137 – DE CAUSES À EFFETS

Rien n’arrive par hasard et tout effet à une ou plusieurs causes. Comprendre les évènements qui surviennent, c’est chercher à connaître les causes. Comprendre ce qui vient d’arriver permet de savoir ce qui va arriver. C’est ce que nous tentons sans cesse de faire dans ces chroniques, aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif. Je voudrais revenir encore une fois sur la crise économique et financière qui continue de se dérouler en « live » sous nos yeux et qui, comme prévu, ne va qu’en s’aggravant.

L’économiste Péruvien Hernando de Soto a exploré pour nous les contrées inconnues de la finance contemporaine pour éclairer notre lanterne et nous aider à comprendre. Son aïeul, du même nom, fut un célèbre conquistador qui quitta le port de Sanlucar de Barrameda en 1538 pour le nouveau monde. Son arrière petit-fils n’a pas moins de mérite en cherchant son chemin dans l’économie mondiale. Il nous fait tout d’abord remarquer que l’internationalisation des échanges au XIX ème siècle a nécessité la mise en place progressive de règles nouvelles et strictes afin d’assurer la confiance entre les vendeurs et les acheteurs. Sans confiance, il n’y a pas d’échange possible et donc, pas d’économie prospère. Il fut ainsi établi « une mémoire publique » de tous les évènements économiques, constituée de registres, de titres, de bilans, de brevets, d’actions, de contrats, de reconnaissance de dettes etc.  Le but final étant de savoir avec certitude et précision qui possède quoi et qui a des dettes vis à vis de qui.

Or, selon De Soto, ces « faits économiques » et cette « mémoire publique » on été érodés durant ces dernières années, en même temps que se sont développés des « marchés de l’ombre », hors de tout contrôle et de toute compréhension. Ainsi, lors de la crise des « subprimes » aux USA en 2008, les prêts immobiliers avaient été accordés dans une telle opacité que plus personne n’était capable de certifier qui était le véritable propriétaire des maisons. L’opacité a cassé la confiance entre les divers acteurs économiques et le système s’est bloqué. Plus personne ne voulait prendre le risque de prêter à qui que ce soit. De nombreux faits économiques n’étaient plus fiables. Une telle quantité de papiers  commerciaux avaient été éparpillés à travers le monde que personne n’avait une claire idée de leurs quantités, de leurs valeurs, du lieu où ils se trouvaient et qui finalement supportait le risque. On estimait une valeur approximative située entre 600 et 700 trillions de dollars, dispersés incognito à travers la planète, soit 10 fois la production annuelle de l’ensemble du monde ! Aujourd’hui encore, qui peut dire le montant exact et le niveau de risque des banques et compagnies d’assurances Européenne vis à vis de la Grèce, du Portugal ou de l’Espagne ?

Hernando De Soto considère que l’absence de données fiables se situe à 5 niveaux essentiels :

1-   Les crédits immobiliers n’étaient plus individualisés mais avaient été mis dans un pool commun et ensuite convertis en actions et revendus à des sociétés écrans, tout à fait anonymes.

2-   Pour compliquer les choses, les prêteurs des crédits immobiliers assurent leurs risques à l’aide d’instruments financiers aussi originaux qu’opaques. Ce sont les fameux CDS qui peuvent être revendus, de telle sorte qu’à la fin on ne sait plus qui est porteur du risque.

3-   Aux USA, les établissements financiers peuvent être exemptés d’inscrire dans leurs comptes les biens immobiliers à la valeur du marché. Lorsque que les prix baissent fortement, cette technique permet de camoufler les pertes réelles en inscrivant une valeur supérieure à la réalité. Cela signifie que la confiance dans une institution financière est souvent usurpée. C’est actuellement ce qui se passe avec un grand nombre de banques espagnoles par exemple.

4-   Certaines entreprises en difficulté financière peuvent inscrire des dettes « hors bilan », comme si elles étaient virtuelles. Ces dettes  figurent en bas de page, en termes obtus afin de semer la confusion. C’est ainsi que la société Enron, avant de mettre la clé sous la porte, avait 3500 lignes de dettes hors bilan et qui n’étaient donc pas comptabilisées.

5-   Une autre technique de camouflage de dettes consiste à inscrire la dette dans une autre monnaie que la dette réelle et avec un taux de change fictif. Cette technique est largement utilisée par l’Etat Grec. Par exemple une dette en dollars sera inscrite en Euros, en utilisant un taux de change arbitraire qui minimise la valeur réelle du dollar et donc de la dette.

En résumé, tout se passe comme si une partie considérable des échanges commerciaux et des règles comptables se font dans l’opacité, hors des contrôles et surtout sans règles strictes. C’est un peu comme si les règles du code de la route n’étaient valables qu’à certaines heures du jour et pour certaines personnes seulement, mais qu’à la nuit tombée chacun pouvait faire ce qu’il voulait. Il est d’ailleurs vrai que nombre d’accidents graves ont lieu en fin de nuit lorsque les gendarmes dorment encore ! Ce ne sont pas les règles du code de la route qu’il faut alors incriminer mais leurs applications. De même, la sortie de route de la finance internationale n’est pas de la responsabilité du capitalisme en soi, mais provient des erreurs et manquements graves de ceux qui sont chargés de le réguler et de le contrôler.

Citation du jour :

« Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère. »

Winston Churchill


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