Nous avons tous, quelque part, une once de pouvoir avec la tentation d’en user et même d’en abuser. Je veux parler ici de cette tendance très humaine à abaisser les autres, pour se donner l’impression d’être supérieur.
Le pouvoir de l’argent
Bien entendu, vous pensez déjà au pouvoir que procure l’argent et nous avons tous été témoins des humiliations infligées souvent à ceux qui en ont peu. Les riches familles arabes ou russes qui fréquentent les palaces européens ont trop souvent des comportements odieux avec le personnel de l’hôtel, ou avec les vendeurs des magasins, qu’ils écrasent de leur morgue.
Le simple touriste lambda, qui déambule dans la Kasbah de Marrakech l’appareil photo en bandoulière, peut avoir une attitude semblable. Il regarde ce petit monde miséreux grouiller autour de lui et cela lui donne de la suffisance. Il chasse les commerçants qui l’importunent d’un geste méprisant, plein de hargne.
Son salaire modeste lui permet ici de jouer les importants car il est soudain riche. Il va marchander trois sous pendant des heures, jusqu’à faire rendre gorge au marchant qui, de guerre lasse, va finir par lui abandonner une babiole de 5 Euros. Il dira fièrement qu’il a économisé trois euros qu’il brandira comme un trophée. Finalement, il joue le même jeu que son patron qui, en Europe, mégote sur son salaire.
L’intelligentsia
Le monde de la connaissance n’est pas avare de mépris vis-à-vis de ceux qui ne savent pas. Il existe toute une intelligentsia pédante qui se répand sur les ondes, ou dans la presse, et se gargarise de mots abscons pour bien montrer la frontière qui les sépare du vulgaire. Il se crée ainsi tout un vocabulaire élitiste à l’usage exclusif d’initiés dont le rôle consiste à complexifier les concepts simples et se croire intelligent.
La médecine est le temple qui abrite les Grands Prêtres qui ont sur nous droit de vie et de mort. Cette position dominante assure le corps médical de l’impunité lorsqu’il trahit sa tâche. A l’hôpital, nous sommes seulement « un cas », au mieux « un cas intéressant » si notre maladie est étrange ou orpheline, au pire nous sommes un cas banal, sans intérêt. Quoiqu’il en soit, nous n’aurons droit à aucune explication sérieuse, nous sommes supposés être des ignorants qui ne méritent pas un peu de temps et de salive. Les questions qu’innocemment vous posez ne méritent pas réponse.
La hiérarchie
Il y a un mâle dominant qui sommeille chez beaucoup d’entre nous et qui se réveille dès que l’occasion se présente. La pyramide hiérarchique abrite une cascade de pouvoirs qui s’exercent de haut en bas et peut aller jusqu’à l’oppression. Une telle situation se rencontre lorsque convergent, sur une même personne ou sur une institution, le droit et la force.
C’est dans l’armée ou la police que l’on rencontre les petits capos frustrés et qui cherchent à nous écraser en s’abritant derrière cette position. Ceux qui ont fait leur service militaire savent ce que je veux dire et ils ont tous eu l’occasion, un jour ou l’autre, d’être sous le diktat d’un adjudant sadique qui aimait les faire trembler car il avait entre ses mains tous les pouvoirs. L’armée est, par nature, totalitaire.
La bureaucratie fourmille aussi de petits chefs qui disposent de micro-pouvoirs. La tentation est grande, protégé derrière un guichet, d’humilier celui ou celle qui ne comprend pas bien la langue et qui est perdu dans les méandres de la paperasserie administrative. Qui, parmi ceux qui me lisent, n’ont jamais été face à un petit fonctionnaire tatillon et retord qui refusait de comprendre votre cas personnel, en interprétant le règlement à la Lettre et non pas dans l’Esprit ? Les zones de pouvoir les plus étroites sont souvent celles qui sont défendues avec le plus de hargne…
Petits boulots et grand capital
Le monde du travail est un lieu non démocratique où s’exerce le pouvoir du dominant. Les petites mains qui accomplissent des petits boulots sont les parias de nos sociétés modernes, démunis et sans droit, corvéables à merci. Ils sont sans qualification et par conséquent interchangeables. Au moindre prétexte, elles ne sont pas payées.
Ils sont à notre service, ils nettoient, ils balayent, ils rangent, ils portent, ils transportent. Ce sont les fourmis qui, silencieusement, effectuent les tâches ingrates, celles qui salissent et qui fatiguent jusqu’à l’épuisement. Sans papier, ballotés par la vie, vulnérables, ils sont si faciles à dominer. Ce sont des esclaves modernes.
Que dire encore de la domination qui s’exerce sur les employées de maison, qui travaillent 7 jours sur 7 chez le personnel des ambassades, ou pour de riches étrangers? On leur retire leur passeport et elles n’ont plus de contact avec le monde extérieur. Certaines d’entre-elles ne savent même pas dans quel pays elles sont.
Des milliers de travailleurs pakistanais et philippins sont sous la même domination des riches arabes des monarchies du golfe, véritables esclaves modernes. Il existe un index officiel de l’esclavage qui estime à 45 millions le nombre de personnes dans cette situation dans le monde !
Quel regard portons-nous sur le jeune migrant qui cherche un refuge et qui erre dans nos villes, sans toit et sans argent ? Face à lui nous sommes tout puissant, au point de lui refuser l’aumône de 1 euro.
L’impérialisme
Au niveau des Grandes Puissances, la tentation d’abuser du pouvoir est aussi très forte. C’est le privilège des puissants de soumettre le droit par la force. « A tout seigneur, tout honneur », c’est à l’Amérique que revient la palme de l’impérialisme arrogant et dominateur.
L’histoire récente abonde d’exemples qui illustrent ce mépris. Contre le droit international, l’armée américaine a mis l’Irak et l’Afghanistan à feu et à sang. Le responsable de cette décision criminelle, Georges W. Bush, n’a jamais été traduit devant un tribunal international, comme il aurait dû.
Depuis des années, les USA cherchent tous les prétextes pour affronter la Russie. Cette dernière est encerclée, tout autour de son territoire, par des bases US. Les américains ont fomenté et financé une révolution anti Russe en Ukraine, pour provoquer le Kremlin et l’obliger à réagir. Ensuite, ils ont organisé un boycott de la Russie en représailles d’une réaction qu’ils avaient eux-mêmes stimulés et sans consulter les européens.
L’attitude actuelle de l’Administration américaine vis-à-vis de l’Iran procède de la même arrogance. Elle s’arroge le droit de renier sa propre signature et remet en cause un accord international dont elle fut elle-même l’artisan. Quel autre pays oserait agir ainsi, sans se mettre à dos l’ensemble du monde ?
Pourquoi ne respectons-nous que la force ? C’est notre peur qui donne le pouvoir aux puissants. Malgré tout, malgré ce constat terrible, je rêve encore d’un humanisme global qui respecte l’autre, même s’il est faible, qui respecte son honneur et sa dignité, qui respecte toute vie, même la plus humble.
L’Armée, par nature totalitaire ? Le peu que j’en connais ne va pas dans ce sens …
L’armée a ceci de particulier qu’elle a sa propre police et même sa propre justice. C’est une institution pyramidale non démocratique. Le pouvoir qu’exerce la hiérarchie sur la troupe est total et ne tolère aucun murmure. Je suis aussi d’accord pour dire que ce type d’organisation est un mal nécessaire pour être efficace, surtout en cas de crise.
Oui, les puissants sont arrogants, mais les plus arrogants ne sont pas à mon avis les militaires ou les petits chefs dans les administrations et les entreprises -quoique leur pouvoir de nuisance soit réel – mais les kapos qui, leur schlague à la main, viennent distribuer des points Godwin partout où vous avez le malheur de croiser leur chemin. Et s’ils sont tellement plus nuisibles, c’est qu’ils chassent en meute. Vous pouvez échapper au petit chef, vous n’échappez pas aux distributeurs de points godwin.
Je suis d’accord avec vous, les chiens de garde de la “bienpensance” sont vigilants et savent mordre les “déviants”.
Plus dure sera leur chute, les transgressions du pouvoir s’appliquent que sur la base sociétale, c’est à la société d’y remédier.