance, ce qui a fait briller les yeux des électeurs. Comme souvent en politique, il s’agit d’une promesse électorale qui n’engage que ceux qui y croient. Comme l’écrivait récemment le président de la Bundesbank : « Être favorable à la croissance, c’est comme être partisan de la paix dans le monde». Autrement dit, c’est une idée creuse ou un vœux pieux ! La croissance est possible mais elle se prépare et, compte tenu de la situation mondiale actuelle, elle passe par une plus grande compétitivité ce qui exige de très importants sacrifices en termes de dépenses étatiques. Mais, actuellement, les pays endettés ne veulent faire aucun sacrifice et attendent que la situation soit devenue dramatique, c’est-à-dire que le noeud coulant se resserre, pour agir sous la contrainte. La Grèce et l’Espagne illustrent parfaitement la situation.

Le premier subterfuge pour stimuler la croissance et permettre de s’endetter davantage, à bon compte, consiste à baisser les taux d’intérêts. C’est ce qu’à fait le Japon depuis les années 1990 passant d’un taux de 6.7% à 0.9%. Aujourd’hui le Japon est super endetté et son économie totalement atone. L’Europe et les Etats-Unis ont suivi le même chemin. Les Etats en ont profité pour augmenter considérablement le niveau de leurs dettes et les particuliers se sont rué sur l’immobilier, créant dans certains pays comme l’Espagne une bulle immobilière monstrueuse. Nous avons suivi le modèle du Japon qui conduit nulle part et, maintenant, c’est toute l’économie mondiale qui est à l’arrêt. Les taux d’intérêts sont tellement bas qu’ils ne peuvent plus baisser.

IMPRIMER DE L’ARGENT
ACHETER DES DETTES
“Cette année nous retournons au coeur de notre boulot”

  Le prix Nobel d’économie, Paul Krugman, se répand dans la presse et sur les ondes pour nous expliquer que, pour stimuler la croissance, il suffit de laisser la FED et la BCE imprimer des dollars et des euros en quantité suffisante pour éponger les dettes des Etats et relancer la consommation. Cette technique, héritée du fameux économiste John Maynard Keynes, fonctionne assez bien lorsqu’il s’agit de stimuler un peu l’économie en période molle. Mais ce qu’oublie Krugman, c’est que la situation actuelle est exceptionnelle en gravité car ce sont les Etats qui sont surendettés et qui absorbent l’essentiel des richesses des pays en question!

C’est ce thème qui occupe actuellement les Européens autour des fameux « Eurobonds ». Pour bien comprendre, rappelons qu’actuellement chaque pays Européen emprunte sur les marchés à des taux différents suivant le niveau de confiance des investisseurs. Pendant que les Allemands empruntent à 1%, les Portugais ne trouvent pas un kopeck à moins de 6 ou 7%. C’est donc une terrible distorsion de concurrence qui, dès le départ, handicape fortement les pays mal notés. Mais, ainsi, chaque pays est responsable de ses dettes. L’idée consiste à permettre à la BCE d’émettre des obligations, c’est-à-dire des emprunts, à un taux moyen Européen (Eurobonds). Chaque pays viendrait donc s’approvisionner auprès de la Banque Centrale Européenne en fonction de ses besoins. Mais dans cette hypothèse c’est la BCE qui supporte tous les risques, c’est-à-dire l’ensemble des pays Européens solidairement. Dans la pratique, c’est l’Allemagne qui supporterait un double fardeau : non seulement elle emprunterait à un taux plus élevé, mais surtout elle deviendrait la garante de toutes les dettes Européennes. Il est bien évident qu’en l’état actuel des choses l’Allemagne ne peut accepter les Eurobonds, sauf à prendre une décision suicidaire. Pour mettre en place des Eurobonds, il faut au préalable avoir une vraie gouvernance européenne : nous en reparlerons. Créer des Eurobonds reviendrait à confier votre carte de crédit à quelqu’un dont vous ne contrôlez pas les dépenses !

Mix&Remix, L’Hebdo, Lausanne

 Créer de l’argent à partir du néant, sans contre partie réelle, a un effet pervers immédiat comme on le voit depuis cinq ans en Europe et aux Etats-Unis. Cet argent ne va pas dans l’économie car on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, il va donc s’investir dans les actions à la bourse et dans les matières premières. Ce sont donc les spéculateurs et les actionnaires qui s’enrichissent et l’écart se creuse entre les riches et les pauvres. Les prix montent, les salaires ne suivent pas et, ensuite, l’inflation s’installe. Cette technique a déjà permis de multiplier par treize la valeur relative des biens des classes riches, au détriment des classes moyennes. Voilà ce qui attend ceux qui veulent créer la croissance artificiellement. La croissance se mérite et ne se trouvera pas dans un tour de passe-passe.

La deuxième recommandation de Krugman consiste à augmenter les impôts pour alléger les dettes de l’état. C’est la leçon qu’ont retenu les Français qui ont déjà le taux de prélèvement le plus élevé du monde ! Comment consommer lorsque l’état confisque les revenus des citoyens et des entreprises ? Je ne connais aucun exemple d’un pays qui se soit enrichi en augmentant les impôts. Plus d’impôts, c’est moins de consommation et donc moins de rentrées fiscales. C’est le cercle vicieux parfait.

Création monétaire, relance de la consommation via plus d’endettement, Eurobonds, fiscalité confiscatoire, voilà un certain nombre de fausses pistes qui immanquablement mèneront les pays qui suivent ces voies vers la catastrophe économique. Comme l’écrivait récemment Bill Bonner, « les vrais producteurs sont punis, à coup de taxes et de réglementations, tandis que les activités improductives sont récompensées par des renflouages, des subventions et des faveurs. »

 

NB. Puisque le thème de la croissance économique n’est pas épuisé, je vous propose un nouveau rendez-vous avec la chronique 296 « Les chemins de la croissance ».

Restez à l’écoute.

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6 commentaires

  1. depuis déjà quelques je mets en place un système qui devrait me permettre de tenir sans problème dans les années à venir et surtout de ne pas trop manquer : la non consommation. C’est sans doute plus facile pour les personnes comme moi qui sont retraitées et libres de leur temps que pour les familles avec de jeunes enfants ….quoique….
    d’abord refuser toutes publicités ! elles sont des incitations à dépenser….
    ne pas fréquenter les soldes et les promos car on achète souvent ce dont on n’a pas besoin…
    ne jamais aller “faire un tour en ville” pour un lèche vitrine qui videra encore plus le porte monnaie…
    Au contraire ! je n’achète que ce qui m’est nécessaire et une seule pièce à la fois : c’est idiot d’acheter 3 paires de chaussures quand son armoire est déjà pleine….
    User les vêtements jusqu’au bout histoire d’alléger les dépenses et le dressing…
    Je n’ai d’ailleurs qu’un manteau d’hiver, un imper, une veste, une paire de chaussures légères, une paire de bottes, et des claquettes dans laquelle je passe le meilleur de mon temps…
    Un gros pull l’hiver remplace le chauffage et j’ai supprimé le sèche linge en employant la force du vent….
    Question nourriture, j’achète en majorité des fruits et des légumes et jamais de repas tout préparé….
    Je préfère passer mon temps à lire ou à jardiner en écoutant de la musique ou le chant des petits oiseaux plutot que d’assister à tous ces concerts, cinéma, sorties et autres manifestations bruyantes et je retrouve mes amis autour d’un plat confectionné ensemble avec un petit rosé frais. Même si on s’offre un bon resto une ou deux fois par an.
    Je ne couvre pas mes petits-enfants de montagnes de jouets et de cadeaux dont ils n’ont que faire mais je discute longuement avec eux, les sortant dans la nature, leur expliquant l’histoire et la région… Jamais surtout de babioles inutiles qui finiront à la poubelle et ne leur laisseront aucun souvenir mais plutot une participation active à tout ce que nous faisons.
    Surtout je leur explique que sans être radin, on peut vivre heureux en simplifiant notre façon de vivre et que l’idée d’être riche ou pauvre cela se travaille !
    Je n’ai pas la clef du bonheur ! mais il est temps de réduire un peu notre “avoir” au profit de notre “être” et ce serait une bonne chose que les gouvernements, dans d’autres situations en face autant…
    Qu’en pensez vous ?

    1. J’aime beaucoup votre témoignage qui arrive à point nommé car il correspond au thème que j’aborde dans ma prochaine chronique qui sera intitulée: “Facebook: symbole d’une société zombie”. Je vais d’ailleurs me permettre de citer les 10 dernières lignes de votre texte.

  2. sans problème mais en rectifiant l’énorme faute d’orthographe que je viens de voir !!! …( dans d’autres situations en fassent autant…)

  3. “« Être favorable à la croissance, c’est comme être partisan de la paix dans le monde». Autrement dit, c’est une idée creuse ou un vœux pieux !”. Cela m’a ramené directement au discours de victoire de François Hollande : “[…]la réorientation de l’Europe pour l’emploi, pour la croissance, pour l’avenir.”… qui irait à l’encontre de l’emploi, de la croissance et l’avenir ?! c’est absurde.

  4. Digression poétique sur cet argent en question

    NOUS VIVONS DE NOTRE ARGENT

    Nous vivons de notre argent
    A force de le dire, à force de le vivre
    A force d’y croire autant,
    De penser autrement nous ne sommes plus libres.
    Nous n’imaginons pas d’autre ordonnancement
    Sur lequel fonder l’échange
    Qu’un système où l’on engrange
    Cette sainte monnaie irrationnellement.

    Nous vivons de notre argent
    Là, comment démontrer à quel point cette idée
    Symptôme du temps présent
    Vogue sur une mer constamment démontée
    Cherchant à louvoyer entre mille récifs
    A éviter les dérives
    A courir dans les coursives
    Pour maintenir vivant son réseau de poncifs.

    Que croyons-nous qu’est l’argent ?
    Un aliment commun produit par une plante ?
    Un ersatz de carburant
    Que nous prodiguerait la Terre bienveillante ?
    Mais nous le savons bien, ce n’est qu’un instrument
    Se basant sur les promesses
    De consommables richesses
    Obéissant aux lois du lobby des puissants.

    Combien sont riches d’argent
    Sans savoir à quel point sa valeur est fictive,
    A quel point des indigents
    Ont dans leur bras, leur tête une richesse active,
    Qu’ils sont le seul vrai sens, la concrète valeur,
    Car elle seule reflète
    L’argent, sans quoi obsolète.
    Mais las, ces gens aussi sont en pleine candeur.

    Ils croient que tout cet argent
    Est fondé sur des biens que fournit la nature,
    Sorte de préexistant :
    L’or, le fer, le pétrole et notre agriculture,
    Et que la politique a seule le pouvoir
    De réguler le partage
    Salaires ou apanages
    En sous-pesant des parts pour au mieux y pourvoir.

    Il faut penser sainement.
    C’est bien dur dans ce monde où tout est si complexe.
    Il faudrait savoir comment
    Eclaircir un système où les flux sont connexes,
    Souvent spéculatifs ou déséquilibrés
    Et veiller à satisfaire
    Le riche et le prolétaire,
    Or, maints essais porteurs ont été dénigrés.

    Nous vivons de notre argent…
    C’est faux, si nous vivons, c’est du travail des autres
    De leurs efforts, de leur temps,
    Les autres vivent du notre !
    C’est en partant de là que tout peut s’éclairer,
    Qu’on peut trouver un équilibre
    Permettant à tous de vivre,
    Changer l’économie ou la régénérer.

    Vous vous demandez comment
    Concevoir ce projet : s’il peut être accessible
    Clair à notre entendement,
    Sa réalisation nous paraît impossible
    Tant les jeux d’intérêts ne pourraient s’y plier.
    On risque dans la seconde
    De déclencher une fronde
    Ou d’avoir devant soi, levés, des boucliers.

    C’est pourtant d’un sentiment
    De profonde injustice et de méthode inepte
    Que provient notre argument,
    Une fuite en avant que tout le monde accepte
    Sachant consciemment ou non qu’un prochain jour
    Nous devrons rendre des comptes
    Envisager la refonte
    D’un système sénile emmuré dans sa tour.

    Par un sain retournement
    De la pensée on peut saisir les paramètres
    Qui nous aideraient vraiment
    A concevoir des clés nous permettant de connaître
    Les liens originaux qui président aux lois
    De la vie économique
    Et de les mettre en pratique
    Equilibrant travail et besoins à la fois.

    Il nous faut savoir comment
    Est créé cet argent, quelles sont les ficelles
    Qui régissent indûment
    Des flux fictifs qui sont des sujets de querelles
    Entre acteurs financiers et collectifs sociaux.
    Et nous devons les connaître
    Pour pouvoir, dans ce plat mettre
    De notre grain de sel, choisir d’autres créneaux.

    C’est un potentiel latent
    Qui dort dans ce travail et dans tout cet ouvrage
    Qui pourrait être mis en œuvre par ces gens
    Qui ne demandent qu’à donner de leur courage
    Et créer de l’argent basé sur les besoins
    Lui donnerait consistance
    Utilité, existence.
    Nous devrions penser et œuvrer à ce soin.

    Sûr ! cela paraît démens
    Tant nous sommes dressés à ce seul point de vue
    De l’argent préexistant.
    Mais voir autour de nous et partout dans la rue
    Tous ces désappointés* exclus de son circuit
    Peut nous faire comprendre
    Que les décisions à prendre
    Doivent braver ce flux trompeur qui nous séduit.

    Sur ces propos je vous entends
    Déjà me rétorquer qu’une monnaie de singe
    Nous conduirait simplement
    A un désastre commercial, si chacun lave son linge
    Avec le savon qu’il produit.
    C’est ne pas voir ce qui suit :
    Peu de gens se préoccupent
    De voir où nous conduit cette monnaie de dupes !

    * à comprendre dans le double sens de personnes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive, et de personnes qui ne sont plus payées (ne touchent plus d’appointements)

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