766 – RESILIENCE DES TRAUMATISMES D’ENFANCE

Les traumatismes subis durant l’enfance ont de graves conséquences sur la santé physique et psychique future. Pourquoi certains s’en sortent mieux que d’autres et parviennent à se reconstruire ?

Les sévices que certains enfants subissent sont extrêmement variés. Il peut s’agir de carences nutritionnelles ou de carences affectives, d’extrême pauvreté, de la perte des parents, de période de famine, de traumatismes provoqués par la guerre, par les camps de refugiés ou les émigrations forcées. Mais il peut s’agir aussi de violence domestique, de sévices sexuels ou de déchéance alcoolique.

Nous savons que face à l’adversité, les uns et les autres font preuve de plus ou moins de résistance. Certains parviennent à s’adapter aux pires situations, d’autres sont broyés. Quoi qu’il en soit, on sait que les traumatismes d’enfance laissent chez certains des traces indélébiles alors que d’autres parviennent à se reconstruire grâce à un processus que l’on nomme « résilience ».

La question que se posent les spécialistes de ces drames est la suivante : d’où vient la force qui permet cette résilience, cette guérison parfois possible ?

Les conséquences à long terme

Il a tout d’abord été établi, dans les années 80, un fort lien entre la malnutrition in uteroou dans la prime enfance et l’incidence du diabète de type 2, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires chez l’adulte. Il fut même démontré qu’un faible poids à la naissance augmentait le risque diabétique plus tard.

Par exemple, durant la deuxième guerre mondiale, une région des Pays-Bas fut coupée de ravitaillement pendant une longue période, suite au déraillement d’un train. Il s’en est suivie une terrible famine durant tout un hiver. Il a été démontré que les survivants ont eu une plus forte incidence de maladies cardiovasculaires et de troubles cognitifs et métaboliques.

Les chercheurs ont alors émis l’hypothèse que des conditions très difficiles dans la jeunesse induisait une réponse physiologique qui favorisait la survie à court terme avec une adaptation de l’organisme à de nouvelles restrictions. Si un tel organisme se trouve soudain en période d’abondance il va générer des maladies dégénératives spécifiques de la surnutrition.

En 1995, un groupe de chercheurs californiens publièrent les résultats d’une étude intitulée « Adverse Childhood Experience » et portant sur 9500 adultes ayant subis des traumatismes et des sévices étant enfants. Ils les classèrent en 7 catégories différentes, allant de l’abus sexuel à la violence domestique en passant par le suicide d’un membre de la famille et des comportements à risque. Ils purent alors mettre en évidence une augmentation du risque de contracter un cancer, une maladie cardiaque ou une autre maladie métabolique, d’un facteur allant de 4 à 12 fois, suivant l’importance des traumatismes subis !

Ceci démontre combien les premières années de la vie sont primordiales, non seulement pour la santé mais aussi pour la construction de la personnalité. L’enfance maltraitée soulève notre colère et notre chagrin, à une époque où elle est encore si répandue, en Occident certes, mais aussi dans la misère du tiers monde et dans nombre de pays en guerre, souvent suite à notre propre intervention.

La résilience chez les babouins

La question demeure de savoir quelles sont les circonstances et les facteurs qui peuvent compenser les effets délétères d’un mauvais départ dans la vie ?

Pour répondre à cette question, il est utile de faire un tour du côté du monde animal pour voir ce qu’il en est. Il se trouve que des primatologues, Jeanne et Stuart Altmann, ont étudié avec une grande précision, pendant 34 ans, la vie sociale d’une communauté de babouins, en liberté dans le parc national Amboseli au Kenya.

Les époux Altmann ont parfaitement démontré, dans une étude publiée en 2016, que l’adversité en début de vie réduit de façon considérable sa durée. En analysant la vie de 196 femelles babouins sauvages sur toute sa durée, ils conclurent que vivre dans sa prime enfance une période de sécheresse, des portées rapprochées ou la mort de la mère diminuait l’espérance de vie des babouins de 10 ans en moyenne, ce qui est considérable sachant que sa durée de vie maximum est de 30 ans !

Mais leurs travaux sont allés plus loin. Ils démontrèrent que les babouins qui ont le plus souffert de l’adversité étaient ceux qui étaient isolés socialement. Ils ont établi un index de sociabilité qui rend compte des diverses interactions entre animaux et des liens sociaux.

C’est ainsi qu’ils montrèrent que la fertilité des femelles, et leur longévité, étaient plus dues à l’importance de leurs connections sociales qu’à leur rang dans la hiérarchie de dominance. Car en effet, les babouins ont des amis…

L’importance des liens affectifs

Ce qu’il faut conclure de ces observations sur l’animal, c’est que la résilience est facilitée par des liens sociaux, amicaux et affectifs. Il existe une plasticité physiologique et sans doute psychologique qui aide à la résilience. L’étude sur les babouins est intéressante car elle est indépendante des autres facteurs de prise en charge que l’on a chez les humains. Dans la savane, il n’y a pas d’hôpitaux ou de psychologues pour les babouins !

Ces travaux rejoignent ce que l’on observe chez les humains où l’on sait que la misère et les privations ont un puissant impact négatif sur la santé et la longévité, indépendamment des mauvaises habitudes alimentaires. Il fut aussi démontré une corrélation entre le viol dans la jeunesse et l’obésité à l’âge adulte.

Ces résultats sont intéressants car ils ouvrent des perspectives dans deux directions : d’un côté ils mettent en évidence de nouveaux facteurs comme causes des maladies, d’un autre côté elles permettent d’envisager de nouvelles approches pour faciliter la résilience.

Cultiver les liens sociaux et affectifs parait essentiel pour rester en bonne santé longtemps et pour mieux surmonter les vicissitudes de la vie, même les plus anciennes.

Peut-être le savions-nous déjà, mais il faut le répéter, l’amour guérit. C’est peut-être même la meilleure thérapie, préventive et curative. Rappelons-le, l’environnement social et affectif influence jusqu’à notre génome. Cultivons nos relations affectives, c’est la meilleure des assurances santé et cela c’est notre choix. Nous sommes donc, en partie, responsables de notre santé…

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