Au moment où l’Union Européenne s’interroge sur son identité et sur son devenir, il semble utile d’énumérer à nouveau les raisons qui militent en faveur de la construction européenne et vers une intégration de plus en plus poussée.
Il existe aujourd’hui deux courants de pensée opposés, deux visions de l’Europe, deux conceptions du monde. Les uns militent pour un émiettement de l’Europe, pour un retour vers l’Europe des nations, cette Europe qui fut celle de toujours, depuis l’empire Romain. Nous sommes tous familiers avec cette Europe morcelée, c’est celle de nos livres d’histoire, lorsque les nations européennes, tour à tour, furent maîtres du monde, politiquement, militairement, économiquement et culturellement. Il peut y avoir cette nostalgie du chacun chez soi, libre et responsable de sa destinée, pour le meilleur et pour le pire.
Mais il existe une autre vision, qui prend acte du fait que le monde d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier, et que nous sommes dans un monde global. Nombreux sont donc ceux qui pensent qu’aucun pays européen n’est en mesure de peser seul sur le destin de l’humanité, ni même de préserver ses valeurs, ses territoires et de rester en paix dans un monde ouvert à tous les vents. Les pays européens n’auront de poids que s’ils sont unis et parlent d’une même voix. La cacophonie actuelle dessert l’Europe au point que plus personne ne l’écoute. Je suis un fervent partisan de cette dernière approche, pour de multiples raisons, mais je suis aussi convaincu qu’il ne peut y avoir d’Europe sans projet.
L’Europe a maintes fois été déchirée et meurtrie par des guerres fratricides, et nul ne sait ce qui pourrait advenir avec un retour à une Europe des nations dans laquelle pourrait surgir des idéologies et des visées antagonistes. L’éclatement de la Yougoslavie dans les années 90 donne une idée de ce qui peut surgir d’un retour au nationalisme : un émiettement en de multiples petits pays qui se sont fait la guerre, avec un mélange de haines ethniques, nationalistes et religieuses. Le retour à l’Europe des nations conduirait à un délitement total, une sorte de remake du Moyen âge, après la fin de l’empire de Charlemagne. Les provinces qui déjà donnent de la voix, telles que la Catalogne, la Corse, le pays Basque, la Bretagne, l’Ecosse, le Piémont et bien d’autres encore, seraient agitées par des courants indépendantistes suicidaires. Nous pourrions assister à une multitude de guerres de sécession !…
L’Europe doit se réaliser pour sauvegarder ses valeurs et son indépendance
culturelle. L’Europe porte en elle des valeurs et une culture millénaire, un mélange de liberté, de démocratie, de progrès, de travail, d’égalité, de respect de la personne. L’ensemble des peuples européens a une longue tradition chrétienne qui imprègne chaque citoyen, au plus profond de lui-même, y compris le plus agnostique. La culture chrétienne irrigue et nourrit nos lois, nos pensées et nos us et coutumes, même si nous n’allons jamais à la messe. Nous assistons actuellement à un puissant désir d’hégémonie de la culture et de la religion musulmane, très éloignée des valeurs du christianisme. Seule une Europe unie et forte peut défendre ses valeurs et se porter garant de leur pérennité.
En outre, seule une politique européenne forte et cohérente peut gérer au mieux l’immense problème de l’immigration massive en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient. Il s’agit d’un problème global qui ne peut se résoudre seulement à l’échelon local, sinon le risque est grand de voir l’immigration de masse se traduire en véritable invasion.
L’Europe est nécessaire comme quatrième puissance mondiale, pour prendre son autonomie face à l’hégémonie américaine qui trop souvent lui dicte ses choix. Le destin de l’Europe n’est pas nécessairement de suivre aveuglément la politique des Etats-Unis. Nous avons vu les dégâts engendrés par l’armée américaine en Afghanistan et en Irak, et dont l’Europe est maintenant la victime. Aujourd’hui nous assistons au discours belliqueux des américains face à la Russie. L’embargo économique, qui fut adopté sous la pression américaine, dessert l’Europe et la rend vulnérable face à une Russie qui est obligé de montrer les dents pour répondre à l’agressivité américaine et à son encerclement militaire. L’Europe a besoin de sa propre armée, assez puissante pour être dissuasive et pour être autonome. Naturellement, il ne peut y avoir d’armée européenne sans gouvernement européen.
Sur le plan économique et monétaire, l’Europe doit pouvoir user de sa
puissance et de sa diplomatie pour orienter dans le sens qu’elle souhaite les décisions et les règlementations qui doivent être mises en œuvre au niveau de la régulation du commerce, des échanges et de la finance. Sans Union Européenne, c’est encore une fois la voix de l’Amérique, première puissance économique, qui prévaudra, aucun pays européen n’ayant à lui seul les moyens de s’y opposer.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, une Union Européenne forte et démocratique, doté d’un gouvernement légitime et décidé, est non seulement nécessaire, mais indispensable. C’est à l’heure où des vents mauvais parcourent l’Europe qu’un tel gouvernement fédéral est devenu une nécessité absolue, une question de survie. Le temps est compté. La sortie de la Grande Bretagne est une occasion unique qu’il faut saisir impérativement.