560 – LA SOUMISSION

 

La semaine passée, nous sommes restés bloqués pendant une demi journée dans un avion parqué en bout de piste d’un aéroport espagnol. Nous devions partir pour le Nord de l’Europe et par conséquent survoler la France qui, une fois de plus, s’offrait le luxe d’une grève des aiguilleurs du ciel.

Nous avions subi avec patience l’attente des contrôles de police, nous avons sagement quitté nos chaussures, notre ceinture, notre montre, notre veste et nous avons montré patte blanche sans récrimination. Nos bagages ont été passés aux rayons X et nous n’avons toujours rien dit lorsqu’un vigile vérifia notre entrecuisse dans l’hypothèse ou nous y aurions niché une bombe. A l’heure dite l’avion ferma ses portes et fut délicatement conduit sur un parking situé à l’autre bout de l’aéroport. Après que l’avion se fut immobilisé, nous n’avons pas bronché lorsque le commandant de bord nous annonça brièvement, en trois langues, que nous n’aurions pas d’autorisation de décollage avant plusieurs heures, si tout allait bien ! Eh oui, la France est si fière d’être au cœur de l’Europe qu’il faut bien en accepter les conséquences !…

 Avec la très grande majorité des passagers nous avons accepté cette information avec une parfaite soumission qui frisait l’indifférence. Cela se trouvait bien car nous venions de lire le dernier livre de Michel Houellebecq intitulé « Soumission », une sorte de plaidoyer pour le « lâcher-prise » et l’acceptation totale des aléas de la vie, un « inch Allah » salutaire comme philosophie de vie. Il faut tout de même dire qu’il y eut dans l’avion deux vieux grincheux qui ont protesté, arguant qu’il était inutile de nous avoir fait monter dans un avion alors que la tour de contrôle avait prévenu qu’il ne pourrait pas partir. Cette protestation émanait, il est vrai, de deux vieux qui n’avaient sans doute pas été élevés dans une pratique assidue et permanente de la soumission telle qu’elle se développe désormais. Il faut dire que l’ensemble des autres passagers ont unanimement exprimé leur réprobation face à ces deux râleurs.

Unknown Nous aimons bien Houellebecq, ce poète visionnaire et iconoclaste qui décrit, livre après livre, la lente décomposition de la civilisation européenne qui ne croit plus en rien, « un Occident qui sous nos yeux se termine ». Ce Cassandre contemporain prend d’ailleurs le soin de préciser que « Cassandre offrait l’exemple de prédictions pessimistes constamment réalisées » et il semblerait que nous ne faisons aujourd’hui que « répéter l’aveuglement des Troyens ».

La soumission est d’ores et déjà totale dans chacun de nos gestes et dans chacune de nos pensées. Election après élection, nous continuons de voter pour des gouvernants qui font systématiquement le contraire de ce qu’ils prétendaient réaliser et nous ne protestons même pas. Nous sommes fichés, nos moindres faits et gestes sont enregistrés, espionnés, traqués. Nos engagements politiques sont tolérés s’ils se contentent de pérenniser le système en place. Notre apathie est telle que nous avons fait une délégation de pouvoir au profit de politiciens qui gèrent nos affaires sans que nous ayons à nous en occuper. Hormis un travail très encadré par une armée de fonctionnaires, nous devons occuper nos loisirs devant la télévision en nous consacrant à parts égales entre les matches de foot, les soirées de téléréalité et les films érotiques. Dans ces conditions nous sommes des citoyens parfaits, dignes de la République qui veille sur nous… Quel repos !

Les Politiques parlent et décident de tout en notre nom, sans que nous ayons un mot à dire. La pseudo construction européenne, bancale, s’est faite sans que nous ayons été consultés. Nos gouvernements ont contracté en notre nom, et sans nous demander notre avis, des dettes colossales qu’ils ne sont plus capables de maitriser. Ils ont laissé libre cours, et contre l’opinion des citoyens, à une immigration incontrôlée d’une masse de gens que nos sociétés vieillissantes étaient incapables d’intégrer. Malgré tout cela, la classe politique continue d’être encensée par des journalistes, « réfugiés dans des citadelles médiatiques », qui nous dictent ce qu’il faut penser et qui orientent l’opinion des citoyens en leur faisant croire qu’ils sont en démocratie. Cette république laïque n’a rien d’autre à nous offrir que cet « humanisme athée » dont on nous rabat les oreilles mais qui ne soulève aucun enthousiasme et que nous gobons par faiblesse, par lâcheté, comme toutes les soumissions.

L’humanisme athée, qui est à la base de notre civilisation contemporaine, est issu de la toute puissance de la science qui croit avoir tout compris sur l’univers et se permet d’affirmer urbi et orbi que « Dieu n’existe pas ». « Présomptueux, oui, c’est le mot ; il y a au fond de l’humanisme athée un orgueil, une arrogance invraisemblables » ose écrire Houellebecq. C’est l’homme qui se prend pour Dieu !

Le moyen de sortir de l’humanisme athée, c’est le retour à la tradition, aux religions monothéistes. Houellebecq imagine une sorte d’accord entre les deux grandes religions monothéistes en France, les musulmans et les chrétiens, pour obtenir le pouvoir et revenir à une société patriarcale et surtout un retour vers la famille, cellule de base de toutes les sociétés pérennes: « Autant l’individualisme libéral devait triompher tant qu’il se contentait de dissoudre ces structures intermédiaires qu’étaient les patries, les corporations et les castes, autant, lorsqu’il s’attaquait à cette structure ultime qu’était la famille, et donc à la démographie, il signait son échec final ».

Prémonitoire?
Prémonitoire?

 L’auteur de « Soumission » nous rappelle la pensée de Toynbee pour qui « les civilisations ne meurent pas assassinées, mais elles se suicident ». L’Europe saura-t-elle échapper à son déclin ? Et cette échappée se fera t-elle par le retour du religieux et pourquoi pas par une domination de l’Islam ? Cela serait une autre soumission. Mais il est étrange aussi de constater combien la soumission est reposante. « L’idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue ». Telle est la soumission totale du moine dans son monastère : la plus grande des libertés se cache derrière la soumission !… Dans notre avion coincé en bout de piste d’un aéroport espagnol, notre soumission et notre acceptation nous ont donné une grande liberté… à un autre niveau !

Être soumis à l’humanisme athée, être soumis à Dieu ou bien à une quelconque religion : quelle est la différence ? L’humanité contemporaine est-elle condamnée définitivement à la soumission ? Il n’y a plus de place pour les insoumis. Autrefois on appelait cela le totalitarisme, aujourd’hui on lui donne le doux nom de démocratie.

C’est tellement reposant lorsque l’on pense à votre place, que l’on agit à votre place et que l’on vous dit ce qu’il faut faire. Vous n’avez plus à vous poser de questions. Vous êtes un objet, du matériel humain, un pion, un rouage du Système… Mais quelle importance ? Tout est tellement plus simple ! Laissez-vous donc guider par le chef, le gouvernement, le système, car eux ils savent mieux que vous ce qui est bon pour vous…De toutes façons, avons-nous vraiment le choix?

REMARQUE:

Si l’on ne peut éviter la soumission, comment exprimer nos frustrations?

Il rete LA TRANSGRESSION qui s’exprime aujourd’hui tout azimut en rejetant à la fois les normes sociales et l’éthique.

“LA TRANSGRESSION” sera le titre d’une prochaine chronique…

Restez à l’écoute!

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