La censure est de retour ! Il faut singulièrement manquer de bon sens et de modestie pour s’arroger le droit de condamner les comportement d’hier avec les idées et les préceptes d’aujourd’hui ! Nos descendants auront-ils la même sévérité avec nous-mêmes ?
Les idées peuvent être aussi nocives que les virus et se répandre sur la planète sous forme de lubies mondialisées ou de modes planétaires. C’est ainsi que des ignares et des cuistres, épris de passion justicière, se répandent dans les media et sur les réseaux sociaux pour décréter des oukases, a posteriori, et jeter l’opprobre sur des personnages historiques ou des périodes de notre Histoire.
La fièvre iconoclaste
Parmi les maux qui affligent nos sociétés, le racisme serait le plus grand fléau qu’il conviendrait d’extirper avec force lois, interdits et censures, un peu à la manière du tribunal de l’inquisition ! On peut douter de l’efficacité du procédé, mais il devient ridicule lorsque l’on prétend l’appliquer au passé.
Ces inquisiteurs du passé veulent débaptiser le nom des rues ou des Lycées, abattre les statues, sous le prétexte que l’un était misogyne, l’autre homophobe, un troisième était raciste, voire esclavagiste, un autre encore a perpétué des massacres. Tout cela n’est pas reluisant, mais quelle société humaine, d’hier ou d’aujourd’hui, mériterait notre approbation ?
Il faudrait commencer par déboulonner Périclès, le père de la démocratie Athénienne, proche de Sophocle et de Socrate, mais qui fut un esclavagiste, comme le fut à sa suite toutes les générations de Romains jusqu’à la fin de l’Empire.
Il faudrait déboulonner Jules César qui fut particulièrement cruel avec les pauvres habitants de la Gaule, avant de les soumettre. Que dire de Saint Louis qui, non seulement entreprit des croisades meurtrières contre les Mahométans, mais qui stigmatisa les Juifs?
L’admirable et très libéral Jefferson, cultivé et homme des Lumières, possédait néanmoins ses propres esclaves dans ses plantations du sud, le plus normalement du monde.
L’esclavage est encore pratiqué de nos jours aux confins du Sahel, en Mauritanie ou au Nord Mali, dans les villages arabes qui possèdent des esclaves noirs. Nos juges intégristes préfèrent regarder dans le rétroviseur que de s’occuper de leur temps ! Le devoir de mémoire ne nous exonère pas de notre responsabilité présente.
On voit le ridicule de ce révisionnisme culturel qui voudrait occulter tous les films et les livres qui iraient à l’encontre de nos préjugés contemporains et de la nouvelle morale. A la poubelle « Autant en emporte le vent » qui dresse un portrait trop flatteur des sudistes et une image pas assez féministe d’une Scarlett O’ Hara trop coquette au goût des nouveaux censeurs.
Cette attitude rappelle trop la « Révolution Culturelle » entreprise par Mao il y a plus de 55 ans avec son « Petit Livre Rouge ».
Humilité face à l’Histoire
L’histoire nous aide à comprendre le présent et le fonctionnement des sociétés humaines. Mais, elle doit aussi nous faire prendre conscience combien les mentalités évoluent et les lois changent. D’un pays à l’autre, d’une époque à l’autre, les crimes et les délits ne se valent pas et sont à géométrie variable. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! » écrivit Blaise Pascal. Que dire à travers les siècles ?
Nos ancêtres, que nous sommes si prompts à condamner, auraient toutes les raisons de condamner nos comportements d’aujourd’hui, qui hier étaient répréhensibles… Il n’y a pas si longtemps, l’avortement ou l’euthanasie étaient des crimes très graves, et justifiaient la Cour d’Assise, ils sont aujourd’hui organisés dans nos hôpitaux et pris en charge par la société. L’adultère était une faute grave, elle est désormais banalisée et est devenue un jeu. Chacun devait assistance à ses vieux parents et avait obligation de les accueillir à la maison, ils sont aujourd’hui reclus dans des maisons de retraite… etc.
Le futur est devant nous
Ceci devrait enseigner un peu d’humilité aux jeunes générations qui s’enflamment vite pour condamner le passé avec leurs préjugés d’aujourd’hui. C’est une posture facile, pourtant ils risquent eux-mêmes d’être jugés demain par leurs descendants. La liste est longue des méfaits de notre civilisation d’aujourd’hui que nous sommes incapables de modifier.
Comment serons-nous jugés demain pour la souffrance que nous infligeons au monde animal dans les élevages industriels et les abattoirs ? Nous serons maudits par nos descendants végétariens qui pendront peut-être haut et court les mangeurs de viande!
Aujourd’hui encore, nos gouvernements sont incapables de condamner les crimes perpétués par les occidentaux en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Lybie, désormais à feu et à sang. De même, les crimes commis par Israël en Cisjordanie demeurent impunis et sont même encouragés par les Etats-Unis!
Trouverons-nous des avocats pour défendre notre mémoire, après que nous ayons pollué la planète pour longtemps et, en particulier, les eaux souterraines avec nos résidus chimiques toxiques qui interfèrent avec le système hormonal des hommes et des animaux ?
Nos descendants, qui vont hériter d’une dette colossale qui va les mener inexorablement à la ruine, seront-ils indulgents avec notre égoïsme et notre manque de responsabilité vis-à-vis des générations futures ?
C’est peut-être même nos propres descendants qui seront exterminés par notre inconséquence vis-à-vis du réchauffement climatique, alors que nous en connaissons les causes et les conséquences, sans rien faire, sauf de beaux discours plus « verts » les uns que les autres !
Alors, messieurs, préoccupez-vous des crimes d’aujourd’hui et laissez vos aïeux dormir en paix. Il est toujours plus facile d’accuser le passé car cela permet de ne pas regarder en face nos propres incohérences.
Il est nécessaire de regarder le passé pour s’en inspirer, pour repérer les erreurs commises et surtout pour éviter de les répéter en pire. Mais, nous ne sommes responsables que du présent qui prépare le futur ! Condamner le passé est une position facile qui équivaut à détourner le regard sur ses propres méfaits et à fuir ses responsabilités d’aujourd’hui… Ce monde me fait peur !
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C’est vraiment important de clarifier cela Yves et il n’y a pas un mot à changer de ton développement. Toujours ce bon sens qui caractérise tes chroniques! Francoise
Je trouve vos articles intéressants mais peut-être serait-il préférable de rappeler que quoiqu’il en soit, nous ne pouvons juger que les actes et pas les individus, cela permettrait de prendre un peu de recul et de ne tacler personne. Notamment pas celles et ceux dont les ascendants ont été exploités et dont les ressources le sont toujours comme vous l’avez expliqué dans votre chronique, “comment l’occident s’est-il enrichi?” D’autant plus que comme vous l’avez décrit avec beaucoup de justesse, notre espace de liberté et de choix individuel dépend d’une prise de conscience des conditionnements auxquels nous sommes soumis. Et, je crains que cela ne soit pas pour demain.
Merci pour vos remarques fort pertinentes