Nous poursuivons notre série de chroniques sur les grands questionnements et les grands défis auxquels l’humanité doit faire face, non pas l’écume mais les vagues de fond. Après les défis démographiques, les inégalités, l’Homme OGM, je voudrais vous parler du défi concernant le recul du vieillissement, vieux rêve de l’homme qui devient du domaine du possible. Le but n’est pas seulement de vivre le plus longtemps possible, mais de vieillir en bonne santé !
La première étape indispensable se joue au niveau de la nutrition et de l’hygiène de vie, ce qui permet d’éviter les trois quart de nos maladies et de vivre vieux, généralement en bonne santé. J’ai écrit des livres sur le sujet dont le plus éloquent s’intitule « Rester jeune et en bonne santé ». Il suffit hélas de jeter un coup d’œil sur les caddies de nos concitoyens pour être effaré du peu de conscience de la majorité d’entre eux sur ce que signifie la prévention, malgré la simplicité de sa mise en œuvre. Une vie saine, un apport alimentaire modéré et équilibré, une activité physique régulière, et enfin rester éloigné du stress chronique, cet ensemble doit permettre à un grand nombre d’approcher les cent ans relativement autonome.
Mais l’ambition des chercheurs va au-delà et vise déjà les 120 ans! Pour cela il faut agir sur les trois maladies les plus fréquentes, les plus invalidantes : le diabète et son corollaire cardiovasculaire, le cancer, et la maladie d’Alzheimer. Ces trois syndromes sont typiquement des maladies de civilisation, liés à notre mode de vie et leur fréquence augmente en même temps que l’industrialisation et la pollution. Toutes ces maladies sont associées à un phénomène inflammatoire qui semble les booster. Ce que l’on sait aussi, c’est que les centenaires n’ont généralement pas de problème d’hyperglycémie. Le diabète, facile à éviter, apparaît comme une maladie clef dans le processus de vieillissement. Or il été observé qu’un vieux médicament antidiabétique bien connu, la metformine, a une incidence sur la longévité. Il a été démontré que les diabétiques traités à la metformine vivent 18% plus longtemps que des sujets sains non traités. Ceci est d’autant plus étonnant que, statistiquement, les diabétiques vivent moins longtemps que la moyenne. On sait que la metformine a aussi une action anti-inflammatoire, mais son mécanisme d’action reste à élucider. Cette molécule est un candidat sérieux pour accroitre la longévité.
Le mécanisme du vieillissement le plus prometteur fut découvert il y a peu, et par hasard, par le biologiste Valter Longo de l’Université de Californie du Sud. Il partit en week-end un jour en oubliant de nourrir une culture de levure sur laquelle il travaillait. Il eut ensuite la surprise de constater que le jeûne avait permis à ses levures de vivre plus longtemps. On connaît aujourd’hui le mécanisme. Lors du jeûne, le métabolisme ralentit et utilise comme nutriments des vieilles protéines qu’il recycle, procédant à un véritable nettoyage cellulaire, une sorte de cure de jouvence. Il est intéressant de noter que la restriction calorique est bien connue pour accroitre de 25% la longévité de toutes les espèces animales étudiées, y compris les mammifères. En outre, le jeûne stoppe la division cellulaire, ce qui peut avoir une incidence favorable sur le risque de cancer et son développement. Ceci plaide donc en faveur d’un apport alimentaire modéré.
Curieusement, le mécanisme biologique induit par le jeûne peut être déclenché par certaines substances. Des bactéries vivant dans la terre secrètent une substance dénommée Rapamycine qui a la propriété de ralentir le métabolisme et la division cellulaire, tout comme le jeûne. Cette substance, administrée à des souris, déclenche un véritable processus de rajeunissement. Non seulement les animaux vivent plus vieux, mais ils restent en excellente santé. Leurs tendons sont plus élastiques, plus flexibles, et leur système cardiovasculaire demeure jeune. L’administration de Rapamycine à des souris, augmente leur durée de vie de 25%, comme la restriction calorique. La Rapamycine est aussi un médicament anti-cancéreux… Mais le plus étonnant, c’est que la Rapamycine est active rapidement, et même chez des animaux déjà vieux, en améliorant l’efficacité et la tonicité de l’appareil cardiovasculaire.
Des substances naturelles et nutritionnelles semblent agir dans la même direction et avec la même efficacité. Deux substances ont été bien étudiées et donnent beaucoup d’espoir, il s’agit d’une part de la quercétine, qui se trouve en abondance dans la peau des pommes et, d’autre part, du fameux resvératrol présent dans la pulpe du raisin rouge. Le seul problème, c’est qu’aucun laboratoire pharmaceutique n’entreprendra des études cliniques d’envergure sur ces substances miracles qui ont comme principal défaut d’être bon marché, à la disposition de tous et non brevetées !
Le processus de vieillissement est accompagné d’une lente asphyxie cellulaire. Ceci signifie que les cellules respirent mal, elles ne sont plus assez oxygénées. Les biochimistes disent que la « chaine respiratoire » est ralentie dans chacune de nos milliards de cellules, et elles ne produisent donc plus assez d’énergie pour assurer le métabolisme général. Il faut préciser que cet état d’anoxie oblige les cellules à fonctionner suivant un autre processus, moins efficace, en anaérobie, dénommé « glycolyse ». Or, il se trouve que la glycolyse favorise la prolifération des cellules cancéreuses qui, au contraire, sont inhibées par l’oxygène. Ceci explique, en partie, la raison pour laquelle la fréquence du cancer augmente avec l’âge. Par conséquent, pour enrayer le processus de vieillissement et diminuer l’incidence du cancer, il est important de stimuler la voie oxydative, c’est-à-dire faciliter l’oxygénation des cellules, d’où aussi l’importance de l’activité physique.
Je ne veux pas vous ennuyer avec des notions complexes de biochimie, mais sachez que cette fameuse « chaine respiratoire » est constituée par un grand nombre d’étapes au cours desquelles l’oxygène va oxyder l’aliment cellulaire qui est le glucose et en tirer de l’énergie. Ce processus d’oxydation a lieu dans des compartiments cellulaires particuliers, les mitochondries. Or, il est une substance pivot, transporteur d’électrons, et qui permet l’oxydation. Cette substance clé, mais fragile, est dénommée par les biochimistes par le sigle NADH. En vieillissant ce NADH vient à manquer ce qui entrave la chaine respiratoire. Des recherches viennent de montrer qu’il suffit d’apporter à l’organisme un précurseur du NADH pour stimuler la respiration cellulaire et enrayer le vieillissement. Il s’agit d’une substance naturelle dénommée « Nicotinamide riboside », dérivé de la vitamine B3. Des études sur l’animal ont déjà démontré que l’administration de nicotinamide riboside activait le métabolisme cellulaire, régénérait les mitochondries et allongeait la durée de vie
Gardez les 120 ans en ligne de mire. En attendant soyez actifs, mangez légèrement beaucoup de fruits et de légumes, jeûnez un jour par semaine ou faites un régime monodiète, consommez chaque jour des pommes et du raisin bios, et n’hésitez pas à prendre régulièrement les trois compléments alimentaires suivants : Quercétine, Resvératrol et Nicotinamide riboside. Je vous souhaite une longue vie en bonne santé, mais attendez-vous à une augmentation notable de l’âge de la retraite !…