Nous sommes tous concernés par l’exercice du commandement, nous le subissons et nous l’exerçons, chacun à notre niveau. Mais comment être un bon chef et bien naviguer entre autoritarisme et laxisme ?
On entend souvent dire cette phrase facile : « Ah, si j’étais au gouvernement, voilà ce que je ferais !». Nous avons tous été confrontés, un jour ou l’autre, à un petit chef qui abusait de son minuscule pouvoir. Savoir commander est un art et certains ont une autorité naturelle qu’ils maitrisent bien. D’autres, moins sûrs d’eux, compensent en sadisme ce qu’il leur manque en leadership… Ainsi va le monde des humains…
Quoiqu’il en soit, il existe globalement deux façons de gouverner : la façon traditionnelle, dite « pyramidale » et l’autre plus moderne, dite « horizontale ». Ces deux mots expriment bien ce qu’ils veulent dire. Je dirais qu’entre les deux mon cœur balance au gré des circonstances et je me questionne, depuis longtemps, sur la meilleure façon de gouverner, sans arriver à trancher définitivement !
Gouverner à l’ancienne
Depuis la nuit des temps, il semble que les groupes humains ont été dirigés par un leader qui s’est imposé par sa force, ses talents ou sa position dans le clan, à l’image du pater familias, du chef de famille. Le pater familias fut donc le modèle qui évolua progressivement vers le monarque, muni de tous les pouvoirs.
La royauté est le modèle de la gouvernance pyramidale et à chaque échelon de la pyramide chacun agit par délégation, au nom du roi, duquel tout procède. Dans le système occidental, le roi est devenu en quelque sorte le représentant de Dieu sur terre, d’où il tire son autorité qui revêt alors un caractère sacré.
La filiation par le sang assure à la fois une pérennité et une légitimité au pouvoir royal qui ne peut être contesté. Ce système a perduré et fonctionné pendant des millénaires, non sans difficultés ! Les divers accrocs qui sont survenus au système dynastique ont souvent débouché sur des dictatures, pire que le mal qu’il voulait combattre.
Les dictateurs, arrivés au pouvoir par la force, acquièrent vite un pouvoir hégémonique, plus sévère encore, et finalement cherchent généralement à assoir une nouvelle dynastie qui leur succèderait. Tout étant une question de personnalité, il y eut au long des siècles, de « bons » et de « mauvais » leaders.
Les dictatures modernes
Ce type de gouvernance pyramidale, qui fonctionne par délégation de pouvoir, est encore à l’œuvre dans les entreprises contemporaines. Les entreprises familiales sont assez semblables aux dynasties politiques. Nous n’imaginons pas une entreprise efficace qui fonctionne suivant le système démocratique ! Les entreprises performantes sont de micro-dictatures dirigées par un leader aux pouvoirs très étendus et plus ou moins contrôlés par l’assemblée des actionnaires. Mais, ce qui distingue nettement un dirigeant de société d’un dictateur, c’est qu’il peut être démis de ses fonctions…
Il est intéressant de noter que le succès des micro-dictatures des entreprises capitalistes apporte la preuve indiscutable de l’efficacité potentielle des dictatures en général. Elles ont l’avantage de rechercher la meilleure efficience et sont dirigées par des leaders compétents qui ont été choisis pour leurs compétences à gouverner. Leurs pouvoirs sont cependant limités par les lois en vigueur et ils sont supervisés par l’administration publique…
Au niveau des gouvernements, il y eut au cours de l’Histoire des « dictatures éclairées » qui ont bien fonctionné, avec efficacité, et une certaine tolérance. Du temps de la République Romaine, le Sénat pouvait nommer un dictateur provisoire, chargé de tous les pouvoirs et dont la mission consistait à rétablir l’ordre et à sortir du chaos !
Les dictatures modernes, telle celle qui a cours en Chine par exemple, sont héritées à la fois du modèle entrepreneurial et des dictatures éclairées. Le leader est nommé par les représentants d’un Parti unique d’où il tire sa légitimité. Ce leader est généralement choisi pour ses compétences, mais ses pouvoirs, aussi vastes soient-ils, sont délimitées par le Parti. Cependant, un leader qui peut faire valoir ses succès peut être tenté d’étendre ses pouvoirs et leur durée, comme on peut le constater actuellement avec Xi Jinping !
Autant que l’on puisse le savoir, et à la vue du sondage réalisé par des instances étrangères, les citoyens Chinois semblent satisfaits de leur gouvernement, à une écrasante majorité… Par ailleurs, il est difficile de contester l’efficacité du régime chinois, aussi bien sur le plan économique que sur l’amélioration du niveau de vie des populations. C’est le type même d’une dictature éclairée, dans laquelle on peut bien sûr déplorer l’absence de démocratie, mais il me revient à l’esprit cette phrase de Machiavel : « Le Prince, cependant, doit se faire craindre en sorte que s’il n’acquiert pas l’amour, il évite la haine ».
Les démocraties occidentales
Le système démocratique, qui s’est installé progressivement en Occident à partir de la fin du 18ème siècle, fut considéré comme une grande avancée de notre civilisation. Cette dernière se donnant pour mission sacrée de porter urbi et orbi le flambeau de la démocratie avec l’insuccès que l’on sait.
Après deux siècles de fonctionnement chaotique, les démocraties auto-satisfaites restent persuadées qu’il s’agit du meilleur type de gouvernement. La démocratie se croyait capable d’éviter la guerre et la misère, ce fut hélas une erreur ! Elle se croyait capable de garantir la liberté d’expression, nous voyons chaque jour qu’il n’en est rien puisque même mes modestes chroniques sont censurées ! Elle prétendait apporter le seul type de gouvernance capable de développer l’économie, l’exemple chinois nous prouve le contraire…
Ce n’est un secret pour personne, les humains sont difficiles à gouverner et chaque système de gouvernance peut être perverti. La monarchie ou la dictature éclairée peut sombrer dans la tyrannie, la démocratie peut s’échouer dans la démagogie ! « Les démocraties ne peuvent pas plus se passer d’être hypocrites que les dictatures d’être cyniques » écrivit Georges Bernanos.
Personne ne fut plus lucide sur les dangers de la démocratie que le démocrate Alexis de Tocqueville que j’aime bien citer. Tout d’abord, la difficulté de choisir le leader : « Il m’est difficile de concevoir comment les hommes, qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes, pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gouvernement énergique et sage puisse jamais sortir des suffrages d’un peuple de serviteurs ».
Tocqueville percevait deux dangers pour la démocratie : d’une part la perte de l’intérêt commun au profit du nombrilisme, « Il est très difficile de se faire écouter des hommes qui vivent en démocratie, lorsqu’on ne les entretient pas d’eux-mêmes » et, d’autre part, la délégation de pouvoir qui mène à une sorte de servitude, « La concentration des pouvoirs et la servitude individuelle croitront donc chez les nations démocratiques, non seulement en proportion de l’égalité, mais en raison de l’ignorance ». Nous en sommes là !
Les principales démocraties dans le monde sont des démocraties parlementaires, ce qui signifie que le peuple confie à une oligarchie le soin de le gouverner. C’est ainsi que l’on en vient à des Républiques monarchiques dans lesquelles le pouvoir est entre les mains de quelques un qui ne sont nullement tenus d’appliquer le programme pour lequel ils ont été élus. Ce type de démocratie conduit nécessairement à la démagogie comme on peut le constater en période pré-électorale, lorsque les candidats font des promesses impossibles à tenir. Le monarque qui n’est pas élu n’a pas besoin de ce subterfuge !
Les démocraties parlementaires ne sont pas à l’abri de sombrer dans la dictature d’une oligarchie qu’aujourd’hui on dénomme, de façon abusive, « l’élite ». On peut constater combien la frange des super diplômés exerce arrogance et mépris vis-à-vis de la masse qu’il convient « d’éduquer », c’est-à-dire de manipuler. L’époque que nous vivons en apporte un triste exemple… Le mode de fonctionnement de certaines démocraties parlementaires n’est finalement pas très éloigné du système pyramidal, comme on peut le constater en France avec une gouvernance Jacobine dans laquelle le peuple n’est jamais consulté, sauf lorsqu’il s’agit de donner son pouvoir à des tiers qui en disposent à leur guise.
La vraie démocratie horizontale
Finalement, on peut se demander si la démocratie parlementaire ne constitue pas le plus mauvais des régimes politiques car il cumule les désavantages de la monarchie pyramidale d’un côté et de la démocratie démagogue de l’autre. Sur le fond et sur les grands thèmes, elle ne tient pas compte de l’avis des citoyens, mais elle cède aux caprices d’un peuple qui exige des plaisirs immédiats et couteux. « Cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple » ajoutait de Tocqueville.
S’il existe une vraie démocratie horizontale, il ne peut s’agir que de la démocratie directe dont j’ai souvent vanté les avantages. (Lire chronique 753 « Redonner la parole au peuple »). Elle permet au peuple de s’exprimer sur tous les sujets qui le concerne directement en le questionnant régulièrement. Nulle part ailleurs qu’en Suisse la démocratie directe n’est aussi usitée et entrée dans les mœurs. Le citoyen se sent responsable car il n’a pas délégué son pouvoir à un tiers, ce qui l’éloigne des caprices juvéniles qui ont cours dans les autres démocraties immatures.
Prenons exemple sur la Suisse dont les citoyens sont priés de s’exprimer par référendum sur la pertinence d’un passe-sanitaire à la fin de ce mois de novembre !
J’ai souvent écrit que si les démocraties parlementaires ne se transformaient pas en démocraties directes, elles sombreraient dans le chaos d’abord, puis dans la tyrannie ensuite. La France en est déjà à la première étape, incapable de contrôler une partie de son territoire et de juguler une immigration massive qui la submerge, contre l’avis de la majorité de sa population. La seule chose qu’elle sait encore faire, c’est confiner sa population ou distribuer l’argent qu’elle n’a pas… Est-ce le début de la sagesse, mais je fais miennes ces paroles du Roi Ferrante dans la « Reine Morte » d’Henri de Montherlant :« Quand on vieillit, les colères deviennent des tristesses ».