718 – 1968: LE PRINTEMPS DES ILLUSIONS

En 1968, il y a 50 ans, le vent de l’histoire a soufflé en bourrasque à travers le monde entier : Prague, Paris, Berkeley, Tokyo. La vie a voulu qu’au cours du printemps et de l’été 68 je sois le témoin de la révolte de la jeunesse en ces quatre lieux symboliques.

Le socialisme à visage humain

Tout a commencé le 5 Janvier 1968 lorsque le réformateur Alexandre Dubcek fut nommé Président de la république. Un rapport venait de montrer que la Tchécoslovaquie qui était, avant le socialisme, une des premières économies européennes, sombrait dans le sous-développement.

Dubcek voulait réformer le socialisme en démocratisant le régime et libéralisant l’économie. Il prônait ce qu’il dénomma « un socialisme à visage humain » et il libéra la presse du joug soviétique.

Ce printemps 68, il souffla sur Prague le vent léger de l’espoir. La jeunesse s’est mise à rêver de liberté. Pendant ce temps-là Brejnev massait des troupes aux frontières du pays et demandait à ses alliés du « Pacte de Varsovie » de jurer de continuer à lutter contre « l’idéologie bourgeoise ».

Les printemps sont toujours de courte durée. A Prague, comme ailleurs, les socialistes ont horreur des réformateurs ! Ainsi, dans la nuit du 20 au 21 Août, le printemps fut écrasé avant d’éclore par l’arrivée soudaine et brutale de 400.000 soldats et 6300 chars soviétiques qui n’eurent même pas à combattre.

 Une révolution de petits-bourgeois nantis

En Occident nos beaux esprits n’eurent rien à redire lorsque les chars russes envahirent Prague durant ce fameux été 1968, tandis qu’à Paris une jeunesse en folie s’était crue courageuse en élevant des barricades et en jetant des pavés sur les CRS qui pliaient l’échine.

Ces minables petit-bourgeois défilaient derrière François Mitterrand, l’opportuniste, de la Bastille à la Nation, avec des états d’âme de nantis et des revendications d’enfant gâtés en se prétendant marxistes ! Je me souviens avoir, à cette époque, en plein été, quitté le Quartier latin pour la place Wenceslas, je me souviens de ce peuple terrifié, humilié, coincé entre le marteau et l’enclume. Les fleurs du « printemps de Prague» étaient définitivement fanées, Dubcek était limogé, l’hiver à nouveau régnait sur Prague.

Vu de là-bas, le feu de paille parisien apparaissait dérisoire et honteux. Il s’était d’ailleurs éteint en même temps que les feux de la Saint-Jean, à la veille de l’été, pour permettre à la jeunesse dorée de partir en vacances, après s’être fait des frayeurs en jouant les révolutionnaires.

Ont-ils même mesuré combien leurs revendications étaient minables fassent à celle de Jan Palack qui, le mois de janvier suivant, s’immola par le feu sur la place Wenceslas, au pied de la statue équestre de Jan Hus qui cinq siècles plus tôt avait fait de même ? Le socialisme n’a définitivement pas de visage humain !

Berkeley la Pacifiste

Par quelle étrange conjonction cette année 1968 fut-elle animée d’une telle frénésie mondiale ? En Septembre, j’ai passé quelques jours à San-Francisco et je me suis rendu à Berkeley, haut lieu de la contestation étudiante.

Sur Telegrah Avenue qui mène à l’Université, les manifestations étaient quotidiennes contre la guerre au Vietnam. Pour cette raison, Berkeley la pacifiste était la cible de toute l’Amérique profonde, puritaine et guerrière.

C’était aussi l’époque du non-conformisme véhiculé par les hippies. Mais la jeunesse californienne pratiquait un « peace and love » authentique et ils n’avaient pas besoin de tout casser pour vivre leur vie en marge. Ils étaient plus cohérents que les petits bourgeois parisiens.

Petites foulées à travers Tokyo

Poursuivant sur ma lancée, j’ai filé à Tokyo où j’ai trouvé aussi une jeunesse en effervescence. J’ai assisté à des manifestations monstres dans le centre de Tokyo. Les étudiants défilaient de façon étrange et très impressionnante.

Ils défilaient par vague de plusieurs centaines, dix ou douze de front, et tous parfaitement alignés sur ceux du premier rang. Ils avançaient lentement, en petite foulée, comme s’il s’agissait d’un petit jogging d’entrainement. Des dizaines de milliers défilaient ainsi pendant des heures, sans bruit.

Leurs revendications étaient plus nobles et plus dignes que celles des nantis du quartier Latin qui cassaient les vitrines ! Ils protestaient pacifiquement contre la guerre au Vietnam et surtout contre la base américaine d’Okinawa. Autre lieu, autres mœurs !

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J’ai bouclé mon tour du monde en me retrouvant à Paris où tout était rentré dans l’ordre. De nouvelles élections avait donné près de 300 députés au Général de Gaulle et la gauche était décrédibilisée. L’ordre soviétique régnait sur Prague et Alexandre Dubcek fut « promu » jardinier dans un parc de la ville… Aux États-Unis, les hippies ouvraient des petits commerces sur Telegraph Avenue et la contestation s’apaisa car c’est Richard Nixon, plus pacifiste, qui fut élu. A Tokyo, le calme était revenu et les étudiants étaient partis étudier. Partout, le printemps des illusions était terminé. Mais, On ne sut jamais quel fut le levain de cette simultanéité, tant les revendications étaient disparates…

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