634 – CORRIGER LE CODE GENETIQUE

 

 

L’humanité est proche d’accomplir son rêve : engendrer l’homme amélioré, le surhomme, exempt de maladie, proche de la perfection. La technique est presque au point et s’intitule la « gamétogénèse in vitro ». Souvenez-vous de ce mot, vous en entendrez parler dans les mois et les années qui viennent. Je vous ai déjà entretenu des enfants OGM (voir chronique 615), mais il s’agit ici de l’étape suivante : modifier et corriger le génome humain de façon permanente, c’est-à-dire héréditaire.

Il est désormais possible de supprimer ou d’ajouter un ou plusieurs gènes dans le génome des cellules sexuelles, c’est-à-dire celles qui transmettent l’hérédité. Le plus extraordinaire, c’est que cette technique, dénommée CRISPR, est d’une facilité déconcertante et d’une grande précision. Les chercheurs savent désormais faire avec nos gènes du copier/coller comme vous le faites avec un traitement de texte. Mais le problème se corse lorsque l’on comprend que ces modifications et corrections diverses peuvent se faire sur des cellules reproductrices, comme les spermatozoïdes, et ainsi devenir héréditaires. La science est aujourd’hui capable de modifier le patrimoine génétique de n’importe quel animal, y compris l’homme. Autant dire que l’on n’a pas le droit à l’erreur !…

L’idée d’améliorer l’espèce humaine soulève des tollés et des déluges d’interrogations. Pour l’instant personne n’a osé franchir la ligne rouge et les législations de nombreux pays ne le permettent pas. Ainsi aux Etats-Unis, leaders en la matière comme en beaucoup d’autres, le National Institute of Health refuse de financer toute recherche portant sur la modification de l’embryon humain. Le Congrès s’est saisi de la question et a même interdit à la FDA d’autoriser toute intervention médicale qui utiliserait la correction génétique de l’embryon. Pour l’instant l’opinion publique est massivement défavorable, tant que la question reste théorique et que personne ne se sent concerné. Mais, en coulisse, les chercheurs continuent à travailler et se préparent à mettre en route cette technologie révolutionnaire dont chacun sent qu’elle deviendra inévitable.

Pour l’instant, afin d’amadouer l’opinion, les chercheurs travaillent sur un sujet sensible : la stérilité masculine qui, dans un grand nombre de cas, est d’origine génétique. Dans ces cas les cellules souches germinales ne se transforment pas en spermatozoïdes. Le gène en cause a été identifié et peut être remplacé. La technique est devenue courante sur la souris de laboratoire. Elle consiste à prélever dans les testicules des cellules souches et de mettre en œuvre la correction génétique in vitro suivant la technique CRISPR. Un enzyme coupe le génome à l’endroit voulu et élimine le gène défectueux. Puis, un autre enzyme« colle » le nouveau gène en remplacement. La phase suivante consiste d’abord à permettre la multiplication des cellules souches et à vérifier que la correction est conforme. Ensuite ces cellules améliorées sont réintroduites dans les testicules où elles vont se transformer naturellement en spermatozoïdes, suivant un processus d’une extrême complexité. Quelques temps après, l’individu concerné est capable de devenir père et de passer son nouveau patrimoine génétique à sa descendance. Il y a fort à parier que ce traitement génétique de l’infertilité masculine sera autorisée sous la pression populaire. Cela ne sera que la première étape…

En effet, les perspectives font rêver. Il sera possible de corriger tous les gènes considérés comme nocifs depuis ceux impliqués dans le risque cardiovasculaire jusqu’à ceux qui régissent la maladie d’Alzheimer. Qui pourra résister à pareille tentation ? Transmettre à ses descendants un génome irréprochable. Dans le même temps, pourquoi ne pas y joindre les gènes qui rendent plus forts, plus grands, plus intelligents ? Nous sommes désormais capables de modifier le capital héréditaire de l’humanité.

On peut penser qu’un certain nombre de pays refuseront longtemps avant d’autoriser pareille aventure, mais il est bien probable que quelque part sur cette terre, une équipe franchira le Rubicon et osera se lancer. Tout le monde pense déjà aux Chinois qui ne s’embarrassent pas trop d’éthique et qui sont déjà fort avancés sur le sujet. Ils viennent de publier des résultats sur des lignées germinales humaines, mais sans aller jusqu’à la phase embryonnaire. Dès qu’un ou plusieurs individus seront nés avec un génome corrigé, ils pourront procréer et le transmettre aux générations suivantes. Quelle nation aura des frontières assez hautes et assez imperméable pour refuser la dissémination de ce nouvel homme sur son territoire ? A ce moment là, les interdictions auront perdu tout sens.

La seule question qui reste en suspens, c’est le timing. Quelle sera la date fondatrice de l’humanité nouvelle ? Quand naîtra le premier homme (ou femme) génétiquement modifié ? Sans doute avant la fin de la décennie. Ensuite, les dès seront jetés et nul ne sait jusqu’où ils rouleront !… Dorénavant, les scientifiques ont acquis la capacité Prométhéenne de réécrire le langage de l’hérédité. L’homme nouveau est en chantier, il sera un OGM… et c’est beaucoup plus grave que pour le Maïs !

PETIT MEMENTO… Pour ceux qui ont oublié.

– Au centre de toutes les cellules animales se situe un noyau, à l’intérieur duquel se loge les chromosomes, porteurs des gènes.

le noyau est au centre de la cellule
le noyau est au centre de la cellule

Chez l’homme, chaque noyau cellulaire contient 23 paires de chromosomes. Dans chaque pair, l’un provient du père, l’autre de la mère.

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Les chromosomes contiennent les gènes, constitués de longues chaines hélicoïdales d’acides nucléiques, dénommées ADN. L’homme possède environ 20.000 gènes, dans chacune de ses milliards de cellules.

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– Les cellules souches reproductrices, mâle ou femelle, contiennent aussi chacune aussi 23 paires de chromosomes sur lesquelles il est possible d’intervenir en supprimant ou en ajoutant des gènes, grâce à la technique CRISPR. Chez l’homme, ces cellules souches, c’est-à-dire non encore différenciées, vont se transformer ensuite en spermatozoïdes qui ne contiennent que 23 chromosomes uniques.

 

le noyau du spermatozoïde contient le matériel génétique du père.
le noyau du spermatozoïde contient le matériel génétique du père.

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– La fusion d’un spermatozoïde et d’une ovule va donner naissance à un œuf qui va se diviser en cellules filles pour donner un être vivant. Les modifications génétiques sur ces cellules sexuelles vont être héréditaires et se transmettre à tous les descendants qui seront donc des OGM.

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