679 – L’HOMME: UNE MACHINE ORGANIQUE

 

 

Le destin de l’humanité est peut-être à un tournant décisif. Selon la pensée dominante en ce début du troisième millénaire, l’homme n’est rien d’autre qu’une machine organique dont les performances sont limitées si on les compare aux nouvelles « machines intelligentes » qui sont sur le point de le surpasser.

Le désenchantement

Si l’évolution de l’homme s’est faite selon un processus mécanique et rationnel, au gré de l’évolution, des vicissitudes et des aléas de la vie, sans intervention d’un plan divin, alors nous ne sommes que des machines biologiques, sans autre prétention. S’ouvre donc devant nous, un grand vide !

La déprime et l’anxiété sont les deux maladies spécifiques de notre civilisation. Se peut-il que notre matérialisme, depuis que nous avons banni le sacré et le spirituel, soit à l’origine de ce sentiment de vacuité et de notre désenchantement ? Nous avons tout misé sur le matériel, mais si celui-ci fait défaut, nous nous trouvons face au vide, au néant angoissant. Il reste l’option de la fuite hors de la réalité, ce que va nous proposer la « réalité virtuelle ».

Depuis seulement 2 ou 3 siècles, la science cherche à connaître et à comprendre le fonctionnement de l’univers, en général, et de la vie en particulier. Depuis qu’elle avance dans la connaissance des mécanismes intimes de la biologie, des échanges moléculaires et des transmissions d’information entre les neurones, la science s’est mise à rêver de construire une super machine, appelée à dépasser nos performances humaines.

Si nous ne sommes qu’une « machine organique », nous devons être capables de la reconstruire en étudiant minutieusement les mécanismes de cette machine. Mais, ce qui rend l’homme unique, c’est son intelligence, à la fois sa capacité d’apprendre et son talent créatif. C’est aussi la conscience d’exister, la possibilité de rêver et de se projeter dans le futur. Une machine pourra t-elle un jour non seulement atteindre ces prouesses, mais aussi les dépasser ?

La fin de l’homme

 C’est la question qui est posée dans un livre qui vient de paraître et dont le titre fait peur : « La chute de l’empire humain ». L’hypothèse qui est posée, c’est la possibilité d’une société dans laquelle des « machines intelligentes » seraient capables de gérer nos usines, nos entreprises et même le gouvernement, au point que les humains ne seraient plus que des auxiliaires subalternes. Les conséquences en seraient immenses sur notre destin !…

La question est posée dès la première ligne : « L’humanité approche-t-elle de sa fin ? » Cette grave question est posée par de nombreux scientifiques de renom et elle n’est pas une question de science fiction. Il faut se rendre à l’évidence, aujourd’hui les prouesses de la science font peur.

J’ai déjà abordé, dans mes chroniques, divers aspects préoccupants. Dans la chronique 646 « Des machines et des hommes », j’énumérais les nombreux métiers qui demain seront remplacés par des robots. Dans la chronique 636 « Transhumanisme » j’évoquais cette possibilité d’être dépassés par les robots, jusqu’au point de devenir nous-mêmes des sortes de robots, sans que l’on puisse bien faire la différence entre un robot humanisé et un humain robotisé. Dans le chronique 634 « Corriger le code génétique » j’expliquais comment les progrès du génie génétique permettaient désormais de créer des surhommes, exempts de maladie, proches de la perfection. Enfin, dans la chronique 655 « l’angoisse digitale » j’analysais la grande peur qui nous saisit dès que l’on étudie les progrès foudroyants des robots.

Que manque-t-il aux robots ?

Vous le savez maintenant, les robots peuvent emmagasiner une masse d’information colossale, pratiquement sans limite et infiniment plus qu’un cerveau humain. Les robots digèrent les données et peuvent les restituer en l’espace d’un instant. Au cours de la dernière année, il s’est produit plus de données qu’au cours de toute l’histoire de l’humanité. Seuls les robots peuvent gérer cela.

 Mais, c’est dans le domaine de l’intelligence artificielle que les progrès décisifs sont en cours. Tout d’abord s’est développée « l’intelligence étroite », spécialisée, celle qui a permis de gagner contre le meilleur champion d’échecs, puis récemment contre le meilleur joueur de go grâce à la puissante intelligence de Deep-Mind. Puis est arrivée « l’intelligence générale », capable de résoudre plusieurs problèmes simultanément et d’utiliser le langage naturel pour communiquer avec l’homme. On peut entretenir une conversation suivie avec de tels robots qui peuvent remplacer un avocat, un médecin ou même un psy auquel on peut confier nos états d’âme. C’est le cas de woebot que vous pouvez consulter sur Facebook !…

L’étape ultime, c ‘est le niveau de la « super-intelligence » qui saisit le monde dans sa globalité, capable de rivaliser avec celle de l’homme dans tous les domaines, jusqu’à articuler une pensée originale et exprimer des émotions. Ceci ouvre l’ère de la « singularité », c’est-à-dire lorsqu’il n’est plus possible de distinguer un raisonnement humain de celui d’une machine, avec toutes ses subtilités. Ce but n’est pas encore atteint. Le sera-t-il un jour ? Nombreux sont ceux qui répondent par l’affirmative…Personnellement j’en doute encore.

Des machines parlent aux machines

En tous cas, le monde qui est proche est celui dans lequel nous pourrons donner des ordres oraux à notre « assistant personnel » qui gérera l’essentiel de notre vie pratique. Il organisera notre temps, prendra des rendez-vous, organisera nos voyages, écrira les articles scientifiques, analysera les évènements politiques, gérera nos finances, répondra à nos e-mails et à nos questions les plus pointues. Il sera en réseau conversationnel avec l’ensemble des données disponibles…

Cet assistant deviendra vite indispensable car il saura beaucoup de choses sur nous. Il connaitra nos goûts, nos centres d’intérêts, nos habitudes, notre façon de penser, nos idées politiques ou philosophiques. Il commencera par être notre serviteur, mais il se peut que nous devenions vite son esclave !

Une société d’oisifs

La grande question qui demeure, et à laquelle nul n’a encore apporté de réponse, est celle-ci : « Comment fonctionne une société d’oisifs, alors que le travail, l’échange et l’activité étaient jusque là le socle des organisations humaines ? ».

Le citoyen ordinaire aura-t-il encore besoin d’apprendre, de savoir écrire, de réfléchir par lui-même, de développer un talent ? Les spécialistes de l’intelligence artificielle mèneront le monde, constituant une caste de privilégiés, tandis que les autres auront des tâches très subalternes ou tout simplement rien à faire. Les inégalités seront considérables et le risque d’affrontements n’est pas exclu lorsque l’homme sera devenu une chose.

L’homme pourrait perdre le goût de l’effort, la joie de créer, le plaisir d’apprendre, au profit d’une vie de loisirs de masse, les lieux de vie étant devenus des immenses parcs d’attraction, dotés de spectacles virtuels et de produits culturels préfabriqués. Un club Med permanent qui ne parviendra plus à contenir la déprime ambiante.

Nous sommes à l’aube d’une révolution culturelle et technique qui va bouleverser les façons de vivre de la génération Z, c’est-à-dire ceux nés dans ce siècle. Etrangement, le danger pourrait venir d’une vie trop facile, prémâchée. Mais, je ne suis pas sûr que l’intelligence artificielle sera capable un jour d’atteindre la subtilité et la diversité de l’intelligence humaine, limitée certes, mais tellement fascinante, tellement fluide, irrationnelle, intuitive, émouvante et séduisante…

 

 

 

 

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