624 – DU BON USAGE DU REFERENDUM

 

Ceux qui me lisent régulièrement savent que je suis un fervent partisan des référendums qui constituent, à mes yeux, la quintessence de la démocratie. Je suis un témoin de la démocratie helvétique, qui est la démocratie la plus aboutie, en avance de plusieurs générations sur le reste du monde, et où l’on pratique assidûment le référendum, qu’il soit à l’initiative du gouvernement ou bien à l’initiative du peuple.

Je me suis souvent étonné de ce que la démocratie Suisse n’ait pas davantage servi de modèle aux autres démocraties occidentales, tant elle apparaît harmonieuse et efficace. En effet, cette démocratie directe suppose un certain abandon de pouvoir qui est transféré des politiciens vers le peuple, or partout ailleurs, les hommes politiques en place veulent garder le pouvoir pour eux-mêmes, c’est la principale raison pour laquelle ce type de démocratie est toujours critiquée par les gouvernants et par ceux qui rêvent de gouverner.

La principale critique que l’on entend vis-à-vis de l’usage des référendums, c’est qu’il laisserait le peuple sous l’influence de ce que les politiciens dénomment les « populistes ». Je n’ai jamais compris ce qu’ils entendent par ce mot qu’ils utilisent avec beaucoup de mépris. Si le populisme consiste à mentir au peuple et jouer avec ses émotions, on peut dire que toute la classe politique est atteinte de ce mal car elle n’est élue que sur des promesses mensongères. Dans la pratique, on constate que les politiciens traitent volontiers de populistes ceux qui ne pensent pas comme eux ! Il peut arriver, bien sûr, que le peuple se trompe et fasse un mauvais choix qui lui soit finalement préjudiciable. C’est aussi comme cela qu’il apprend et qu’il devient responsable de ses choix. Il tâtonne et il corrige ses erreurs. Je suis un observateur attentif de la démocratie helvétique depuis vingt ans et j’ai pu constater, au contraire, sa grande sagesse et sa grande modération.

Le référendum qui vient d’avoir lieu au Royaume-Uni n’a pas fini de faire parler de lui. Le peuple a-t-il fait un mauvais choix ou un bon choix ? Qui peut être assez malin pour le dire ? C’est comme le choix de se marier ou de divorcer, ce n’est que longtemps après que l’on peut mesurer si nous avons fait le bon choix. Ce qui est sûr, c’est que le premier ministre David Cameron a eu le courage d’organiser ce référendum et il faut l’en féliciter, même si certains le lui reprochent. Si la démocratie, c’est le peuple souverain, il paraît invraisemblable de lui refuser de choisir son destin. Il a choisi et c’est bien ainsi.

Le plus grand reproche que l’on puisse faire à l’Europe, c’est précisément son manque de démocratie. Dès sa fondation, en 1957, les peuples des six pays fondateurs auraient dû être consultés, ils se seraient sentis impliqués dans ce grand rêve qui fut celui de ma génération. Plus tard, lors de l’entrée de nouveaux membres, et en particulier lors de l’entrée du Royaume-Uni en 1973, personne ne fut consulté ! On ne parlerait pas aujourd’hui de Brexit si le Royaume-Uni avait été laissé à l’écart dès le départ, comme le proposait le Général de Gaule et le souhaitait la majorité des britanniques. Il en ressort cette idée que les politiciens ont peur du peuple, ils ont peur de la démocratie, ils veulent seulement le pouvoir, pour eux-mêmes.

Le référendum est un outil prodigieux qui règle bien des différents. Il a fallu 40 ans de disputes juridiques et d’affrontements de guérilla pour que le gouvernement français se décide enfin à organiser un référendum à propos de la construction d’un nouvel aéroport dans l’Ouest de la France. Le problème est maintenant réglé, pourquoi avoir attendu si longtemps ? Qui d’autre que les habitants de cette région est mieux placé pour savoir s’ils ont besoin d’un nouvel aéroport ? Ce n’est surement pas le technocrate parisien qui n’a peut-être jamais mis les pieds à Nantes ou à Rennes.

La France est aussi la patrie des conflits sociaux insolubles et interminables, des grèves suicidaires et des manifestations paralysantes pour l’économie. La moindre loi demande des mois de discussions, de modifications, de rectifications, et de contre-projets pour finalement entrainer les syndicats dans la rue, toujours prêts à prendre le contre-pied de tout projet. Actuellement le gouvernement s’épuise sur ce qu’il dénomme « la loi travail » et n’en finit pas de reculer et d’édulcorer un texte qui finalement ne changera rien. Pourquoi ne pas avoir proposé un texte clair, compréhensible par tous et l’avoir expliqué aux électeurs avant de proposer un référendum ? C’est oui ou c’est non. Si c’est une bonne loi que le peuple refuse, tant pis pour lui. La prochaine fois il réfléchira mieux. C’est comme cela que l’on grandit, en faisant des erreurs. C’est aussi simple que cela.

Au lieu de cela, les politiciens en place veulent décider eux-mêmes, pour ne pas perdre une once de pouvoir. Peut-être ont-ils cette prétention de savoir mieux que les autres ce qui est bon pour eux ? Réfléchissez à tous les conflits sociaux qui auraient pu être évités, en France ou ailleurs, si le référendum était une pratique courante. Combien de centaines de milliers d’heures de travail ont ainsi été perdues ? Combien de milliards engloutis dans des grèves stériles ? Quelle entreprise est assez riche pour se permettre ce gâchis ? La Suisse est riche, mais elle ne dilapide pas l’argent en conflits sociaux, elle use du référendum, un point, c’est tout !

Je pense depuis longtemps qu’aucun gouvernement n’accordera spontanément au peuple cette démocratie directe dont je suis l’avocat. Il faudra lui arracher de force. S’il est un motif de manifestation et un seul, c’est d’exiger la démocratie directe afin d’apaiser la démocratie et la sortir des griffes des politiciens qui l’ont accaparé à leur profit. En outre, le recours fréquent aux référendums permet d’éloigner les démagogues de la scène politique…

 

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