Xi Jinping, le tout puissant dirigeant chinois, a lui-même employé le terme de « rêve chinois » pour l’opposer au « rêve américain » et pour bien marquer combien la Chine a pour ambition de devenir un modèle de société, surtout depuis que l’étoile américaine brille moins avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir.
La nature a horreur du vide
Les errances chaotiques de la diplomatie américaine ont permis à la voix de la Chine de se faire mieux entendre sur la scène internationale. Le désengagement de l’Amérique des divers traités internationaux dont elle était signataire fait douter de sa parole. Depuis la remise en cause de l’accord avec l’Iran, le retrait des accords de Paris sur le climat, le retrait de son siège à l’UNESCO, le désengagement progressif de ses engagements internationaux, politiques et économiques, les USA ne sont plus crédibles. Sans compter les vociférations puériles du président Trump vis-à-vis de la Corée du Nord. Tout concoure à rendre la voix de l’Amérique inaudible.
« La nature a horreur du vide » et cela est aussi vrai en politique. Le président chinois s’est engouffré dans la brèche, alors qu’il est au fait de sa puissance. En interne, tout d’abord, la ligne politique du président Xi est claire : maintien à tout prix du parti unique, afin de conserver l’unité, l’ordre et la stabilité du pays. Le but étant, sur le plan extérieur, de promouvoir le renouveau de la puissance chinoise.

Le président chinois se sent proche de Wladimir Poutine et redoute par dessus tout le contre exemple de Mikhaïl Gorbatchev ! Il s’oppose aux valeurs universelles de l’Occident, à l’Etat de droit et à l’individualisme. Il porte sur l’Occident démocratique un regard sévère et il le juge globalement décadent. A un moment où les démocraties occidentales, incapables de se régénérer, doutent d’elles-mêmes, ces critiques sont d’autant plus douloureuses pour nous qu’elles ne sont pas dénuées de fondement.
Multilatéralisme
C’est dans ce contexte que la Chine prend le contre-pied de la position américaine dans bien des domaines. Elle devient l’avocat du multilatéralisme que Donald Trump récuse. Elle déploie beaucoup d’énergie dans nombre d’instances internationales dont l’Amérique se retire. Ainsi, elle place ses pions à l’ONU où elle cherche à mettre des chinois à des postes importants. De même, elle est très active pour la mise en œuvre des accords de Paris sur le climat, se donnant ainsi le beau rôle sur le plan international.
Hormis l’ONU, la Chine va devenir le plus gros contributeur de l’UNESCO. Le but étant d’influencer cet organisme sur les futures normes du cyberespace que la Chine entend bien réguler. Le but de cet activisme, au niveau des instances internationales, étant de progressivement imposer ses vues et ses normes. Selon Pékin, le droit international actuel est une émanation de l’Occident et il convient de le faire évoluer. La priorité de la Chine n’étant certainement pas les droits de l’homme ! « La Chine va servir de guide à la globalisation » affirmait Xi Jinping en2017 au forum économique de Davos.
La bombe à retardement
Sur le plan militaire, la Chine apporte son soutien au maintien de la Paix dans de nombreux pays avec le déploiement de près de 40.000 hommes sur le terrain. Face à l’ « America first » de Donald Trump, Xi Jinping annonce vouloir « coopérer pour construire une communauté de destin commun de l’humanité ». Même si ce ne sont encore que des mots, ils font plaisir à entendre…
Ce ne sont pas les vociférations de Donald Trump à propos du programme balistique de la Corée du Nord qui vont ébranler Xi Jinping qui reste maître du jeu. La remise en cause des accords avec l’Iran enlève toute crédibilité aux américains pour trouver un accord avec qui que ce soit ! Cette situation permet à la Chine de continuer à avancer ses pions en mer de Chine et de s’implanter militairement dans les ilots revendiqués par ses voisins.
Bien sûr, la Chine est encore un nain face à la puissance militaire américaine, mais elle se renforce chaque année davantage. Quoiqu’il en soit, les Etats-Unis auraient tout à perdre d’une confrontation avec la Chine qui détient des centaines de milliards de dollars et de bons du Trésor US. Au total, la Chine finance la dette américaine à hauteur de 1200 milliards. Autant dire, une bombe à retardement de destruction massive de l’économie américaine !
Une économie dirigée
Selon les récentes paroles lucides de Xi Jinping, « l’avenir paraît extrêmement radieux ; les défis auxquels nous faisons face sont aussi très sombres ». Le président chinois ajoutait avec modestie que son projet est de faire de la Chine « un Etat modérément prospère » d’ici 2035 mais qu’il demeure « le plus grand pays en voie de développement ».
Il prévoit une croissance qui devrait se maintenir à 6.5% par an afin d’obtenir un doublement du PIB par habitant entre 2010 et 2020. Pour cela, il devra réformer le système financier afin de juguler la dette privée et publique qui atteint 300% du PIB, record absolu toute catégorie !
Xi Jinping ne prévoit pas d’introduire l’économie de marché chère à l’Occident. Il admet que nombre d’entreprises ne sont pas rentables ou se trouvent en surcapacité de production dans l’industrie lourde, acier et ciment. Mais c’est à l’Etat que revient le soin de décider quelles sont les entreprises qui doivent fermer ou se réformer.
Dans le même temps, le gouvernement chinois a lancé en 2017 son grand projet « One Belt, One Road » qui consiste à construire un corridor économique le long de l’ancienne Route de la soie, à coup de grands projets d’infrastructure.
Un capitalisme autoritaire
« Le parti contrôle tout et partout » et en 2021 il fêtera son centenaire ! Le socialisme chinois promet de durer pour les siècles à venir, ce qui contredit l’affirmation de ceux qui pensent que la dictature est incompatible avec une société développée. En effet, nombreux ont été ceux qui prédisaient à la Chine le même sort que l’URSS.
Mais le régime semble très bien s’adapter à la modernité technologique et se vante de procéder à la « modernisation socialiste ». Il réalise la prouesse d’être à la fois économiquement performant et d’exercer un contrôle total de la population grâce au Big Data.
La Chine est ainsi en passe de devenir une « puissance globale dominante » sans emprunter les recettes politiques défendues par l’Occident. C’est en ce sens que l’on peut parler de « modèle chinois », basé sur un « capitalisme autoritaire », et qui offre à d’autres pays une alternative au modèle des démocraties molles en vogue en Occident !
Pékin ne cherche pas à imiter le modèle capitaliste cher à l’Occident, mais veut créer son propre modèle de « socialisme avec des traits chinois ». Xi Jinping avance la date de 2035 pour que la Chine devienne un pays « prospère, fort et démocratique ». Qui sait ? La route est encore longue, mais si le pari est gagné, le Rêve Chinois sera dans toutes les têtes…