La détresse des migrants est souvent immense et nous sommes enclin à les aider. Mais comment l’Europe peut-elle arrêter le flux migratoire qui risque de l’emporter ?
Nous sentons tous, intuitivement, que l’immigration de masse à laquelle l’Europe est soumise constitue l’ultime épreuve de vérité. Si l’Europe ne parvient pas à résoudre ce défi existentiel, elle peut dire Adieu à son beau projet. Finalement, son destin se joue sur une question de frontière, comme à chaque conflit d’envergure.
Entre détermination et désespoir
Le chaos migratoire n’est pas une théorie abstraite, il s’agit d’une réalité bien vivante. Les statistiques et les photos des bateaux de migrants ne suffisent pas. Il faut écouter ceux qui sont concernés et les comprendre.
Le journaliste Suisse Etienne Dubuis a écouté les témoignages de dizaines de jeunes migrants venus d’Afrique de l’Ouest, fuyant la misère, mais aussi le poids des coutumes, de la famille et de la société figée.
L’un dira : « Le Nigeria est un pays sans loi. Ils ont des couteaux, des machettes… Mon rêve le plus cher est d’avoir une belle vie, sans ennui et sans stress. C’est de pouvoir dormir les yeux fermés. Pas un œil après l’autre. Les deux en même temps ».
Aïcha s’est confiée : « Je me suis enfuie de chez moi parce que ma famille voulait me marier à un monsieur beaucoup plus âgé. Là où je vivais, près de Benin city, des amis m’ont dit qu’ils pouvaient me trouver du travail en Europe comme femme de ménage ».
Juma raconte sa traversée du désert : « Après Agadez, mon gars, tu comprends que tout ce que tu as vécu jusqu’à présent n’était pas un problème. La région est totalement aride. Si ton chauffeur se perd, tu meurs…Il y a des régions où tu vois des centaines de tombes, des centaines de petits monticules de sable avec quelques cailloux autour ».
Un autre encore : « Dans le sud de la Lybie, le voyage s’est transformé en enfer. Il y a des endroits où des bandits vous enferment pour vous soutirer de l’argent… Certains vous aspergent même d’essence de la tête au pied et menacent de vous mettre le feu ».
Seydou témoigne : « En prison, tu sais ce qui t’attend. Si tu n’as personne pour te sortir de là, les gardiens vont te vendre à des gens qui vont t’emmener à la campagne et t’obliger à travailler un an ou deux pour eux. Ils te donnent juste à manger. Et toi, tu ne peux rien faire parce que tu ne sais même pas où tu es ».
Cet autre raconte sa traversée : « Des planches se sont déplacées au fond de la barque et la toile a crevé. Des gens sont passés à travers. Ma femme était parmi eux. Elle ne savait pas nager… Je ne l’ai plus revue. On n’a même pas retrouvé son corps… »
Comment ne pas avoir de compassion pour ces êtres ballotés par la vie, entre détermination et désespoir ?
L’idéologie humanitaire
Face à cette misère et à cette détresse humaine, notre premier réflexe consiste à leur venir en aide. Qui ne le ferait pas ? Mais il faut être lucide, ceux que nous aidons et qui parviennent à rester chez nous, le font vite savoir à la famille et au village. Pour un qui a réussi, c’est mille autres qui se préparent à partir !
Nous sommes tous pleins de bons sentiments et nous aimerions en faire davantage, aider les migrants, non seulement les accueillir, mais aussi leur faciliter la traversée, affréter des bateaux pour cela, collaborer avec les passeurs, etc…
Dieu sait à quels excès peut nous conduire la dictature des bons sentiments ! Les intellectuels, qui se vantent d’avoir de belles âmes, ont théorisé l’aide humanitaire, depuis le fond de leur bureau fermé et sécurisé. Le besoin de faire le bien s’est ainsi érigé en dogme sans réfléchir aux conséquences.
La conséquence, c’est un appel d’air, un courant migratoire encore plus fort. Plus on accueille, plus on suscite l’envie de partir, chez les frères ou les cousins restés au pays ! Il y aura bientôt un milliard et demi d’habitants en Afrique et combien au Moyen-Orient ? La majorité d’entre eux rêvent de partir…
Qui d’entre nous est prêt à prendre une famille d’immigré chez soi ? S’il faut fixer une limite à l’immigration, à combien de millions d’individus la fixez-vous ? Et que ferez-vous des millions d ’autres que les ONG humanitaires auront aidé à venir et qui ne seront pas acceptés ?
Une proposition pragmatique
L’Europe est une entité juridique qui a des frontières qu’elle entend faire respecter, du moins je l’espère. Elle doit donc disposer d’une police des frontières.
Si vous souhaitez vous installer aux USA ou dans n’importe quel pays vous devez aller à l’ambassade ou au consulat, déposer un dossier et demander un visa. Il revient à l’Europe d’avoir des bureaux dans les différents pays où les candidats à l’émigration devront s’adresser.
L’Europe devra être en mesure de définir une politique migratoire cohérente en précisant le nombre et la qualité de ceux qui auront droit à un visa. Elle doit publier ouvertement les critères d’admission.
Inutile donc de braver le désert, les rançons de la Police, les risques de la mer et les humiliations européennes. Il suffit de déposer un dossier. S’il est refusé, il n’y a pas d’alternative car la frontière est fermée et ceux qui malgré tout parviennent sur les rives de la Méditerranée sont renvoyés.
Le flux sera vite tari et bien des naufrages seront évités, en mer ou dans le désert. Notre accueil sera alors pleinement consenti, planifié et organisé en fonction de notre capacité d’intégration. Dans mon projet, les immigrés légaux recevraient un passeport européen leur donnant la libre circulation en Europe. Plus besoin de bagarre entre pays européens pour savoir qui a une bonne ou une mauvaise âme…
Ce projet pragmatique suppose que l’Europe se dote de frontières crédibles, c’est-à-dire contrôlées et surveillées. Avec une petite armée de drones, aujourd’hui, il est facile de surveiller les mers et les cols alpins ! L’Europe existera le jour où elle saura défendre ses frontières et elle accomplira sa plus belle mission humanitaire en évitant bien des drames et des souffrances.
Merci de faire circuler cette chronique autour de vous et même à vos dirigeants…
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