Avant de savoir si nous sommes racistes, il conviendrait de revenir à la définition du mot racisme qui est double : le racisme établit une hiérarchie des races ou/et exprime une hostilité violente vis-à-vis d’un groupe humain.
Pour tout dire, je ne crois pas que nos sociétés soient gangrenées par le racisme comme l’affirme certains media. Il existe une sorte de confusion dans l’esprit de beaucoup entre la domination de certaines cultures et le racisme.
Les tendances hégémoniques
Il n’existe non pas une hiérarchie des races, qui ont chacune des spécificités, et qui toutes méritent néanmoins le même respect dans l’acceptation de ces différences. Par contre, il existe une hiérarchie de fait entre différentes cultures. Cette hiérarchie provient de la tendance hégémonique des populations qui détiennent le pouvoir, le savoir, la force ou l’argent.
Par exemple, l’hégémonie américaine sur le monde occidental se traduit par une domination totale dans de nombreux secteurs de la politique, de la culture et de l’économie, au point que chaque européen peut ressentir cette dépendance et, parfois, un certain mépris hautain. Peut-on parler de racisme ?
L’aristocrate qui s’estime au-dessus du commun des mortels et qui méprise le peuple vulgaire, est-il raciste ? Le touriste qui promène son ennui dans les pays du tiers monde et se croit supérieur parce qu’il peut marchander une babiole à trois sous, n’est pas raciste pour autant.
Je me souviens être entré, il y a fort longtemps, dans une boutique du quartier anglais de Montréal et, m’adressant en français, m’entendre répondre : « Speak white ! ». Je n’ai pas pensé une minute que j’étais victime de racisme.
Il s’agit non pas de racisme, mais de rapport de domination, comme entre le maitre et l’esclave. Les hiérarchies sociales étaient autrefois très fortes en Europe, sous forme d’une pyramide de domination, comme elle l’est encore en Inde. L’Intouchable n’est pas victime de racisme mais il est sociologiquement dominé.
Chaque peuple, au cours de l’histoire, a connu sa période de domination et de mépris pour les peuples soumis. Il y eut la Chine impériale, puis le déclin au cours duquel l’Occident exerça sa domination. Aujourd’hui, nous assistons à un renversement des dominations qui permet à la Chine de s’imposer avec force et de montrer sa supériorité, sous-tendue par un nationalisme agressif.
Les arabes ont eu leurs heures de gloires et de domination qu’ils exercèrent sans état d’âme sur les peuples soumis en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe du sud. Ils éprouvent aujourd’hui quelques ressentiments lorsqu’ils évoquent leur grandeur passée et leur soumission qui a suivi. On peut comprendre cette frustration et cette nostalgie, mais l’accusation de racisme vis-à-vis de peuples dominants semble hors de propos.
La domination de l’Occident
Pendant des siècles, l’Europe fut dominatrice car, d’une part, elle avait acquis des connaissances scientifiques et techniques qui lui assurèrent la suprématie et, d’autre part, elle parvint à un haut niveau d’organisation sociale qui la rendit plus efficace que bien d’autres peuples.
Les européens possédaient ainsi la connaissance technique, la force militaire et la puissance financière, c’est-à-dire tous les éléments pour lui assurer la domination et le pouvoir sur les autres peuples. C’est ainsi que les principaux pays européens se lancèrent à la conquête du monde. Doivent-ils en avoir honte ?
Lors de leurs voyages, les marins européens prirent conscience de la supériorité de leur civilisation sur le plan de l’efficacité. Les civilisations qu’ils rencontrèrent en Amérique, en Océanie ou en Afrique étaient parfois très sophistiquées et remarquables par bien des points de vue, mais très fragiles et ne possédant pas le niveau de technicité et d’efficacité des européens.
C’est ainsi que, depuis les conquistadors qui assujettirent les peuples d’Amérique du Sud, jusqu’aux aventuriers qui colonisèrent les pays Africains et Asiatiques, les européens ont acquis cette conviction que leur civilisation était supérieure en exerçant leur domination à l’excès et, souvent, en soumettant les peuples contre leur grès.
On peut imaginer que les peuples dominés furent aussi fascinés par la force du dominant, comme les gaulois furent fascinés par la civilisation romaine. Les historiens n’ont pas souligné que Caesar fut raciste pour autant. Il fut peut-être méprisant et cruel en soumettant la Gaule, il a peut-être considéré que les gaulois étaient des rustres, comme le conquistador ou le colon ont pu le penser, mais ce sentiment excessif de supériorité ne doit pas être confondu avec le racisme.
S’il est vrai que les missionnaires ont souvent profité des avancées militaires pour s’installer chez les peuples conquis, ils avaient ce sentiment profond, et sans doute erroné, de faire œuvre civilisatrice en apportant l’école et la religion. Cette attitude paternaliste n’est pas du racisme.
On peut comprendre que les anciens peuples colonisés, dont les ancêtres étaient qualifiés de « sauvages », qui furent humiliés par les envahisseurs ou qui furent soumis à l’esclavage, éprouvent des ressentiments et de la tristesse.
A une époque où ce n’est plus l’Europe qui domine le monde, mais ses fils qui se sont installés en Amérique, il existe toujours une différence culturelle entre l’Occident dominateur et les anciens peuples soumis. Ces derniers ont ainsi conservé une sensibilité exacerbée et pointilleuse vers tout sentiment qui peut rappeler ce hiatus historique entre dominants et dominés.
Les antinomies culturelles
Tout naturellement, les petits fils ou arrières petits fils de colonisés cultivent leur propre fierté mais conservent un sentiment de méfiance vis-à-vis des blancs qui sont les anciens colonisateurs et qui dominent encore par leurs techniques et leur puissance financière.
Les différences culturelles persistent et, en un sens, c’est tant mieux, mais ces différences sont parfois mal vécues et génèrent des agressivités de part et d’autre. L’accusation de racisme est fréquemment brandie, à tort et à travers. Les antinomies religieuses qui s’exercent ici et là sont d’origine culturelle et non pas raciale !
Je ne veux pas dire que le racisme n’existe pas ponctuellement dans certains milieux, mais je réfute l’idée que notre société occidentale soit aujourd’hui raciste. Le nazisme était intrinsèquement raciste car il posait comme principe la supériorité ontologique de la race blanche. Mais ce fut une parenthèse dans l’histoire.
On voit certes des ressentiments lorsque des populations immigrées cherchent à imposer certains éléments de leur culture, difficilement solubles dans notre civilisation, cela peut générer des réactions de rejets, mais encore une fois il s’agit de culture et non de race. Ce sont généralement les individus qui refusent l’intégration et de se conformer à la culture du pays d’accueil qui accusent les autres de racistes !
On ne peut reprocher au blanc d’être blanc et d’être, en Europe, la référence qui fait que l’on va remarquer plus facilement celui ou celle qui est noir. Je lisais récemment un long interview dans le journal « Le Temps » de deux jeunes femmes de couleurs qui se plaignaient qu’on les remarque et que l’on fasse référence à leur couleur de peau et à leur origine !
L’une considérait qu’il s’agissait de clichés racistes lorsqu’on lui disait « qu’elle avait un corps de tigresse » ou qu’elle « avait le rythme dans la peau » ! Pour elles, l’absence de racisme serait de ne plus voir la couleur de peau de l’autre. Un blanc en Afrique, va vite savoir qu’il est différent ! Cette attitude constitue un abus de langage de plus en plus fréquent et on met le racisme à toutes les sauces.
Il existe désormais, chez certains, une hypersensibilité à toute remarque qui fait référence à leurs origines. Si les blancs doivent certainement remettre en permanence leurs comportements en question, les populations immigrées doivent aussi assumer leur différence et leur sentiment d’infériorité qu’ils ont hérités de leurs ancêtres.
Accuser l’autre de raciste, c’est se positionner en victime. Il faudra sans doute encore des années d’introspection pour évacuer ce sentiment d’infériorité. C’est le travail que les jeunes populations d’immigrés devront accomplir. Le jour où ils auront retrouvé leur pleine fierté, il n’y aura plus de racisme. De leur côté, les européens devront refuser le rôle de bourreau que certains essaient de leur faire porter en les culpabilisant ! Les uns et les autres devraient relire Carl Gustav Jung et sa théorie des complexes pour mieux comprendre ce qu’il appelait « notre équation personnelle ».
Sortons de la dialectique du maitre et de l’esclave, du bourreau et de la victime, et assumons notre histoire. Quel peuple peut se vanter d’avoir toujours été exemplaire ? Le racisme, c’est comme le péché, moins on en parle, moins il existe. D’ailleurs, depuis que les chrétiens ne se confessent plus, il y a beaucoup moins de péchés !
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