495 – LE VENT DE L’HISTOIRE

L’histoire avance avec le temps qui passe, inexorablement, comme un torrent, paisible ou tumultueux. Peut-on arrêter son cours ou plus simplement le dévier afin que les évènements prennent une autre direction ?

Mohamed Bouazizi
Mohamed Bouazizi

 Nous avons déjà écrit sur le destin individuel (voir chronique 493). Les peuples ont-ils un destin auquel ils ne pourraient échapper, portés par des évènements qu’ils ne maîtrisent pas ? Les révolutions arabes étaient-elles inscrites, en filagramme, dans le mouvement des idées qui circulaient dans le monde musulman, bien avant le suicide de Mohamed Bouazizi, ce jeune vendeur des quatre saisons Tunisien ? Cette immolation par le feu ne fut –elle que le déclencheur d’un processus inéluctable qui couvait dans l’attente de l’explosion ? De même, quel rôle réel a joué, dans le déroulement de l’histoire, l’attentat de Sarajevo contre la personne de l’héritier du trône de l’Empire Austro-Hongrois et de son épouse, tués par un certain Gavrilo Princip, en Juin 1914 ? Les évènements qui suivirent furent également dramatiques.

Gravilo Princip
Gravilo Princip

 Bouazizi et Princip furent-ils des acteurs déterminants d’une Histoire qui aurait pu suivre un tout autre cours s’ils n’avaient pas accompli leur geste ? Ou bien peut-on admettre que, tôt ou tard, un autre déclencheur aurait de toutes façons mit le feu aux poudres, car l’Histoire était en marche et que rien ne pouvait l’arrêter? Il n’est pas facile de répondre à cette question qui donne un peu le tournis, mais on peut admettre que si les idées n’avaient pas été préparées au préalable, l’Histoire n’aurait jamais entendu parler de Bouazizi ou de Princip.

Il est indéniable que, collectivement, nous sommes soumis à « l’air du temps », c’est-à-dire que nous sommes imprégnés, de façon involontaire et sans doute inconsciente, par des idées neuves et contagieuses, par des modes qui deviennent des références, par de nouvelles façons de penser et d’appréhender le monde. Nous sommes soumis en profondeur à des courants qui circulent et qui soudain remontent à la surface, de façon inattendue. Ainsi, l’histoire avance masquée, sans que nous percevions les changements en cours. Puis un jour, tout est prêt pour le grand bouleversement. Ce qui n’était envisageable que par une minorité d’avant-gardistes, devient une évidence pour le plus grand nombre. C’est cela le vent de l’Histoire… qui soudain peut se transformer en tempête.

Ainsi les peuples prennent conscience soudainement, comme une prise en masse brusque. De très petits cristaux sont en suspension dans un grand volume liquide et, soudain, l’ensemble se fige, d’un seul mouvement, en un instant. Nous avons observé cela récemment en France à propos du mariage des homosexuels. Cette idée était loin de faire consensus et émanait de quelques milieux libertaires. Un long travail souterrain a lentement vulgarisé cette idée, a priori farfelue, pour devenir une éventualité envisageable et enfin se transformer en absolue nécessité… A partir de quel moment la marche arrière n’est plus possible et il est devenu vain d’arrêter le vent de l’histoire ?

Lorsque le vent de l’histoire n’est qu’une brise légère, on ne se méfie pas des idées nouvelles qu’il véhicule. Mais c’est sans doute à ce moment là que l’on peut intervenir, donner son opinion et ses arguments, apporter la contradiction et proposer des contre-propositions. C’est à la naissance des idées qu’il faut être présent, c’est-à-dire en famille, à l’école et dans les media. Lorsque les grands media se sont emparés d’une idée neuve pour la faire leurs, il est déjà trop tard, et le vent s’est transformé en tempête ! Ce sont les hommes qui font avancer le vent de l’Histoire, et l’attentat de Sarajevo ou le suicide du marchand ambulant sont survenus lorsque les idées étaient déjà fort échauffées.

Je ne peux m’empêcher de penser que les peuples sont responsables de leur destin et que peu de choses arrivent par hasard. Les peuples qui sont riches et prospères ont derrière eux une longue histoire de travail, d’économies et de bonne organisation. Les pays pauvres ont fait, en général, tout le ce qu’il fallait pour le devenir ! Aujourd’hui même, nous assistons en live à un scénario de ce type lorsque l’on observe les parcours différents de l’Allemagne et de la France. Jour après jour, cette dernière s’obstine dans une funeste direction qui inévitablement la mène à la ruine et à une sorte d’autodestruction dont elle demeurera totalement responsable face à l’Histoire…

Il est vrai donc qu’il existe, à chaque époque, des courants dominants et des idées dans l’air du temps. On n’arrête pas le changement qui se fait dans les têtes, mais on peut l’orienter. En effet, rien n’est jamais inéluctable et les peuples orientent leurs destins avec sagesse ou folie, selon les époques. Les peuples sont semblables en cela à chaque individu qui est maître de sa vie et libre de ses choix, à l’intérieur d’un canevas imposé.

 

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