620 – REVENU DE BASE INCONDITIONNEL

 

Que pensez-vous de cette belle idée que nous apporte le vent léger du printemps ? Le « Revenu de Base Inconditionnel », c’est-à-dire un salaire distribué à chacun, sans contrepartie, et à partir de l’âge de 18 ans ! Est-ce une utopie de plus ou bien une idée qui fait son chemin et qui un jour deviendra réalité ?

En tous cas, les Suisses n’ont pas de tabou en matière de démocratie directe et toutes les questions peuvent être posées au peuple souverain qui décide en toutes connaissances de cause. Le référendum d’initiative populaire qui vient d’être tranché par le vote des citoyens prévoyait un salaire de 2500 Francs Suisse par personne, distribué de façon universelle à chaque citoyen Suisse. Ce Revenu de Base Inconditionnel (désormais dénommé RBI) a suscité bien des débats et fait briller les yeux de nombre de jeunes citoyens.

4934955_6_0026_2016-06-04-ee49cf0-6381-8atsb1_265ad5937c2d6488ce6f8fdefa1f28d5 Il faut dire qu’il y a de quoi en faire saliver plus d’un ! Imaginez un jeune couple qui, sans lever le petit doigt, recevrait chaque mois 5000 Frs Suisse (4500 Euros). Pourquoi, dans ces conditions, se lever le matin à l’aube et s’entasser dans un train de banlieue pour aller faire un boulot ingrat, alors que l’on pourrait flemmarder un peu et prendre un petit déjeuner tranquille, puis planifier sa journée en hésitant entre une partie de tennis le matin avec ses copains et une séance de cinéma l’après-midi, en attendant l’apéro ?

Je ne sais pas si vous avez gardé de bons souvenirs de l’école et des études, mais je suis sûr qu’à 18 ans vous auriez hésité à choisir entre des années de contraintes, de bachotage, d’examens, de concours et de stress pour trouver un travail ou, au contraire, choisir une vie de loisirs, d’épanouissement personnel, de créativité et de liberté individuelle. Vous rêviez peut-être d’être musicien ou poète, mais il vous a fallu devenir comptable, cuisinier ou ingénieur car vous étiez réaliste ! Si vous aviez connu le RBI, votre vie aurait été différente, c’est très probable. Il tire sa légitimité d’un soi-disant « droit naturel » de tous sur les biens communs que l’économie exploite à des fins privées.

Les pro RBI se sont appuyés sur des sondages prévoyant, en cas d’instauration de ce fameux RBI, que 80% de la population ne changerait pas ses habitudes et continuerait à travailler tout en recevant, en plus de leur salaire, les 2500 Frs prévus. Si je calcule bien, cela fait tout de même 20% des citoyens qui s’arrêteraient de travailler, soit l’équivalent de 20% de chômage en plus, ce qui n’est pas rien. Mais, plus grave encore, le sondage ne dit pas ce que feraient les nouvelles générations qui vont arriver sur le marché du travail. Je veux bien admettre que la majorité des travailleurs d’aujourd’hui auraient la sagesse de garder leur travail, ce sont des adultes qui n’ont rien connu d’autre que le goût du travail et de l’effort, mais qui peut assurer que les jeunes auraient le même réflexe ?

Les partisans du RBI ont beaucoup insisté sur ce que pourrait être notre épanouissement personnel si nous n’avions pas besoin de travailler dur. Ils ont imaginé une vie de rêve dans laquelle les citoyens vivraient de façon détendue, sans crispation, pas nécessairement les mains dans les poches, mais attelés à des tâches qui correspondent à leur goût et à leur talent. Selon eux, le RBI aurait « une faculté libératrice et élargirait le champ des possibles ». Ce sont des belles paroles, mais seulement des paroles !

Néanmoins, ces pro RBI ont eu le mérite d’obliger la société Suisse à débattre d’un vrai sujet concernant le devenir du travail dans une société post-moderne, dominée par la robotique. Que devient la valeur du citoyen en l’absence d’un travail pour tous ? RBI ou pas, il va falloir réinventer la société de demain qui ne sera plus exclusivement basée sur la valeur du travail, et ce n’est pas un hasard si ce projet est principalement porté par les jeunes, y compris les jeunes diplômés…

revenudebase Les grands projets et les grandes idées butent toujours sur les mêmes réalités, immuables et têtues : où trouver l’argent ? Qui va payer ? Les défenseurs du RBI sont moins prolixes sur le sujet. Ils mettent en avant qu’il n’y aurait plus à financer le chômage, les allocations pour handicapés et les diverses prestations sociales, plus besoin d’assurance vieillesse non plus, puisque chacun aurait droit à ses 2500 Francs par mois. Il n’en demeure pas moins que les 3 ou 4% de chômeurs actuels seraient remplacés, dans un premier temps, par 20 ou 25% de sans emploi. Pour la suite, l’avenir du système est totalement imprévisible. L’idée de base étant que la Suisse est riche et a les moyens de payer, sans préciser pendant combien de temps elle resterait riche. L’autre idée étant que les riches sont de plus en plus riches et que les pauvres de plus en plus pauvres, et qu’il faut donc procéder à une redistribution. En effet, il faut certainement revoir le système, mais est-ce le meilleur moyen ?

Il se trouve que j’ai bien connu, à une certaine époque, les « démocraties populaires » de l’Europe de l’Est du temps du communisme. Ces sociétés avaient, en apparence, un immense avantage sur le capitalisme, à savoir qu’il n’y avait pas de chômage, pour la bonne raison qu’il était interdit ! Chacun avait donc un travail, même fictif, et donc un salaire. D’une certaine façon ces pays ont pratiqué une sorte de RBI puisque chacun recevait un revenu minimum. La seule différence était la contrepartie d’une présence, sur un lieu de « travail », souvent fictif, c’est-à-dire où il n’y avait rien à faire ! Je peux témoigner que cette garantie de revenu a eu pour effet d’enlever beaucoup de motivation à une grande partie de la population qui s’est endormie dans une sorte d’assistanat généralisé.

Je pourrais citer le cas des enclaves des peuples autochtones au Canada et aux USA qui reçoivent du gouvernement une allocation individuelle de subsistance. On pourrait s’attendre à ce qu’ils en profitent pour s’épanouir et s’enrichir intellectuellement, artistiquement ou spirituellement. En fait, des peuples entiers vivent sous l’emprise de l’alcool et de la drogue. Ils ont perdu le goût de l’effort et de la lutte. Ils sont désoeuvrés, vivent dans une profonde misère morale et le taux de suicide y est plus élevé qu’ailleurs.

Vous me direz si, selon vous, le peuple Suisse a été sage en refusant à hauteur de 77% le Revenu de Base Inconditionnel. Il paraît que les français y seraient majoritairement favorables, ce qui ne m’étonne pas d’eux, mais personne ne s’avise de leur demander leur avis ! En ce qui me concerne, je pense que c’est une belle idée, « une fleur qui sort du bitume » comme le résume joliment le quotidien Le Temps, mais qu’il ne faut pas l’appliquer ! Je crains que ses défenseurs aient une vision très idéalisée de la nature humaine…

 

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2 commentaires

  1. Personnellement, je suis d’accord avec cette politique de revenu pour tous. D’abord, il faut dire que les gouvernements en paient déjà une bonne partie en avantage sociaux telles les prestations d’aide sociale pour les plus démunis, les pensions de retraite pour les plus âgées, les allocations familiales pour les enfants, les frais de garderies pour les tous petits. Je ne parle pas d’assurance emploi et d’accident de travail parce que les travailleurs et les employeurs paient leur part directement sur le salaire et sur la masse salariale. En plus que le gouvernement pige dans cette caisse à volonté.
    Par contre le montant alloué devrait être basé sur les revenus minimum qui encouragerait les citoyens à se trouver quand même un emploi afin d’améliorer leurs conditions. Ici au Québec, les revenus d’Aide sociale est un revenu de dernier recours ce qui limite la qualité de vie. Souvent, pour différentes raisons, les bénéficiaires n’ont pas les moyens de se trouver d’emploi par manque d’instruction ou tout simplement parce qu’une fois les dépenses ordinaires payées, loyer, chauffage, nourriture, frais pour les enfants, la caisse est vide. Ce montant représente environ 75% du revenu de faible revenu, revenu ou le bénéficiaire doit faire des choix entre payer le loyer ou se nourrir. En plus que le bénéficiaire n’est pas encouragé à sortir gagner sa vie à la sueur de son front car, après un certain revenu supplémentaire, le montant alloué lui est coupé. Ce qui fait que même en travaillant, à la fin du mois, il ne lui reste presque plus rien.
    D’autres avantages au RBI :
    Le respect de l’employeur envers ses employés. Avec une telle condition, l’employeur irrespectueux pourraient se trouver seul dans son entreprise donc la qualité du travail serait augmentée sensiblement. En plus que le sentiment d’appartenance à leur compagnie ce qui augmenterait la production en qualité et en quantité.
    Le partage des richesses serait plus juste. Il est faux de prétendre que les bas salariés où les chômeurs ne contribuent pas à l’économie de leur pays. Ce sont eux qui par leurs dépenses enrichissent les plus riches. Plus de 90% des comptes bancaires contiennent moins de $2000.00. C’est avec ces petites sommes « investies sans intérêts » que les banques réinvestissent à un taux élevé.
    Toutes les enquêtes que les gouvernements font afin de s’assurer que les citoyens ont droit ou non aux services actuels, seraient abolies d’où une économie importante qui financeraient le RBI en grande partie.
    La plupart du temps, ce sont les 20% des plus riches qui s’opposent car ils se plaignent de payer trop d’impôt. C’est vrai qu’il remette en impôt 50% de leur revenu « imposable » mais il oublie de dire que leur revenu représente au minimum 75% environ des revenus de toutes la société. En plus que l’augmentation en pourcentage des revenus de cette catégorie de travailleur augmente 4 fois plus vite que celles des 40% les moins nantis. En fait tout le monde devrait avoir une augmentation équivalent au PIB car tout le monde y participe.
    Socialement, tout le monde serait gagnant : les employés seraient plus heureux au travail, les employeurs plus satisfaits de la performance de leur entreprise, un esprit social augmenté.
    En parlant d’esprit de société, si les plus riches avaient cet esprit à la hauteur de leur comptes bancaires, ce texte deviendrait caduc.

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