588 – POUR UNE POLITIQUE JUDICIAIRE

 

Rendre la justice est un art difficile qui ne peut être exercé que par des esprits libres, doués de bon sens, et capables de discerner dans l’interprétation des lois ce qui procède de l’esprit ou de la lettre. Mais nous sommes loin de cet idéal et je ne suis pas de ceux qui prononcent cette phrase convenue: « je fais confiance à la justice de mon pays ». 

Miège-Jai-confiance-dans-la-justice-de-mon-pays-Humour Les différentes juridictions françaises se caractérisent, avant tout, par un déluge de lois et de règlements, souvent contradictoires ou redondants. Ce maquis juridique fait le délice des avocats et des juges, mais constitue aussi le supplice du citoyen qui, dans chaque acte de sa vie, s’interroge sans cesse et avec peur, sur la légalité de ses agissements. Il y a tant d’interdits que les espaces de liberté sont aujourd’hui extrêmement réduits et il est bien rare que nous ne soyons pas coupables de quelques manquements à l’un ou l’autre des règlements. Nous vivons dans une société dans laquelle il n’y a plus d’innocent !…

Les pouvoirs législatifs et politiques sont responsables de cette diarrhée législative qui a pour prétention d’encadrer tous nos gestes et même, aujourd’hui, nos paroles. Sur un même sujet les lois s’accumulent en strates successives qui nécessitent des experts attitrés et des spécialistes patentés pour se tenir à jour, pour interpréter et traduire en langage clair des textes souvent confus. Nous arrivons à ce paradoxe que ceux qui font les lois, ne sont pas ceux qui les appliquent et n’ont même aucune idée de leurs conséquences.

Je préconise donc à un retour vers des lois simples, concises et courtes dans lesquelles l’esprit prime sur la lettre. Ce point est très important car il donne au juge une marge d’appréciation en fonction du cas jugé, et il doit faire preuve de bon sens plutôt que d’appliquer à la lettre un texte de loi. Il y a tant de délits légaux, sortis de la tête de juristes imaginatifs, qu’il vaut mieux juger selon l’esprit. Un texte de loi doit toujours commencer par exposer le but du législateur et l’esprit dans lequel il agit. Dans ces conditions chaque loi sera très synthétique et devra être soumise à l’approbation du peuple. C’est cela la démocratie.

La conséquence immédiate à cette avalanche législative est une Unknown-2complexification considérable de la vie en société, car sur chacun de nos actes il y aurait matière à saisir la justice ! Les citoyens ne s’en privent pas, au point que celle-ci est chroniquement encombrée, submergée par quantité de recours superflus. De cet encombrement découle naturellement une lenteur exaspérante, et il n’est pas rare qu’il faille plus d’une décennie pour trancher des problèmes simples. Cette lenteur est une des grandes tares de l’institution judiciaire qui en vient à juger des causes dépassées et pour lesquelles les conditions et la législation en la matière a changé plusieurs fois depuis la date des faits. Un préjudice de 10 ou 20 ans n’est plus d’actualité et si le préjudice était réel, il est devenu irréparable. Dans le procès de l’amiante, par exemple, la justice a attendu que nombre de plaignants soient morts avant de juger du bienfondé de leur indemnisation !

Un autre grief porté à l’encontre de la justice, c’est la redondance des jugements pour des affaires strictement identiques. Ainsi, une société qui vend un complément alimentaire considéré non conforme par le service de la répression des fraudes peut être poursuivie devant le tribunal de Lille car c’est dans cette ville que le produit a été prélevé chez un commerçant. Mais la même société peut être convoquée ultérieurement à Marseille, puis plus tard à Perpignan, puis l’année suivante à Versailles, pour à chaque fois y être jugée, pour le même produit et le même délit éventuel. Bien évidemment chaque juridiction donne un jugement différent et souvent totalement contradictoire ! A cela il faut ajouter qu’en l’occurrence les juges ne comprennent rien à ce qu’ils jugent, car la matière est d’une technicité qui dépasse leurs compétences. Ceci a pour conséquence qu’une entreprise peut ainsi être harcelée pendant des années par les tribunaux…

Un encombrement inutile de la justice pour de simples problèmes règlementaires.
Un encombrement inutile de la justice pour de simples problèmes règlementaires.

 Pour désencombrer la justice je propose deux mesures simples : tout d’abord orienter quantité d’affaires mineures vers des médiateurs, auxiliaires de justice, qui peuvent trancher rapidement avec bon sens, tout en respectant la loi. Par exemple le problème récurrent du non paiement des pensions alimentaires, les conflits de voisinage etc… L’autre mesure consiste à laisser les instances règlementaires appliquer la réglementation, assorti de pénalités éventuelles, telle la réglementation routière, la réglementation sur les stupéfiants, la réglementation sur la qualité des biens et des services etc… Ne devraient arriver devant les tribunaux et leurs lourdeurs, que les affaires qui n’ont pas pu être jugées à un échelon inférieur, beaucoup plus mobile, léger et pragmatique. J’affirme donc que l’encombrement de la justice provient de son fait et de sa mauvaise organisation.

 La justice se veut libre et indépendante du pouvoir exécutif. Ecrit comme cela, cela sonne bien. Dans les faits la justice est-elle réellement libre ? En France, c’est un Etat dans l’Etat qui brandit l’étendard de l’indépendance pour mieux partir en croisades vengeresses et sectaires. C’est un leurre, et les juges sont majoritairement affiliés au trop fameux syndicat de la magistrature, haut lieu du corporatisme, de l’esprit de clan et du socialisme étatisant. Ce militantisme actif laisse supposer que si les juges sont indépendants du pouvoir exécutif, ils ne le sont pas de leur esprit de caste, de la défense de leurs opinions et de leurs intérêts. L’acharnement judiciaire vis-à-vis de ceux qui déplaisent au pouvoir illustre parfaitement cet esprit d’intolérance. Les juges sont souvent arrogants, sectaires et intolérants; leur arme favorite c’est d’ordonner un contrôle fiscal vis à vis de ceux qui ne pensent pas selon leurs propres critères, mais qu’elle ne peut pas atteindre par des voies légales !

 Se pose alors la question fondamentale : qui va juger la justice ? Qui va juger les juges. Plusieurs affaires récentes ont montré que non Unknownseulement les juges sont faillibles, mais aussi qu’ils peuvent commettre de graves et préjudiciables erreurs professionnelles et peuvent être les auteurs de manquements graves. A quelle instance vont-ils devoir rendre des comptes ? On vous répondra, à leurs pairs. Mais ces pairs sont très bienveillants et ne prononcent jamais de sanction. Tout se joue sur l’avancement et les nominations, c’est-à-dire à la marge. Ces mêmes juges, qui peuvent être d’une sévérité inflexible vis-à-vis de n’importe quelle erreur humaine ou faute professionnelle, vont se trouver soudain d’une mansuétude inhabituelle pour un confrère. Je propose donc que les juges soient jugés par un collège d’avocats.

Bien des maux de la justice provient d’une trop grande rigidité de l’institution. Les juges ne sont jamais de l’autre côté de la barrière et ils sont hyper protégés par leur statut. Je propose la fluidité et le passage obligé du métier de juge à celui d’avocat et vice-versa, tous les dix ans par exemple. Cela évite le corporatisme, le sectarisme, et cela permet de donner l’occasion à l’un et l’autre d’avoir une meilleure vue du métier d’en face et d’être plus pragmatique, moins dogmatique. Ce système permettrait aussi de remédier au mépris dont les avocats sont l’objet de la part des juges, mépris qui s’expriment dans la façon dont les juges planifient les horaires d’audience et l’emploi du temps des affaires.

Beaucoup de choses sont à revoir dans le fonctionnement de la justice et dans l’élaboration des lois. Ces préconisations sont simples, de bon sens et ont le mérite d’être bon marché. Ces qualificatifs sont certainement suffisants pour les disqualifier auprès de l’institution judiciaire. Toute réforme devrait être faite par les utilisateurs, les spécialistes n’ayant qu’un rôle consultatif. Aucune institution n’a jamais été assez sage pour se réformer d’elle-même, une réforme doit toujours être imposée. C’est au peuple qu’il revient d’approuver une telle réforme, par référendum.

La semaine prochaine nous plaiderons « pour une politique de la fonction publique ».

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