L’enfant roi du 21ème siècle n’a pas beaucoup de liberté. Les parents sont à son service mais exercent souvent une pression intenable, avec un emploi du temps surchargé.
De nombreux parents ont de hautes ambitions pour leurs enfants et veulent les préparer à un avenir brillant, dans un environnement hautement compétitif qui ne laisse aucun droit à l’erreur… Dès le plus jeune âge les agendas sont surchargés entre l’école du matin au soir, les devoirs à la maison, le solfège, l’entrainement sportif et autres activités annexes.
Sans compter les enfants multilingues qui sont soumis à une pression qui les met au bord du burn-out ! Il existe de plus en plus de couples mixtes dont les enfants sont bilingues dès le plus jeune âge ce qui constitue une grande richesse culturelle. Mais c’est précisément dans ces familles que l’apprentissage des langues est devenu une obsession et les enfants sont scolarisés dans des établissements bilingues qui ajoutent deux nouvelles langues à la panoplie ! Il n’est pas rare en Suisse de rencontrer des enfants de 5 ans qui apprennent 4 langues! Ceci constitue un challenge et un stress considérable dès l’école primaire…
Les enfants stressés
« Moins de pression, plus d’enfance », c’est le slogan lancé par la fondation pour la protection de la jeunesse en Suisse qui s’inquiète de la hausse vertigineuse des cas de stress chez les enfants et adolescents. Un tiers des enfants de moins de 11 ans souffrent de problèmes de sommeil !
15% de ces enfants disent éprouver un sentiment d’abattement et de nervosité. Le surmenage est fréquent chez les adolescents au point que la moitié des 15-21 ans se disent souvent, ou très souvent, stressés. Les consultations et appels pour pensées suicidaires sont aussi en forte augmentation.
La course au succès et à la réussite a un prix et ce prix est parfois exorbitant pour certains enfants qui veulent être à la hauteur de l’ambition des parents pourtant bien intentionnés.
Absence de liberté
L’origine de cet épuisement résiderait dans le manque de temps libre dont se plaignent 90% des enfants stressés. A force de vouloir les préparer à l’avenir, les adultes finissent par oublier les besoins spécifiques des enfants. Selon une étude américaine, le temps libre dont jouissent les enfants chaque semaine a diminué de 9 heures en vingt-cinq ans.
Les parents modernes ont peur que leurs enfants s’ennuient. Et pourtant, rien n’est plus précieux pour l’enfant que de ne rien faire, de jouer sans règle et de laisser libre cours à son imagination. Aujourd’hui, les enfants ne passent en moyenne que 30 minutes dehors sans surveillance, contre 3 à 4 heures il y a quelque temps !
Selon une étude française, 40% des enfants de 3 à 10 ans ne jouent jamais dehors. Beaucoup n’ont jamais marché pieds nus sur l’herbe, alors que le contact avec la nature est essentiel à leur épanouissement. On leur parle de protection de l’environnement alors que la majorité d’entre eux n’a aucun contact avec la nature.
L’autre aspect essentiel du jeu, c’est qu’il doit être pratiqué sans entrave et de façon spontanée. Or trop souvent les parents s’imposent dans le jeu des enfants. Selon Raymonde Caffiari-Viallon qui vient de publier Loisirs et Pédagogie, « les adultes ne doivent jouer avec des enfants que s’ils sont invités par eux et ne doivent jamais prendre la direction des opérations ». Sans parler des parcs d’attraction et autres lieux de loisirs où les pas des enfants sont guidés vers des activités formatées qui laissent peu de place à la créativité et à l’imagination…
Les parents hélicoptères
Beaucoup d’adultes de plus de 50 ans se plaignent aujourd’hui du peu d’intérêt que leurs parents portaient à leurs activités et leurs études. Il se peut que, dans une génération, les enfants d’aujourd’hui se plaindront d’un surinvestissement des parents. Les américains les nomment « Parents Hélicoptères » parce qu’ils donnent l’impression de voler en permanence au-dessus de leurs bambins.
Selon les psychologues, on sait pourtant que « 60% des enfants qui décrochent à l’école le font en raison d’un problème de harcèlement scolaire ». On observerait ainsi un nombre grandissant de cas « d’apathie scolaire » ou de « léthargie académique » !
Selon la psychologue Emmanuelle Piquet qui a fondé “Chagrin Scolaire“, dédié à la souffrance à l’école : « Dès l’entrée à l’école, on voit des parents comptabiliser auprès de la maitresse le nombre d’anniversaires dans la classe, pour vérifier si leur enfant a été invité. C’est une génération d’enfants dont les parents désirent beaucoup à leur place, et leur disent ce qu’ils doivent ressentir, penser, faire… Sauf que, ce surinvestissement est contre-productif ».
Lâcher prise
L’ancienne doyenne de l’Université de Stanford raconte avoir reçu un nombre alarmant de parents réclamant de changer la note de leur rejeton, ou de lui trouver un colocataire plus sympa… Elle estime le nombre de parents surinvestis entre 35 et 40% et elle répète que cette intrusion « peut laisser les jeunes adultes sans les compétences, la volonté et le caractère nécessaire pour se connaitre et créer leur propre vie ».
Les recruteurs s’inquiètent que certains parents s’impliquent dans la carrière de leurs enfants, ils veulent même assister aux entretiens d’embauche et négocier le salaire ! D’autres contestent une mutation…
Ce surinvestissement de la maternelle à l’Université crée un sentiment d’angoisse chez les jeunes qui paraissent ne jamais être à la hauteur puisque les parents prennent tout en charge. Ceci délivre le message implicite : « Tu n’es pas capable ».
Les jeunes parents doivent apprendre à lâcher prise et à donner plus de liberté à leurs enfants aussi bien dans le jeu que le long de la scolarité. C’est la seule voie pour les rendre libres et responsables. Laissez-les respirer, laissez-les jouer seuls, laissez-les s’ennuyer, c’est peut-être le plus bel apprentissage de l’enfance… et le plus beau cadeau que vous puissiez leur faire.
Si ces lignes ne vous ont pas convaincu vous pouvez lire :
- « Pour que les enfants jouent» de Raymonde Caffari-Viallon : éditions Loisirs et pédagogie- 2017.
- « Le Burn-out des enfants» de Béatrice Millêtre, éditions Payot 2016.
- « Last child in the woods» de Richad Louv, éditions Algonquin Books.
- “How to raise an adult” de Julie Lythcott-Haims, éditions Bluebird.
- “Chagrin scolaire” sur le site a180degrés.com d’Emmanuelle Piquet.
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