Rendre la justice est un art difficile qui ne peut être exercé que par des esprits libres, doués de bon sens, et capables de discerner dans l’interprétation des lois ce qui procède de l’esprit ou de la lettre. Mais nous sommes loin de cet idéal et je ne suis pas de ceux qui prononcent cette phrase convenue: « je fais confiance à la justice de mon pays ».
Les différentes juridictions françaises se caractérisent, avant tout, par un déluge de lois et de règlements, souvent contradictoires ou redondants. Ce maquis juridique fait le délice des avocats et des juges, mais constitue aussi le supplice du citoyen qui, dans chaque acte de sa vie, s’interroge sans cesse et avec peur, sur la légalité de ses agissements. Il y a tant d’interdits que les espaces de liberté sont aujourd’hui extrêmement réduits et il est bien rare que nous ne soyons pas coupables de quelques manquements à l’un ou l’autre des règlements. Nous vivons dans une société dans laquelle il n’y a plus d’innocent !…
Les pouvoirs législatifs et politiques sont responsables de cette diarrhée législative qui a pour prétention d’encadrer tous nos gestes et même, aujourd’hui, nos paroles. Sur un même sujet les lois s’accumulent en strates successives qui nécessitent des experts attitrés et des spécialistes patentés pour se tenir à jour, pour interpréter et traduire en langage clair des textes souvent confus. Nous arrivons à ce paradoxe que ceux qui font les lois, ne sont pas ceux qui les appliquent et n’ont même aucune idée de leurs conséquences.
Je préconise donc à un retour vers des lois simples, concises et courtes dans lesquelles l’esprit prime sur la lettre. Ce point est très important car il donne au juge une marge d’appréciation en fonction du cas jugé, et il doit faire preuve de bon sens plutôt que d’appliquer à la lettre un texte de loi. Il y a tant de délits légaux, sortis de la tête de juristes imaginatifs, qu’il vaut mieux juger selon l’esprit. Un texte de loi doit toujours commencer par exposer le but du législateur et l’esprit dans lequel il agit. Dans ces conditions chaque loi sera très synthétique et devra être soumise à l’approbation du peuple. C’est cela la démocratie.
La conséquence immédiate à cette avalanche législative est une
complexification considérable de la vie en société, car sur chacun de nos actes il y aurait matière à saisir la justice ! Les citoyens ne s’en privent pas, au point que celle-ci est chroniquement encombrée, submergée par quantité de recours superflus. De cet encombrement découle naturellement une lenteur exaspérante, et il n’est pas rare qu’il faille plus d’une décennie pour trancher des problèmes simples. Cette lenteur est une des grandes tares de l’institution judiciaire qui en vient à juger des causes dépassées et pour lesquelles les conditions et la législation en la matière a changé plusieurs fois depuis la date des faits. Un préjudice de 10 ou 20 ans n’est plus d’actualité et si le préjudice était réel, il est devenu irréparable. Dans le procès de l’amiante, par exemple, la justice a attendu que nombre de plaignants soient morts avant de juger du bienfondé de leur indemnisation !
Un autre grief porté à l’encontre de la justice, c’est la redondance des jugements pour des affaires strictement identiques. Ainsi, une société qui vend un complément alimentaire considéré non conforme par le service de la répression des fraudes peut être poursuivie devant le tribunal de Lille car c’est dans cette ville que le produit a été prélevé chez un commerçant. Mais la même société peut être convoquée ultérieurement à Marseille, puis plus tard à Perpignan, puis l’année suivante à Versailles, pour à chaque fois y être jugée, pour le même produit et le même délit éventuel. Bien évidemment chaque juridiction donne un jugement différent et souvent totalement contradictoire ! A cela il faut ajouter qu’en l’occurrence les juges ne comprennent rien à ce qu’ils jugent, car la matière est d’une technicité qui dépasse leurs compétences. Ceci a pour conséquence qu’une entreprise peut ainsi être harcelée pendant des années par les tribunaux…

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