614 – LA CHEVELURE DE BERENICE

 

Les sujets que j’ai l’habitude d’aborder avec vous, ici-même, sont vastes et variés, ils traduisent mon insatiable curiosité pour laquelle je demande l’indulgence de mes lecteurs. J’aime explorer les labyrinthes du psychisme humain et les innombrables névroses de chacun d’entre nous, il m’arrive de parler de notre santé et des moyens pour l’améliorer, je suis par ailleurs passionné par l’évolution des sociétés, des mœurs et des mouvements d’idées,j’aborde aussi souvent les problèmes politiques et économiques dont notre bien-être dépend, et j’aime par-dessus tout assister au spectacle du monde que nous offre la géopolitique, enfin, je scrute l’horizon comme un oracle pour tenter de décrypter quel sera le futur de l’Europe et de notre civilisation. Je voudrais aujourd’hui élever le débat d’un cran et vous entretenir de l’Univers, rien de moins…

Depuis des millénaires l’homme tente d’explorer cet univers mystérieux dont les limites reculent sans cesse jusqu’à ce que l’on nous dise qu’elles sont infinies, notions difficiles à comprendre et à visualiser par notre intelligence humaine limitée. Nous avons désormais une assez bonne connaissance de notre petit système solaire et, en même temps, nous prenons conscience des milliards d’autres systèmes et des myriades de galaxies qui nous entourent, jusqu’à nous donner le vertige. Quoiqu’il en soit, on peut dire schématiquement que le cosmos est constitué de systèmes dans lesquels des corps célestes, plus ou moins gros, tournent autour de corps encore plus gros, mus par ce qu’il est convenu d’appeler « la gravitation ». La masse relative de ces corps et leur distance détermine la vitesse de rotation. C’est ainsi que la terre met 365 jours pour tourner autour du soleil distant d’environ 150 millions de kilomètres.

Dans le même temps les physiciens nous ont expliqué ce qu’est la matière, constituée d’atomes dont nous connaissons désormais la structure, avec leur nuage d’électrons qui entourent un noyau constitué de protons et de neutrons. Au fil des années, suite à la découverte de nouvelles « particules élémentaires », nous avons appris que cette représentation était encore plus complexe que nous l’imaginions, mais elle demeure néanmoins encore valable.

280px-Coma_Berenices_constellation_map-fr Tout semblait en place dans le cerveau des physiciens qui commençaient à avoir une compréhension cohérente de l’univers. Mais, en 1993, les travaux d’un astronome Suisse, Fritz Zwicky, vont démontrer que ce n’était qu’une illusion ! Il cherchait à déterminer la masse d’un énorme amas stellaire, dénommé très poétiquement « La Chevelure de Bérénice », situé dans le ciel à proximité des constellations du Lion et de la Vierge. Découlant de ce que nous avons écrit précédemment, cet astronome étudiait la vitesse à laquelle les galaxies tournaient autour du centre de cet amas qui, vu de la terre, évoque une chevelure. Or il constata que les galaxies tournaient à une très grande vitesse, incompatibles avec les lois de la gravitation. La vitesse est telle que les galaxies devraient être éjectées du système, comme dans un manège qui tourne trop vite !

Quelle est donc la force qui retient les galaxies et les empêchent de «s’échapper » de la Chevelure de Bérénice ? Y a-t-il, quelque part, une masse invisible, caractérisée par une énergie considérable qui modifie les forces de la gravitation ? Cette masse invisible, mais qui nous entoure, a reçu le nom de « masse sombre » ou « masse noire ». On sait maintenant qu’elle constitue 85% de la masse de l’univers. Ce qui veut dire que nous ne « voyons » que 15 % de l’univers, ce qui a donné lieu à toutes les spéculations! Cette énergie noire, invisible, serait à l’origine de l’accélération de l’expansion de l’univers et nous permet même d’imaginer un monde parallèle, intriqué au notre, éclairé d’une lumière à laquelle nos yeux sont totalement aveugles. Admettez qu’il y a de quoi exciter tout physicien qui se respecte !…

Suivant les calculs, cette masse sombre, devrait être constituée de

Au fond, la cuve de xénon
Au fond, la cuve de xénon

particules dont la masse doit être 10 à 10.000 fois plus grande que celle d’un proton. Imaginez que tout le petit monde des physiciens s’est lancé à la poursuite de ce corpuscule inconnu et mystérieux que personne n’a jamais vu mais qui porte déjà le nom de WIMP, pour les intimes (Weakly Interacting Massive Particule). Les européens, de leur côté, travaillent dans une caverne immense, 1400 mètres sous terre, sous le Gran Sasso en Italie, de façon à ne pas être perturbé par le rayonnement cosmique. Je vous passe les détails de leur installation qui doit permettre de déceler la trace d’un corpuscule de matière sombre à l’intérieur d’une cuve de 10 mètres de diamètre contenant 3,5 tonnes de gaz Xénon liquéfié…

2000px-DMPie_2013.svg La course est lancée à travers le monde et l’équipe qui sera la première arrivée au but est pratiquement assurée de décrocher le Prix Nobel. Les répercussions scientifiques seraient immenses et il faudrait revoir bien des concepts. En outre, cela ouvrirait la voie à des milliers de questions sur lesquelles plancheront encore longtemps des générations de physiciens. C’est une des caractéristiques de la recherche, dès que l’on sait enfin répondre à une question, ce sont dix nouvelles qui se posent ! C’est cela qui est fascinant et qui fait qu’il est impossible de s’ennuyer sur cette terre.

Voilà des préoccupations qui nous éloignent du quotidien, du terre-à-terre, et qui nous montrent qu’il faut aussi savoir quitter le pas de sa porte et regarder le monde d’un autre point de vue, cela rend humble. A vous de me dire si vous pensez que la traque de la matière sombre mérite les milliards que nous devons y mettre… Quoiqu’il en soit, selon les calculs, cela n’a pas empêché un milliard de WIMPS, ces particules de matière noire, de traverser votre corps depuis que vous avez commencé à lire cet article… et vous n’avez rien remarqué ! Alors, pourquoi s’en préoccuper ?

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Un commentaire

  1. Nous sommes bien petits, effectivement ! dans la masse qui nous entoure et dans ce temps qui s’étire ! … Bien sûr qu’il faut tenter de percer les mystères comme les humains le font depuis toujours, plus ou moins vite ! nous ne pouvons rester stationnaires ! une chose en entraînera toujours une autre, mais quelle impuissance devant toute cette complexité !

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