612 – BESOIN DE RELIGION?

Depuis que le monde est monde, les peuples ont inventé des dieux qui les dominent et se sont regroupés autour de ces croyances au sein de religions très diverses. Ce processus universel est-il indissociable du psychisme humain ? Autrement dit, peut-on imaginer des sociétés sans religion ?

Autant que nous sachions, aucune société humaine n’a perduré sans religion et en étant totalement agnostique. Ce n’est qu’à la fin du vingtième siècle que sont apparues en Occident des sociétés rationalistes qui prétendaient pouvoir se passer de dieux et de toute valeur transcendantale. Pour certains, les sociétés modernes devaient être sevrées définitivement de cet « opium du peuple ». La résurgence des guerres de religion dans le monde musulman peut sembler donner raison aux athées et aux laïcs intégristes, partisans de cures de désintoxication. Il est cependant permis de se demander si les religions peuvent être ainsi évacuées et chassées de l’esprit des humains, sans dommage particulier. Les sociétés peuvent-elles survivre sans religion, sans rites, sans tabou, sans magie et sans sacré ?

Le bon sens nous oblige à admettre que si le besoin de religion a été si universellement répandu à travers le monde et à toutes les époques, phénomène qui a infiltré toutes les civilisations que la terre ait portées, il se peut cependant que cet attrait corresponde à un besoin essentiel pour la survie de l’espèce humaine. Il est vrai pourtant que les religions ont souvent fait preuve d’intolérance, de dogmatisme et de persécutions systématiques qui auraient dû leur enlever tout crédit depuis longtemps. Mais il n’en est rien, bien au contraire, les religions continuent de proliférer en bien des endroits et les sociétés qui les remettent en cause paraissent particulièrement mal en point ! Nous avançons donc l’hypothèse que les religions structurent les sociétés et constituent en quelque sorte leur colonne vertébrale, c’est à dire ce qui leur permet de vivre ensemble et de partager une vision commune du monde.

Le problème n’est pas de savoir si l’une ou l’autre de ces religions détient la vérité ou si Dieu existe, mais de déterminer en quoi cette croyance, aussi fantaisiste soit-elle éventuellement, nous aide tout simplement à vivre. Le psychisme humain est d’une très grande complexité, mélange de conscient et d’inconscient, de rationnel et d’irrationnel, de déductif et d’intuitif, sans que l’on puisse déterminer un paramètre plus important que les autres. Se peut-il que l’homme, naturellement porté vers le rationnel pour arriver à vivre dans une nature souvent ingrate et hostile, ait dans le même temps un profond besoin d’irrationnel pour s’échapper du quotidien ? Se peut-il que le fait que nous soyons conscients de la mort, et particulièrement lucides sur notre précarité, nous apporte une profonde angoisse existentielle que seule la transcendance permette d’évacuer ? Nous aurions en nous un besoin de sacré, un besoin de croire à plus grand que nous pour conjurer notre immense vulnérabilité face à l’univers…

images-2 Face à ce besoin, les religions se structurent et s’organisent en centre de pouvoir. Ce n’est donc pas un hasard s’il a toujours été difficile de séparer le pouvoir religieux du pouvoir temporel, souvent intimement mêlés, l’un procédant de l’autre. De ce fait, les centres de pouvoir utilisent la religion pour dominer les peuples. La religion devient le ciment qui soude un peuple, il devient un élément essentiel non seulement de sa culture, mais de son essence, et l’on peut faire la guerre, si nécessaire, pour la défendre. Ce que l’on nomme abusivement des guerres de religion sont en fait souvent des guerres pour le pouvoir, manigancées par ceux qui le détiennent. Néanmoins, le peuple est prompt à prendre les armes s’il se sent menacé dans son intégrité, dans son identité.

L’Europe est à l’avant-garde d’un processus de « déchristianisation » et de chasse aux sorcières vis-à-vis des religions. Lors de sa fondation, l’Union Européenne a refusé de faire référence aux origines chrétiennes des peuples qui la composent. Ce refus constitua, selon nous, le pêché originel de la construction européenne, c’est-à-dire la négation de qui elle est fondamentalement, structurellement, culturellement. Autrement dit, l’Europe est construit sur du sable. Ce refus de prise en compte de l’importance des religions et de leur rôle au sein des sociétés, que cela plaise ou que cela déplaise, est une faute grave aux multiples conséquences comme nous l’écrivions dans notre précédente chronique. Il se peut que, rationnellement, les religions soient stupides, mais il se peut aussi que l’absence de religion soit mortelle… L’échec du projet européen, sans colonne vertébrale, peut en constituer un exemple.

images-1 Dans le même temps où les cercles influents tentent, par tous les moyens, d’évacuer les religions dans la poubelle de l’histoire, le bon peuple se rassemble autour de nouvelles croyances. A cet égard, le sport constitue un ersatz de religion qui fédère et qui exclut. Les nouvelles cathédrales du 21ème siècle sont des stades immenses où la foule vient se recueillir devant « les dieux du stade ». Il y règne la même sorte d’exaltation que lors des processions religieuses ou des rassemblements dans les lieux sacrés. Ce n’est pas un hasard si l’on désigne tel stade comme « la Mecque du football  ou du rugby ». Il y règne la même ferveur et la même dévotion. Les champions sont « sacralisés » et adulés. Comme toute les religions, le sport est devenu un lieu de pouvoir et d’argent. Décidemment les peuples sont incorrigibles ! Hélas, le sport n’apporte pas de perspectives transcendantes et ne dit rien de l’Au-delà, il restera un ersatz…

Les pouvoirs temporels, qui ne se sentent pas sûrs d’eux-mêmes, croient que les religions leur font de l’ombre et constituent des contre-pouvoirs qu’il convient d’éliminer. C’est ce processus qui est actuellement en cours, en France en particulier, où des mouvements laïcs intégristes prétendent que les sociétés modernes doivent se passer de religion. L’avenir dira s’ils sont dans l’erreur. Mais comme l’explique l’essayiste Marcel Gauchet dans « Comprendre le malheur français » qui vient de paraître, pour un croyant, la religion est plus qu’une culture, « c’est un cadre existentiel et civilisationnel ». Si vous supprimez ce cadre, qu’est-ce qui reste ?

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3 commentaires

  1. Bonsoir M. Yves;

    Mpa soupe pour aujourd’hui contient un peut d’histoire ; quelques lois de la physique et quelques pensés rendu vulgaires par mes philos préférés : S.R Covey ; N.Hill et Ch. Haneel…
    Bref, pourquoi la religion ?
    Depuis l’avènement de la néolithique, l’humain standard avait évolué de la croyance aux mythes (tel que les mythes grec et les demi dieux comme Achile) à la croyance aux religions : Judaïsme ; Christianité ; Islam ; Budéisme ; Vacheisme ; Ratéisme… enfin l’humain avait commencé à croire dans les sciences : physique ; math ; chimie etc.
    Maintenant que les sciences ne sont plus suffisants pour satisfaire les besoins humains ; on commence à croire en l’existence d’un dual au monde physique. En effet la preuve et l’incitateur à ce nouveau courant de pensé est toujours le même qu’avant : la conscience !!
    L’homme a conscience du temps ; a conscience de la more ; a conscience que son existence est provisoire ; tel que dit S.R Covey : ce qui différencie l’humain sur terre est « sa conscience de sa propre conscience »… et c’est de la que commence le problème…
    Je ne comprends pas les sciences de Stephan Hawking ; et d’ailleurs il y a que quelques uns qui peuvent le comprendre. Mais dire que l’univers entier est une image reflété d’un trou noir semble répondre à plusieurs questions : le temps est une illusion !! Si c’est ainsi ce que notre conscience est ou bien très erroné (on ressent quelque chose qui n’existe pas) ou bien la conscience lui-même est une illusion et que 1+1 = 2 est une jocke !!
    Une chose est sure. Notre corps ne contient pas simplement une chair et des cellules spécialisées chacune dans une fonction. Si les sentiments tel que la joie ; la peur ; la tristesse sont des programmes neurobiologique offert par la nature darwinienne pour améliorer notre chance de survie ; la conscience de ces sentiments c’est quoi ? Notre capacité à prendre conscience ; à réfléchir et à imaginer dépasse Darwin. Ch. Haneel explique ce point par l’existence d’un monde dual d’où vient notre conscience ; ce monde n’est pas à sentir par aucune de nos sens. Mais toute fois comprendre les lois de ce monde donne accès à des bénéfices que les sciences classiques ne peuvent pas expliquer. De mon point de vue, c’est la formule la plus moderne et la plus complète de DIEU : l’abondant UNIVERSELLE…
    Bref pour finir ; je ne crois pas au hasard…
    Parlant des évènements des derniers mois ; ce qui se passe aujourd’hui avec l’Islam est une polycopie de ce qui s’est produit avec la Christanité et le Judaïsme au même âge de ces deux religions. Rappelez vous s’était quoi le mobile ou l’excuse de Charles Cœur de Lion pour tout les massacres qu’il a fait au Palestine historique ? Et s’était quand ?
    Rappelez vous s’étaient quoi les excuses des Espagnoles et Portugais pour tout les massacres qu’ils ont fait aux Amériques ? Et s’était quand ?
    Pour des raisons que je ne sais pas entièrement ; entre 1300 à 1500 ans les religions deviennent hostiles contre les « différents » ; essentiellement contre ceux qui n’appartiennent pas à cette religion (vue que les croyances religieux deviennent source de cohésion;solidarité et identité sociale).
    A 1400 ans (plus au moins) Juif est devenu une identité au lieu de religion ; ils ont ainsi quitté l’Egypte (expulsés dans la guerre entre les deux Egyptes Faraounienne –mentionné dans l’histoire-) et ont fondé la première nation Juif (la première Israel) sur les terres des accadiens qui fait ensuite démoli par l’empereur Babylonien « Nabuchodonosor II»…
    A 1300 ans « Christian » ou « Infrinje » (venant du mot arabe « barbare ») est devenu une identité en Europe. Les Papes avaient une autorité sur toute l’Europe qui l’ont exploité pour ordonner les plus grandes guerres entre l’East et le West. Les européens et jusqu’au nos jours ont demeuré des « Infrinje » (firanja) aux yeux des arabes. Et les arabes ont demeuré des « sarassiens » et des « saladins » synonyme d’horreurs et de violence barbare…
    Et maintenant ; nous sommes à 1440 ans pour l’Islam ; qui est aussi devenu une identité. Et encore ceux qui s’auto-proclament porte parole de la religion et du Dieu (comme les papes à 1300 ans) veulent exploiter ce point pour faire des guerres à leur profit. Le problème ce que c’est l’ennemi naturel (l’autre différent) qui possède l’arme le plus fort… donc ils ont déclaré des guerres contre leur propre identité (en prenant les frères comme coupables pour la faiblesse et le retard technologique et civilisationnel).
    L’histoire avec l’Islam va évoluer comme pour ces deux prédécesseurs en Judaïsme et Christianité. Il y aura dans quelques temps des philosophes de lumières, des Voltaires et des Montesquieux Arabes qui allaient conduire une mutation religieuse pour l’adoucir et moderniser l’islam… C’est peut être Iran qui est entrain de conduire cette mutation et d’ailleurs c’est pourquoi les pays les plus radicales tel que la Saoudite et le Quatar sont entrain de lui faire la guerre…

    Hélas, il y a encore des petites civilisations qui demeurent dans la paléolithique (au Brésil ; Australie et peut être l’Argentine), remarquez que tout ces civilisations n’ont aucun croyance religieux. Pareille pour les tribus infra-nomade qui étaient envahie par l’armée japonaise au pacifique. C’est la transition du paléolithique à la néolithique qui a incité cette manière de penser qui a conduit à une identité religieuse qui lui-même a incité la violence contre l’autre différent (ce qui est dans la nature darwinienne des mammifères ou chaque animal carnivore essai d’éliminer l’autre pour s’emparer des ressources). l’idées de “L’autre différent et méchant” incite à la guerre qui fini par la destruction de l’idée elle-même…

    Cette tragédie ne s’arrête pas seulement sur l’identité religieuse ; toute forme d’identité fondée sur des idées ségrégatives avait conduit à des époques sombres de violence. Hitler avait dit au Allemands « Vous êtes la race supérieure ». Saddam Husein avait dit aux arabes et Iraquiens que les Kurdes sont une race inférieure. Le dernier Khalife Ottoman avait dit au turque que les arméniens sont des mineurs et des traitres de nature. Les Juifs et surtout les sionistes disent que Dieu a fait la terre et tout ce qui il y a dedans incluant les autres ethnies à leur service etc… et au final : guerre … guerre … guerre…

    Peut être la seule religion qui n’a pas engendré des guerres et le Bouddhisme. Peut être parce que être Bouddhiste n’a jamais était une identité…

    Au final, certains disent qu’ils ont la preuve que le « Diable » n’est peut être pas une créature méchante ; vue que personne ne tue personne pour avoir sa grâce…

  2. ” le diable représente en quelque sorte les défauts de Dieu. Sans le diable Dieu serait inhumain ” J.Cocteau

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