659 – LISEZ-VOUS ENCORE LE JOURNAL?

 

 

A l’heure de l’avion et du train rapide, iriez-vous encore de Paris à Genève en diligence ? A l’heure des media électroniques, lisez-vous encore votre quotidien sur papier journal?

La presse papier est en crise grave et lutte pour sa survie. Ce qui est étrange, c’est que les journalistes discutent beaucoup entre eux pour trouver des solutions d’avenir, mais ils ne consultent guère les lecteurs, leurs clients.

La facilité des subventions

La première idée qui est venue à la tête des journalistes, la plus simple, c’est de vivre de subventions ou d’aides indirectes. Je cite pêle-mêle : subvention étatique, mécénat par les grands groupes industriels, suppression de la publicité à la radio ou à la télévision qui se reporterait en partie sur la presse écrite, taxes sur les revenus publicitaires, nationalisation des imprimeries dont les rotatives tourneraient pratiquement gratuitement, prise en charge de la distribution gratuite des journaux… L’imagination est fertile lorsqu’il s’agit de se faire assister !

On imagine assez facilement le monstre bureaucratique chargé de distribuer les aides et les subventions, selon des critères plus ou moins subjectifs. Faut-il donner une prime à la qualité et selon quels critères ? Faut-il donner des subsides en fonction du nombre de lecteurs ? Quoi qu’il en soit, il serait alors bien facile de museler une presse qui dérange…

Les aides publiques ou privées, pavées de bonnes intentions, buttent sur deux inconvénients majeurs : d’une part, elles éviteraient de se remettre en question, d’innover et de chercher à faire des économies, d’autre part, elles mettraient en place un système étatique proche de celui en cours dans les dictatures et tout serait ainsi prêt pour l’instaurer.

Les partisans de la voie facile de la subvention, et qui sont généralement des fonctionnaires, prétendent que « le bon fonctionnement d’une démocratie comme la nôtre repose sur la présence d’un débat actif et bien informé des citoyens ». Ils raisonnent en se trompant de siècle. Avec internet, le débat est actif et les citoyens sont informés. Il ne manque pas de blogs très bien documentés. Un outil comme wikipedia atteste de la puissance informative des utilisateurs de la toile et pourtant personne ne pense à subventionner les fabricants d’encyclopédies !

Parlons du contenu

En tant que lecteur traditionnel, et de longue date, de la presse écrite, je me permets de donner quelques conseils et d’adresser quelques critiques à une profession qui ne les aiment guère.

J’étais abonné à un magazine helvétique, dénommé L’Hebdo, qui vient malheureusement de mettre la clé sous la porte. Le plus gros grief que je faisais à cette revue de qualité, c’est qu’elle était devenue l’organe quasi officiel du parti socialiste Suisse. Je cherche l’information objective, neutre, et je n’ai pas besoin que l’on me dicte mes choix électoraux, je suis assez grand pour cela. L’Hebdo s’est ainsi probablement privé, par sectarisme, de milliers de lecteurs potentiels, agacés par ses partis-pris systématiques. Selon mon point de vue, les medias doivent rendre compte, analyser, chercher à comprendre et exposer les différents points de vue. Ils peuvent afficher leurs préférences, mais sans stigmatiser, voire injurier ceux qui ne pensent pas dans la même direction.

Les lecteurs de la presse, aujourd’hui, cherchent la réflexion et pas le bourrage de crâne. Les autres s’informent sur Twitter, cela leur suffit ! D’une façon assez générale, la presse est partisane et n’assume pas son rôle d’information neutre. C’est une des raisons pour lesquelles sa disparition progressive émouvra peu ses lecteurs.

Par ailleurs, on peut se demander si un quotidien se justifie, toujours en retard sur l’événement ? A quoi cela me sert de lire dans mon journal les cours de la bourse de la veille, étalés sur trois pages, puisque j’ai pu les connaître le jour même sur internet ?

Notre navigation sur internet est mangeuse de temps, de même que l’entretien de nos relations avec nos « amis ». Avons-nous aujourd’hui assez de loisirs pour lire un quotidien ? Il faudrait sonder les lecteurs, mais je parierais qu’il leur suffit de lire les titres. C’est pourquoi je plaide pour un bon hebdomadaire, pour ceux qui aiment lire, qui aiment réfléchir et qui aiment s’informer.

Imprimer à la maison

La presse coûte cher à la conception, à la fabrication et à la distribution. Il est clair que, dans l’état actuel des choses, elle ne peut pas concurrencer l’information numérique qui court-circuite les deux dernières étapes. Les rotatives n’ont plus de sens, pas plus que les diligences ou les lampes à pétrole !

J’imagine donc un hebdomadaire que je recevrais chaque semaine dans ma boite e-mail, d’un format en adéquation avec la lecture sur écran. Je pourrais lire rapidement les titres, un résumé si je suis accroché et, enfin, je pourrais, d’un clic, lire ou imprimer l’article que je souhaite lire à tête reposée.

Voilà comment j’imagine une presse de qualité, débarrassée du superflu et du redondant. Une presse non sectaire qui m’aide à réfléchir mais qui ne pense pas à ma place, une presse qui ne méprise pas ses lecteurs et respecte leurs opinions diverses. Bref, je rêve d’une révolution journalistique…

Primauté à la francophonie

J’ai toujours trouvé les journaux nationaux étriqués lorsqu’ils se concentrent sur une zone géographique restreinte. C’est le rôle de la presse régionale de parler local et elle a sans doute encore de beaux jours devant elle. Mais je poursuis mon rêve, et j’envisage l’émergence de titres francophones qui ne sont pas limités à des frontières géographiques, mais qui rayonnent dans toute la francophonie. Dans cette voie là, il y a sans doute la place pour quelques titres qui deviendraient des références transnationales.

Cette nouvelle presse régénérée serait ainsi débarrassée de tous ce qui l’encombre : les querelles de clochers, les histoires de chiens écrasés, les mauvaises fois des politiciens locaux et le monde vu par le petit bout de la lorgnette. Telle serait une presse ouverte sur le monde et non pas recroquevillée autour de son village. Aujourd’hui, au niveau des petites nations, les défis importants sont transnationaux, plus que locaux.

La presse devra s’adapter aux nouveaux media de l’information électronique. Son rôle sera moindre et son audience va se rétrécir. Elle devra compter avec toutes les autres sources d’information qui sont généralement moins politiquement correctes et moins acoquinées avec le monde politique. La société change, mais ni les media traditionnels, ni les politiciens, enfermés dans leur certitudes, ne semblent le voir… Nous passons d’un monde vertical à un monde horizontal.

Pour aller de Paris à Genève, il n’y a pas de monopole, vous pouvez prendre l’avion, vous pouvez prendre votre voiture, vous pouvez prendre le bus, vous pouvez prendre le train, vous pouvez même faire de l’auto-stop, mais il n’y a plus de diligence et c’est dommage… car personne n’a jamais subventionné les diligences. Finalement, le plus important est la liberté d’informer et d’être informé.

 

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Un commentaire

  1. j’étais l’autre jour en mediathèque.A l’heure où ferment les bureaux. Un homme a pris sur les présentoirs son quotidien préféré et s’est enfermé dans sa lecture.J’en ai sur mon carnet fait un dessin GHV

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