752 – RELIGIONS ET BONHEUR

Qu’est-ce qui nous rend heureux dans un monde hostile ? Existe-t-il des facteurs qui prédisposent au bonheur ?

Notre modernité du 21èmesiècle ne semble pas prédisposer au bonheur car notre matérialisme acharné nous barre la route d’un dialogue à l’Autre et au monde. Nous sommes comme aveuglés par nos désirs de performance et d’accumulation, dans une logique de concurrence et dans un « toujours plus » sans fin et frustrant.

Dans ma dernière chronique j’ai montré que notre modernité se joue entre deux pôles opposés et contradictoires qui sont l’aliénation et la résonance. (Voir chronique 751 – Comment réenchanter le monde ?)

Le propre de la société moderne tardive est sa facilité à imaginer sa propre fin apocalyptique… Virus, bombes atomiques ou catastrophes climatiques, guerres ou maladies, menaces mortelles intérieures ou extérieures. Cette peur latente nous envahit et constitue sans doute le symptôme le plus marquant d’une société malade.

Oasis de résonance

Dans ce contexte, la recherche du bonheur semble aléatoire alors qu’au contraire nous avons besoin de relations, d’interconnections, d’échanges et pour tout dire de « résonance » pour reprendre le mot des sociologues.

Dans ce monde hostile, froid et muet, il existe des oasis où puiser une énergie bienfaitrice qui peut nous aider à être heureux, malgré tout.

Malgré les assauts qu’elle subit de la part des cyniques et des désabusés, la famille demeure une oasis de résonance pour beaucoup d’entre nous. Même les familles éclatées parviennent souvent à se reconstruire et procurer des interconnections riches et fertiles entre ses membres. Au cours des aléas de la vie, c’est auprès de la famille que l’on vient se ressourcer, car on y trouve une écoute.

Les jeunes parents sont aujourd’hui plus proches et plus à l’écoute de leurs enfants que dans les générations précédentes et cela leur donne une force qui leur permettra de mieux survivre dans le monde hostile qui les entoure.

Par ailleurs, la nature constitue une source précieuse d’interactions. Nous ressentons ce besoin de nature et il ne fait pas de doute que ceux qui vivent dans, ou proche de la nature, ont une chance qu’ils apprécient. Il existe chez les citadins un « besoin de nature » qui signifie que nous en sommes issus, que nous en faisons partie, c’est pourquoi nous en rêvons.

Nous communiquons avec la nature et nous ressentons ce besoin vital de se laisser imprégner, de sentir son souffle. La prise de conscience écologique est toujours accompagnée d’un plus grand respect pour cette « nature mère » qui nous nourrit.

Le sport est parfois aussi un havre de résonance et d’échange, source de joie et d’enthousiasme pour de nombreux citoyens. Ce sentiment d’adhésion à une équipe permet de souder un peuple et de transcender ses divisions, en ce sens, le sport pourrait nous réenchanter provisoirement. Hélas, le sport est trop souvent devenu un lieu de super-performances et d’échappe pas au « toujours plus » ambiant. Les compétitions sont souvent accompagnées d’une agressivité qui annihile toute possibilité de résonance.

L’autre ciment qui relie les citoyens et les peuples, en participant à leur bonheur et à leur épanouissement, se trouve du côté de la spiritualité et de la religion.

Les religions du Livre

Selon le sociologue Harmut Rosa, déjà cité ici, « l’idée même de texte saint, de salut et de temps sacré, le déroulement d’une année liturgique, tout cela parait extrêmement réfractaire aux impératifs de l’innovation, de l’accélération et de l’accroissement » qui sont les caractéristiques d’une société aliénante.

Les religions apparaissent donc comme l’antithèse de la logique moderne de croissance. Ainsi « les idéologues islamistes rejettent toute forme de transformation et d’adaptation… Les partisans du wahhabisme et du salafisme partout dans le monde propose une forme radicale de protestation contre la dynamisation effrénée de la modernité occidentale », précise Rosa.

Or on assiste aujourd’hui à un retour du religieux, c’est-à-dire du besoin de se sentir relier. Les sociologues notent tous que la religion aide à donner un sens à la vie dans un monde contemporain désenchanté et déshumanisé. La religion apparait encore comme un facteur important qui prédispose au bonheur.

Catholiques et Protestants

Le sociologue Max Weber fait une distinction nette entre la culture protestante et la culture catholique. Le protestantisme est rigoriste, sévère, rationnel et froid. Le protestant est seul devant son Dieu, puissance transcendante, inaccessible et silencieuse, il rejette toute magie. Il ne gaspille ni son temps ni son argent et participe activement à la croissance économique et culturelle. En ce sens il est mieux intégré que le catholique dans la modernité et moins protégé de l’aliénation inhérente.

L’attitude culturelle au monde marquée par le catholicisme se caractérise, selon Weber, par une sensibilité résonante plus élevée, notamment parce que les catholiques possèdent des lieux (églises, pèlerinages, calvaires), des objets (reliques, eau bénite, etc.), des actions (eucharistie, bénédiction) et des pratiques rituelles quasi magiques telles l’invocation de saints ou d’anges protecteurs.

On peut en conclure que le catholicisme génère une meilleure prédisposition à la résonance, comme peuvent en attester la ferveur des croyants lors de cérémonies et de pèlerinages. Ils sont sans doute moins bien intégrés dans la modernité, moins riches, mais plus heureux.

Quoi qu’il en soit, l’adhésion à une religion ou a un mouvement spirituel favorise le bonheur car on se sent relié au sein d’une communauté qui partage les mêmes valeurs. La spiritualité apparait comme un facteur prépondérant de résonance, de vibration, de communion et de bonheur, face à un monde extérieur souvent hostile et froid. Noël en famille est une occasion d’un amour partagé, principale source de résonance et de bonheur.

 

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2 commentaires

  1. Et comme d’hab’ l’existence des orthodoxes (chrétiens tout aussi catholiques que ceux de Rome) est parfaitement ignorée…
    Saurons-nous jamais réparer le schisme de 1053 ?

  2. Les Orthodoxes ne sont pas ignorés. Ils font partie des chrétiens. Nous mentionnons ici les Catholiques et les Protestants qui sont très majoritaires en Europe et qui correspondent a deux cultures très différentes. Les Orthodoxes sont culturellement plus proches des Catholiques romains, bien qu’ils en soient séparés depuis mille ans!

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