724 – LE REVENU UNIVERSEL EST-IL UNE UTOPIE?

De nombreux postes de travail seront confiés à des robots. Chacun aura t-il un travail ? Faut-il imaginer un revenu de base inconditionnel, sans contrepartie, pour suppléer au salaire ? Qu’ en pensez-vous ?

En 2017, il y eut un référendum en Suisse pour trancher la question de savoir si les citoyens étaient prêts à accepter de donner à chacun un revenu de base inconditionnel de 2500 frs, sans avoir besoin de travailler ni de chercher à le faire. Cette « initiative populaire » fut refusé par le peuple à hauteur de 77%.

En France, la même année, le programme du candidat à l’élection présidentielle, Benoit  Hamon, fit de cette idée nouvelle l’axe de sa campagne électorale. Il promettait la modeste somme de 650 € par personne. Il ne fut pas plébiscité !

J’ai déjà abordé ce sujet dans la chronique 620 intitulée précisément « Revenu de Base Inconditionnel » ou RBI. Arguments à l’appui, je n’étais pas favorable à cette idée quelque peu révolutionnaire, dans des pays où le travail fait partie intégrante de notre culture, de notre ADN. Le travail a chez-nous quelque chose de sacré et l’idée de le dévaluer me paraissait une utopie contemporaine irréaliste, compte tenu de la nature humaine. Qui serait assez sage pour ne pas tomber dans une oisiveté destructrice de la cohésion sociale?

L’idée fait son chemin

Il faut néanmoins accepter cette idée, elle aussi révolutionnaire, qu’il n’y aura peut-être pas du travail pour tout le monde dans les années qui viennent. Les robots, associés à l’intelligence artificielle, qui sont à l’œuvre déjà dans beaucoup d’industries, vont proliférer dans bien d’autres métiers, y compris les métiers intellectuels (chronique 655 « Affronter l’angoisse digitale »).

Nos sociétés risquent donc d’être confrontées à un changement complet de paradigme qui risque de nous obliger à modifier notre point de vue sur la notion de travail et d’oisiveté. Si nous remplaçons une partie de la main-d’œuvre par des robots, pourquoi ne pas partager équitablement la plus-value ?

Après tout, il existe déjà des aides sociales pour ceux qui sont sans revenus. En France, le Revenu de Solidarité Active ou RSA est une sorte de revenu de base quasi inconditionnel car la recherche d’un emploi ne semble pas être déterminante pour recevoir l’allocation.

Tous les pays développés ont un système d’allocation, plus ou moins généreux, pour subvenir aux besoins vitaux de ceux qui n’ont pas de travail, soit par manque d’instruction ou de qualification, soit à la suite de difficultés personnelles.

L’idée fait donc son chemin d’étendre ces aides, petit-à-petit, sous forme d’un revenu de base pour tous, à moduler de façon pragmatique en fonction des résultats concrets.

Expérimentations en cours

Plutôt que de discourir pendant des années sur le bien-fondé de cette utopie, certains ont voulu en faire l’expérience sur le terrain, en live, si je puis-dire.

La Finlande fut un précurseur en la matière : depuis le 1erJanvier 2017, 2000 chômeurs tirés au sort reçoivent 650 euros par mois sans avoir besoin de justifier quoique ce soit. Il leur est néanmoins conseillé de chercher du travail, étant donné la modicité de cette somme. Pour l’instant le gouvernement finlandais est assez discret sur les résultats, mais le premier ministre a prévenu que l’expérience ne serait pas étendue…

En France, quelques départements relèvent le défi et veulent mettre en place, à titre expérimental, le fameux RBI qui serait réservé à 20.000 personnes qui n’ont pas de travail ou un revenu très faible. Dans ce pays, 9 millions de personnes vivraient sous le seuil de pauvreté fixé à 845€ par mois. Le but serait de faire en sorte que chacun atteigne au moins ce niveau de revenu.

La petite ville de Rheinau, située en Suisse sur les bords du Rhin, a décidé de tester elle aussi cette idée révolutionnaire pour les uns et farfelue pour les autres. Il est prévu que chacun reçoive au minimum 2500 frs par mois de revenu, sans contrepartie. Il s’agit de savoir « comment l’idée même d’une subsistance garantie transforme les dynamiques de groupe, les décisions individuelles, le rapport au travail et à l’argent ».

La ville de Stockton en Californie va garantir, dès 2019, un revenu de base de 500$ par mois. Il s’agit d’un test de plus grande envergure qui est prévu pour 18 mois seulement et parrainé par Facebook. Grâce aux revenus du pétrole l’Alaska est allé plus loin en versant à chacun 1100$ par mois !

Les bénéficiaires quitteront-il leur emploi ? Prendront-ils un congé sabbatique ? ils s’investiront peut-être dans un projet collectif ? Ou ils ne feront rien?

Repérer les effets secondaires

Ces expérimentations sont enthousiasmantes car elles permettent de passer de la théorie à la pratique. Néanmoins, elles demeurent biaisées par plusieurs facteurs.

Chacun sait qu’une expérimentation à petite échelle modifie les comportements des individus, surtout lorsqu’ils savent que les journalistes du monde entier ont les yeux braqués sur leur village et sur leurs réactions.

Nos comportements changent lentement et évoluent sur le temps long, l’espace d’une génération. Les effets bénéfiques ou maléfiques peuvent survenir après des années. C’est le même problème que les expérimentations cliniques sur les médicaments ou que l’étude de la nocivité des substances chimiques. Or l’expérience finlandaise a moins de 2 ans et Rheinau veut la limiter à une année ! C’est très peu.

D’autant que la question essentielle porte, à mon avis, sur le comportement futur des jeunes générations qui n’auraient connu que le RBI. Sombreraient-ils dans une oisiveté stérile ou s’inventeraient-ils de nouveaux et passionnants challenge ?

Il y aura toujours des personnages assez sages pour échapper à ces écueils, mais je suis moins optimiste sur le devenir de la majorité d’entre eux. Le proverbe dit bien que « nécessité fait loi », c’est-à-dire que c’est l’aiguillon du besoin qui est le moteur principal de nos actions. Si la communauté prend en charge mes besoins vitaux qu’elle sera ma loi personnelle ? On en revient à la notion de Surmoi dont je parlais dans ma précédente chronique…

 

 

 

 

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3 commentaires

  1. Bonjour,

    Oui cette idée est belle mais trompeuse…

    En effet, notre fille (pourtant droite honnête, travailleuse, & sans addiction) est s’est laissée séduire par un pervers narcissique délinquant, tout un programme…

    Celui-ci relève plus de la psychiatrie que de la justice…

    Il s’adonne sans retenue à diverses addictions, alcool, cannabis & autre. Asocial, il refuse de travailler, vit donc sur le “dos de la bête” RSA, allocations, aide juridictionnelle etc., il courtoise, des filles vulnérables avec des économies dont il dilapide allègrement le capital… de plus il est soutenu financièrement par sa très chère maman & il vole tranquillement dans les supers marchés !

    Il manipule à tour de bras, il est agressif, violent & haineux (rien que çà) !

    Notre fille a eu un garçon avec cet individu qui adopte une conduite permanente en état limite.

    Ce cas est loin d’être un cas isolé & je crois qu’un revenu universel, pousserait bon nombre d’individus peu équilibrés dans ces travers.

    Du reste Voltaire n’a-t-il pas écrit que “le travail éloigne de nous trois grands maux ; l’ennui, le vice & le besoin” ?

  2. Bonjour;

    Le devellopement de la robotique et de l’intelligence artificielle va -t’il faire exploser le chomage? Rien n’est moins sur. La quantité de travail disponible sera toujours aussi considérable mais de nature différente; bref on sera toujours dans la même problématique de l’inadéquation entre l’offre et la demande: le marché sera à la recherche de spécialiste en architecture de bases de données, alors que des cohortes de bibliothécaires issus de l’Ecole des Chartes et parlant couramment le latin, chercheront désespéremment un job et en trouveront, mais comme gardiens de nuit dans des data center situés en Alaska pour rafraichir les installations…..On peut déjà imaginer leur tête à cette réjouissante persective!

    Bref, tout cela ne peut être résolu que par des actions sur le relativement long terme , pour que les formations ad hoc aient le temps de porter leur fruits.

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