589 – POUR UNE POLITIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE

La Fonction Publique, c’est le bras armé de l’Etat, cette administration pyramidale et centralisée qui juge et décide de tout. Ce sont ces myriades de fonctionnaires qui sont censés être les rouages qui facilitent le fonctionnement de l’Etat dans son ensemble, ce sont aussi ces hauts fonctionnaires qui administrent et dirigent l’ensemble, comme dans une symphonie. Mais pour que la symphonie soit belle et harmonieuse, il faudrait des chefs d’orchestre exigeants et des exécutants à la fois zélés et doués.

Comme chacun sait, la caractéristique essentielle de l’administration publique des pays du sud de l’Europe, c’est le trop plein d’abondance. Les progrès vertigineux de l’informatique et l’accroissement de la vitesse de transfert de l’information qui, partout ailleurs, ont permis aux entreprises de mieux s’organiser, d’être plus efficaces et plus performantes avec beaucoup moins d’employés, n’ont pas eu d’effets sur ces administrations dont le fonctionnement demeure ce qu’il était au 19ème siècle. Lorsqu’une administration ne parvient pas à effectuer correctement son travail, comme nous l’avons vu avec l’administration judiciaire (chronique 588), il ne lui vient pas à l’idée qu’il peut s’agir d’un problème de mauvaise organisation : la réponse s’oriente toujours vers un soi-disant manque de personnel…

images-3 Cette hypertrophie de la fonction publique fait que les différents services interfèrent les uns avec les autres et que, finalement, elle est moins efficace que dans les pays où l’administration est plus légère. C’est ainsi qu’en France le nombre de fonctionnaires ne cesse d’augmenter, même en 2015, ce qui handicape d’autant la compétitivité française. On dénombre 5,6 millions de fonctionnaires, soit 21% de la population active, dont les salaires absorbent le tiers du budget de l’Etat ! A titre de comparaison, en Allemagne, les fonctionnaires ne représentent que 15% de la population active et beaucoup d’entre eux ne bénéficient pas des avantages extravagants de leurs collègues français. En particulier, nombre de fonctionnaires Allemands n’ont pas le droit de grève et sont sous statut privé, c’est-à-dire qu’ils peuvent être licenciés. L’immunité dont jouissent les fonctionnaires français constitue un privilège dont ils usent et abusent. Ils sont en particulier hors d’atteinte de toute sanction, y compris pour faute professionnelle grave.

Un fonctionnaire peut quitter sa fonction quelques années et être assuré de retrouver son poste ou un poste équivalent à son retour. De ce fait, la fonction publique est le principal vivier des hommes et des femmes politiques. Ils ont tout loisir de militer pendant leurs heures de travail et peuvent même être « mis à disposition », ce qui signifie qu’ils continuent à être payé pour faire de la politique. La conséquence de tout cela, c’est que les députés sont majoritairement des fonctionnaires et surtout des enseignants qui n’ont aucune connaissance pour prendre de sages décisions dans le domaine économique. Il s’agit d’une véritable distorsion démocratique qui avantage indûment une profession qui fait ainsi voter les lois qui avantagent la corporation.

L’absentéisme est une autre caractéristique de la fonction publique. Lescapture-d_c3a9cran-2012-11-16-c3a0-09-33-44 chiffres 2014 sont tout simplement ahurissants : 42% des fonctionnaires ont été malades au moins une fois, pour une durée moyenne totale de 37 jours d’absence ! Malgré ces diverses carences, les fonctionnaires jouissent encore d’avantages considérables au niveau de la retraite. Pour remédier à toutes ces dérives inadmissibles, je propose de faire un contrat de travail identique pour la fonction publique et pour le privé, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le cloisonnement artificiel et injustifié entre le public et le privé n’a pas lieu d’être. Les citoyens doivent pouvoir travailler pour l’un ou l’autre à différentes étapes de leur vie, en fonction des offres d’emploi. Aucun emploi ne devrait être garantie à vie et toute disparité doit disparaître. Ce système plus ouvert et plus flexible aurait le mérite d’introduire plus de stimulant et d’émulation dans les carrières professionnelles.

La fonction publique est chapeautée par un corps de haut-fonctionnaires issus en général de la fameuse Ecole Nationale d’Administration (ENA), créée par le Général de Gaulle, et qui attirent parmi les citoyens les mieux formés et les plus brillants. Néanmoins, les « Enarques », qui sont issus de cette école prestigieuse, sont l’objet d’une méfiance généralisée de la part de l’opinion publique et deviennent souvent les boucs émissaires qui seraient responsables des disfonctionnements et surtout des lourdeurs tatillonnes de l’administration.

Je dirais que les Enarques souffrent plus simplement d’un mal très français qui est le manque de pragmatisme. Les élites intellectuelles françaises sont souvent de brillants théoriciens, plus à l’aise dans le monde des idées que dans la réalité du terrain. Ce grief vient d’ailleurs d’être fait aux hommes politiques de tout pays par le pape François qui vient d’écrire cette mise en garde : « La réalité est supérieure à l’idée. Il y a des hommes politiques, y compris des dirigeants religieux, qui se demandent pourquoi le peuple ne les comprend pas, ni ne les suit. C’est probablement parce qu’ils se sont installés dans le règne de la pure idée et ont réduit la politique, ou la foi, à la rhétorique ». Il aurait pu ajouter qu’une idée déconnectée de la réalité, c’est de l’idéologie.

Il convient donc de réformer l’ENA pour l’éloigner de la théorie et la faire descendre dans le domaine pratique. Les élèves doivent quitter la moquette des cabinets préfectoraux pour rencontrer les citoyens et les écouter. Ils doivent se retrousser les manches et se mettre les mains dans le cambouis, côtoyer la misère, la fatigue, le sentiment d’abandon qui parcoure le peuple, toutes ces choses invisibles que les statistiques ne détectent pas. Les élèves de l’ENA doivent faire des stages ouvriers, comme le font les futurs ingénieurs, au lieu de brasser des idées et de s’exercer à la langue de bois. Ils reviendront avec un esprit critique, ils remettront en cause nombre d’idées reçues et de décisions malvenues.

images-2 C’est cela le pragmatisme. C’est ce qui manque tant à ceux qui gouvernent la France. Depuis le sommet de l’Etat, jusqu’au plus humble des secrétaires d’Etat, les élus de la République sont tous des hauts-fonctionnaires, formés aux théories que personne ne s’est jamais donné la peine de soumettre à la dure épreuve de la réalité. Aucun d’entre eux n’a appris à rechercher l’efficacité et la performance, ils ne savent pas créer de la richesse. Quand ils manquent d’argent, ils ne savent qu’augmenter les impôts car cela leur semble plus facile que de faire des économies. Seuls les citoyens ordinaires doivent faire des économies. Malgré ces performances déplorables, François Hollande vient de signer un accord avec la Grèce au terme duquel la France s’engage à l’aider à réformer son administration ! La France n’a pas peur du ridicule et la Grèce ne risque pas de sortir de l’ornière !…

Il faudra des années pour changer cette mentalité et pour cela la France devra changer d’élus, mais je vois mal d’où vont venir ceux qui partagent les idées qui précèdent !…

Notre série de chroniques en faveur d’une nouvelle politique n’est pas terminée. Faites là connaître autour de vous et restez à l’écoute !

La semaine prochaine nous proposerons « Une Politique économique » cohérente.

 

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Un commentaire

  1. Bonsoir Monsieur Yves

    Hier j’ai entendu cette phrase:
    « Because they are all about where we come from… No One is looking to where we go… …”

    Triste ET réelle…du fait que ça explique beaucoup sur presque tous les aspects de la vie humaine…

    Je ne suis pas un sociologue ou historiens ; mais il me semble que ce phénomène avait commencé en France et a contaminé la Tunisie et quelques pays dans le bassin méditerranéen … c’est phénomène qui s’appel « l’Etat de Services » et qui définie l’Etat comme garant et fournisseur de quelques bien et services: l’emploi; la sécurité sociale ; l’éducation ; le soins etc… Ainsi l’Autorité de l’Etat sur son domaine et population se canalise via ses biens et services publiques…

    La France était dans une situation très particulière suite à la deuxième guerre mondiale : Etat sans Etat. Les personnes existent ; l’autorité existe ; la loi ; mais tt ça était sans organes… s’était comme une âme sans corps et il lui a fallu un corps… (Même les colonies de la France ont resté intactes après la guerre mondiale et n’ont révolté que des années plus tard).

    C.D.G avait donc besoin de reconstituer les organes de son Etat pendant que cette autorité morale continue à légitimer ses actes… ceci n’était pas le cas dans tous les pays du l’Europe où la majorité étaient dominé par l’URSS et d’autres ont vue leur Etat complètement anéantie (Allemagne ; Italie).

    C.D.G avait besoin d’une grosse Etat pour assurer la continuité de la France. en Tunisie Bourguiba avait besoin aussi d’une grosse Etat pour recréer une « Tunisie Moderne ». Il a alors utilisé la doctrine de C.D.G pour créer la première république tunisiene. Les objectifs de ces deux Leaders Nationaux étaient atteint… Mais ensuite…. Nous avons régresser…

    « Because they are all about where we come from… No One is looking to where we go…”

    Les raisons pour les quels un Etat Géant qui offre des services publiques à des millions d’adhérents citoyens ne sont plus… Il a fallu s’arrêter d’une manière ou d’une autre et changer la « Doctrine » de l’Etat…Il a fallut apprendre au peuple comment se servir de lui même et canaliser les ressources de l’Etat ver d’autres objectifs.

    Mais la ; personne n’a vue la nécessité et l’importance de cette logique… que les premiers objectifs étaient atteints et qu’il faut définir d’autres objectifs et d’autres rôles pour l’état. Et sur; il a fallu voir que continuer dans une « Doctrine » sans raisons allait donner des résultats inverses (et ça ce que nous voyons déjà pour cette doctrine et pour tous les autres doctrines)…

    en USA; après la crise mondiale de 1929; ils ont adopté une doctrine “Keynisienne” pour administrer un économie à fondement libérale… une fois l’objectif était atteint; ils l’ont abandonné et ont revenu à leurs model qui réussit en parti parce qu’il est un model “non doctrinal”…

    Aussi peut être personne n’avait le courage pour le faire. La grande masse d’employés étatiques est devenu significative et influente de la sorte qu’aucun politicien n’ose la ménager d’aucune manière. Le sectarisme syndical est un problème de plus en plus grave… et les politiciens sont de plus en plus obligés à faire ce qui plais à cette foule au lieu de faire ce qu’il faut être pour le bien du pays…

    ceci est parmi les problème engendré par la doctrine de « l’Etat de service ».

    peut être que ces politiciens n’ont rien à avoir avec la politique, peut être qu’ils sont impulsés par leur soif au pouvoir et aux caméras plus que leurs capacités réels à diriger et à entreprendre les actes nécessaires pour le bien du pays…

    En Tunisie ; 580 000 fonctionnaires étatiques coûtent à l’Etat annuellement 6 milliards d’Euro. Ils ne produisent (ils ne ramènent à la caisse de l’Etat) qu’1.5 milliards d’Euro. En moyenne ; le fonctionnaire étatique tunisien coûte à l’Etat 9300 Euro ; il ne produit en retour que 2500 Euro…

    Les salaires Etatiques en Tunisie sont en moyenne trois fois les salaires dans le secteur privé…

    En moyenne 40 % de revenu de salarié privé est payé (volontiers ou non) comme des impôts à l’état qui ne fait que payer des gens qui ne font rien…

    TT ça parce qu’un C.D.G voulait sauver une France “esprit sans corps” après la deuxième guerre mondiale…

    il y avait une question amusante “Si Hitler avait réussit son projet d’artiste?” … et Si Charles, et si Bourguiba….

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