1004 – UKRAINE – PALESTINE : L’OMBRE DES USA

Il serait simpliste de croire que dans les conflits, il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Il faut donc se méfier des apparences, prendre de la hauteur et tenter de comprendre l’engrenage qui conduit aux affrontements armés.

On pourrait penser que la guerre en Ukraine, décidée par les Russes, et les actes de terrorisme perpétués par le Hamas en Israël n’ont rien en commun. Mais, la guerre appelle la guerre et le Hamas a certainement profité du fait que les regards étaient tournés vers l’Ukraine pour intervenir.

Dans les deux cas, la situation était explosive et tout le monde savait qu’il suffisait d’une étincelle pour qu’un conflit armé éclate. Dans les deux cas, les USA ont pris parti, sans nuance, en faveur de l’un des belligérants, rejetant la totalité de la faute sur la Russie d’un côté et sur les Palestiniens de l’autre.

De ce fait les USA, qui se veulent maitres du monde, se sont privé de toute capacité de médiation avec pour effet d’envenimer les situations et de faire durer les conflits. Les institutions Européennes, toujours aussi naïves, ont cru bon d’emboiter le pas à l’Amérique sans modération et, par conséquent, de se trouver hors-jeu.

Il n’est pas inutile de faire remarquer que les USA ont été impliqués dans la majorité des conflits internationaux depuis la seconde guerre mondiale et ils n’en sont pas ressortis grandis : la Corée, le Vietnam, le Koweït, l’Irak et l’Afghanistan, sans parler de leurs interventions directes ou indirectes en Amérique du Sud… Après l’Ukraine, un nouveau conflit apparaitra à Taiwan, Washington ayant sans cesse besoin de montrer sa force ! C’est devenu une habitude très américaine que d’aller faire la guerre chez les autres…

Étant donné la puissance militaire des USA, on aurait pu penser qu’ils jouent un rôle d’apaisement et de médiation afin de remettre de l’ordre dans les affaires du monde. On aurait aimé qu’ils usent de leur force et de leur puissance, non pas pour attiser les conflits mais pour les apaiser. Le statut de « maitre du monde », acquis en 1945, les obligeait à prendre de la hauteur.

Hélas, nous assistons depuis 70 ans au scénario inverse. Les Gouvernements américains successifs ont un point de vue et entendent l’imposer par la force, sans nuance et sans capacité d’écouter les autres analyses. A chaque fois, ils choisissent leur camp et apportent aveuglément leur soutien stratégique à l’un des belligérants. De ce fait, ces conflits perdurent et créent d’horribles souffrances parce qu’il manque un arbitre !…

La Guerre en Ukraine était planifiée

La guerre en Ukraine fait partie d’un plan américain qui vise à dominer, militairement et économiquement, l’ensemble de l’Europe. L’Ukraine était le seul pays européen qui échappait à sa domination et qui constituait un coin enfoncé sur les flancs de l’OTAN.

La première étape de la stratégie US a consisté à fomenter les manifestations populaires de Maidan en 2014, afin de chasser du pouvoir le Président pro-russe et, à la suite d’un coup-d’état, d’installer à sa place un Président pro-occidental qui recevrait ses ordres de Washington. Cette prise de pouvoir par la force créa de fortes tensions dans la région russophile et russophone du Donbass, qui était copieusement bombardée par les forces de Kiev, sous les bons conseils et les directives des désormais amis américains. Ce conflit fut gelé par ce qui fut dénommé « les accords de Minsk » dont l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France furent les artisans. Il était prévu une certaine autonomie du Donbass et la possibilité de nouer des relations spéciales avec la Russie.

Ces accords n’ont malheureusement pas mis fin aux attaques incessantes des milices ukrainiennes, conseillées par des émissaires de Washington. C’est ainsi que, quelques années plus tard, le dévoué et zélé Zelenski, humoriste de séries télés, fut élu avec une confortable majorité à la présidence de l’Ukraine.

C’est alors que, sous la pression américaine, Zelenski accepta le principe d’installation de bases militaires américaines en Ukraine avec la promesse d’intégrer ultérieurement l’Union Européenne et l’OTAN. Cette menace directe, à l’encontre de Moscou, était aussi un message et une provocation marquant les prétentions américaines en Europe de l’Est. Le but, non avoué, étant sans doute de pousser Wladimir Poutine à la guerre afin de l’anéantir et de lui en faire porter la responsabilité aux yeux du monde.

Les Américains ont joué avec le feu en Ukraine et, par conséquent, ils portent une grande part de responsabilité dans le déclenchement d’une guerre qui devenait inévitable. Ils ont néanmoins réalisé le coup de maitre d’entrainer massivement le camp européen à leurs côtés. Il en résulte que ce conflit, privé de médiateurs et d’arbitres, est appelé à durer longtemps avec de multiples douleurs et destructions, jusqu’à ce que l’un des camps s’effondre complètement exsangue…

Gaza : une prison à ciel ouvert

Le feu couvait à Gaza depuis des décennies, encerclé et affamé par l’armée Israélienne. Année, après année, ce ne fut qu’une somme d’humiliations, de privations et d’attaques perpétuées par le geôlier de cette prison à ciel ouvert.

Dans une bande de terre de 40 kms de long et 10 kms de large, coincée entre la mer et Israel, s’entassent deux millions de personnes dont une grande partie vivent dans des camps de réfugiés, alors que 60% de la population aurait moins de 18 ans. Pas étonnant donc que la révolte soit portée jusqu’à l’incandescence et que la haine fleurisse partout, que les idéologies les plus extrémistes et radicales se répandent dans le désespoir.

Les grandes puissances portent une très grande responsabilité dans la survenue des nombreuses exactions qui sont perpétuées par les deux camps dans ce chaudron en ébullition. Une fois encore, c’est l’Amérique qui arme massivement et finance Israël, qui prend systématiquement parti pour l’État Hébreu, sans jamais chercher à faire la part des choses, sans chercher à comprendre les racines du conflit.

Washington n’a jamais imposé l’idée d’un véritable État Palestinien et, au contraire, a fermé les yeux sur les exactions Israéliennes, sur les implantations juives illégales en cis-Jordanie, sur la stupidité de cette bande de Gaza, coupée de la Palestine, encerclée et non viable.

Lorsque l’on est un témoin extérieur au conflit actuel et que l’on examine depuis longtemps une situation sans issue, que l’on observe la quantité incroyable d’exactions commises de part et d’autre et que l’on essaie d’avoir le point de vue d’un arbitre, on arrive tristement à qualifier le Hamas et l’armée Israélienne comme étant des entités terroristes, animées l’une et l’autre, par la haine et la vengeance.

Constat accablant, semblable à la violence mimétique chère à René Girard. L’histoire du peuple juif, comme celle du peuple palestinien, est une accumulation de souffrances et de morts dans laquelle ils puisent leur force. « Un seul être meurt et la solidarité de tous les vivants se trouve renforcée » affirme l’auteur de « La violence et le sacré ». Des deux côtés, les morts sont des victimes émissaires et en ce sens ils deviennent sacrés. « Il est exact d’affirmer que les morts remplacent ici les dieux », ajoute René Girard. « Le jeu du sacré et le jeu de la violence ne font qu’un ».

En ce sens, toute guerre devient sacrée, et aussi bien en Ukraine qu’en Palestine, nous nous trouvons en face de deux antagonismes symétriques. « Plus les coups se précipitent, plus il devient clair qu’il n’y a pas la moindre différence entre ceux qui les portent, alternativement ». Je vous conseille de relire René Girard, c’est le moment !

Seule une tierce organisation est capable d’imposer la paix, y compris par la force si nécessaire. Mais nous assistons, au contraire, à un clivage dans les opinions publiques entre l’Occident et les pays Arabes ou la Russie. Pas de médiateur en vue et, une fois de plus, le « maitre du monde » échappe à ses responsabilités historiques.

Finalement, et de façon ironique, la Chine sera peut-être le médiateur le mieux placé dans le conflit Ukrainien et la Russie dans le conflit Palestinien, à moins que cela soit la Turquie, dans les deux cas. Symbole et signe des temps, l’Amérique aura manqué son rendez-vous avec l’histoire ! L’Europe, quant-à-elle, s’est volontairement disqualifiée en s’alignant sur Washington, elle s’est fait harakiri… c’est la victime sacrificielle, le bouc émissaire ! Qui va expliquer à Joe Biden que « plus la rivalité tragique se prolonge plus elle favorise la mimesis violente, plus elle multiplie les effets de miroirs entre les adversaires » ?

Comment se fait-il que les gouvernants semblent incapables de comprendre qu’il n’existe pas d’effets sans cause ? La guerre ne survient jamais par hasard, elle s’anticipe et se prépare. De même la paix. Comment se fait-il qu’il se trouve toujours davantage de faiseurs de guerre que de faiseurs de paix ? Ceux que le destin ou l’histoire a placé dans des situations hégémoniques portent une plus lourde responsabilité lorsqu’ils fomentent de nouveaux conflits ou soufflent sur les braises des conflits en cours. Puisent-ils leur fierté et leur sentiment de puissance dans la contemplation de la misère des peuples dont ils détiennent le destin entre les mains ?

 

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Un commentaire

  1. Entièrement d’accord avec vous. C’est pourtant simple : à qui profite “le crime” ? Ce depuis de longues décennies. Depuis leur création, les USA sont en guerre. Telle Rome vivant de la guerre et se régénérant par elle. Dès le début du 20 ème siècle, le pré-empire nord-américain démontra déjà ses intentions de domination hégémonique en tissant sur le globe entier, principalement sur l’Europe (ancestrale !) ses réseaux économiques, politico-militaires, en y enfonçant ses “coins” culturels… J’ai cru lire un jour que les USA étaient les premiers fabricants et fournisseurs d’armes en 1914 ! Qu’ils doublèrent leur PNB entre 1938 et 1945 ! Au-delà des commentaires actuels sur les conflits en cours, il faut donc appréhender l’Histoire sur une échelle plus longue et en déduire un constat autrement significatif. Nous sommes sous la domination dure et implacable d’un empire – que l’on ne cite jamais dans les médias européens soumis pour la plupart.

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