Une société normative est une société qui établit des normes, des règles et des principes auxquels chacun doit se soumettre, une société qui veut gommer les différences, une société qui, au nom d’une idéologie, vous dicte vos manières de vivre, de dire et de penser, une société qui veut votre bonheur malgré vous et qui vous prépare « le meilleur des mondes »…
Une société normative suppose une référence à une norme qui sert de cadre général, comme une sorte de catéchisme ou de Petit Livre Rouge de Mao. Il n’est donc pas étonnant que les régimes totalitaires constituent le prototype des sociétés normatives, religieuses ou laïques. Il n’y a pas de différence fondamentale entre la « dictature du prolétariat » chère aux Marxistes et la dictature de la Bible ou du Coran lorsque ces livres sont interprétés par des idéologues qui ont perdu l’esprit de ces textes. Mais nos sociétés dites démocratiques ne sont pas à l’abri de la contamination normative, comme nous allons le voir en prenant l’exemple de la France.
La bible des « élites » et « maîtres à penser » de la société française, c’est le rationalisme scientifique et technocratique dans lequel le quantitatif prime sur le qualitatif. Tout doit être mesurable et mesuré, y compris votre niveau de bonheur. Le modèle, c’est la « République laïque » qu’il faut vénérer et que les thuriféraires demandent d’applaudir dans tous leurs discours. C’est à l’intérieur de ce cadre que l’Etat et son administration décide de tout, y compris de votre bonheur et contrôle tout, y compris vos paroles et vos opinions.
Cette sainte République a son école car ces sont, bien sûr, aux enfants qu’il faut commencer à imposer des normes. L’Education Nationale est donc le fer de lance et le rouleau compresseur qui forme la société normative. Les programmes sont dits « officiels », passés au crible des censeurs patentés, gravés dans le marbre, et valables pour tous, quels que soient les goûts et les talents de chacun. Pas question de s’écarter de la ligne décrétée par les grands-prêtres sourcilleux qui ne tolèrent aucune déviation et aucune innovation créatrice. Ils mènent un combat incessant pour que sortent de leurs écoles des citoyens indifférenciés, tous abreuvés aux mêmes sources d’un prêt-à-penser fade mais républicain ! Peu importe le niveau des connaissances pourvu que tous passent par la même filière d’un baccalauréat dévalué car le but ultime consiste à fabriquer des citoyens moyens qui pensent tous pareils et continuent de vénérer cette bonne république laïque.
Cet édifice pyramidal imposant, de style stalinien, dispose naturellement, à son sommet, de son école supérieure d’où sortent les élites cléricales chargées de décider, d’appliquer et de contrôler cet ensemble gigantesque et lourd auquel nul ne demande d’avancer, il en est incapable, mais seulement de continuer à ronronner en faisant semblant d’être encore vivant : nous voulons parler de la trop célèbre ENA (Ecole Nationale d’Administration).
Toute cette machinerie suppose en effet un pouvoir central totipotent, loin des réalités du terrain, qui décide de tout dans les moindres détails, mais de façon théorique, sans que jamais ses décisions soient testées au préalable in situ. Ce pouvoir centralisé a élu domicile dans les lustres et les ors des cabinets ministériels parisiens et il dispose d’une armada de bureaucrates et de technocrates zélés qui savent accaparer les media nationaux pour y plaider leurs causes normatives. Au besoin, ils sauront, au nom de l’inquisition républicaine et laïque, prononcer quelques excommunications et condamnations nécessaires.
Parmi les plus beaux exemples de décisions normatives récentes, nous pouvons citer la décision très philanthropique du Ministre Vincent Peillon d’aménager le temps de travail des enfants, ceci de façon totalement arbitraire et théorique, valable pour tous, aussi bien pour les petits bourgeois citadins que pour les jeunes ruraux ou les turbulents des banlieues agitées. Ce désir forcené d’homogénéisation a quelque chose de mortifère car la richesse culturelle provient de la différence.
Gommer les différences, au nom d’un égalitarisme mal compris, est la tare congénitale de tous les régimes normatifs. Ainsi, la lutte acharnée contre ce que les politiciens français dénomment le « communautarisme », est la pierre angulaire de la politique d’immigration qui prône l’assimilation. Ils confondent assimilation et intégration. L’assimilation suppose une digestion préalable qui va engendrer un mélange homogène mais peu ragoutant. L’intégration, au contraire, permet de vivre ensemble dans le respect des différences de chacun. Une société vivante est constituée d’une mosaïque diverse, de tribus variées et colorées qui respectent les mêmes règles générales mais qui savent cultiver leurs différences, en se respectant mutuellement. Tant que la France poursuivra cette politique d’assimilation normative et mortifère, elle génèrera des phénomènes de rejets, parfois violents. Comme lors d’une réponse immunitaire exagérée qui peut emporter le malade, la France peut être submergée par une crise identitaire et communautaire.
La norme est utile pour la technique, l’architecture, la mécanique, c’est-à-dire pour des objets ou processus matériels. Mais la norme que l’on veut appliquer à la vie, à l’humain, à la pensée, c’est du totalitarisme, même s’il se cache derrière le mot « démocratique » qu’il est si facile de mettre à toutes les sauces, comme savaient si bien le faire les démocraties dites « populaires ». Ainsi, si par malheur vous n’êtes pas
