Vous connaissez la célèbre formule du président français qui veut conjuguer tout et son contraire : « En même temps » ! C’est bien de ménager la chèvre et le chou pour plaire à tout le monde, mais est-ce compatible avec une stratégie politique cohérente ?
A quelques semaines de l’élection présidentielle, c’est le moment de savoir si Emmanuel Macron a la stature d’un homme d’Etat et s’il a une vision politique à long terme. Si la réponse est affirmative à ces deux interrogations, chaque électeur devra se déterminer en fonction de sa propre sensibilité.
J’ai toujours plaidé pour que l’Europe se donne les moyens d’une grande puissance politique et militaire, avec de hautes ambitions pour sauvegarder une démocratie particulièrement malmenée dans ce nouveau millénaire. Je reconnais à Emmanuel Macron d’avoir plaidé et souvent œuvré pour une Europe plus forte et plus affirmée. Cette position constante doit être remarquée à une époque où l’euroscepticisme est à la mode !
En 2017, Emmanuel Macron m’était apparu digne de mes suffrages et son discours semblait cohérent et structuré. Outre sa position pro-européenne, il faisait un diagnostic juste de la société française et de ses défis économiques. Après cinq années d’exercice du pouvoir, pouvons-nous applaudir et lui renouveler notre confiance, sachant que l’épreuve du covid puis de la guerre en Ukraine n’ont pas été des périodes faciles ?
Naturellement, chacun a sa propre vision en fonction de son angle de vue et de son environnement. Voici quelques réflexions personnelles…
Manque de stratégie énergétique
Tout dirigeant, quel qu’il soit, et a fortiori un président de la République, doit savoir où il veut conduire son peuple et son pays. Il doit donc, avec constance et détermination, rassembler les moyens pour y parvenir.
Aujourd’hui, depuis la guerre en Ukraine, tout le monde parle d’indépendance énergétique. Mais lorsque l’on dirige un pays on n’attend pas que les media soulèvent un problème pour en parler ! L’indépendance énergétique de la France n’est pas un problème nouveau… La France avait la chance d’avoir un parc important de centrales nucléaires et un savoir-faire dont peu de pays disposent.
Toutefois, intimidé par les vociférations de pseudo-écologistes, Macron avait décidé de ne plus construire de nouvelles centrales nucléaires et de fermer celle de Fessenheim, contre l’avis des experts et pour des raisons démagogiques. Sous la pression des évènements, il vient de changer d’avis, mais il a singulièrement manqué de sens stratégique en voulant annihiler des dizaines d’années d’efforts et de compétences, et en privant la France d’un atout maitre.
Il nous faut donc maintenant acheter davantage de pétrole aux Russes et de l’électricité allemande obtenue avec du charbon. Bravo les écologistes !
Le bon sens nous dicte qu’il faut toujours diversifier ses sources d’approvisionnement et ne pas dépendre d’un seul fournisseur. C’est ainsi qu’en 2003, l’Espagne, le Portugal et la France ont lancé le projet Midcat. Il s’agissait de construire un gazoduc traversant les Pyrénées en provenance d’Espagne, permettant d’être approvisionné en gaz algérien. En effet, l’Espagne dispose d’un important hub et de puissants moyens de regazéification dont la France aurait pu profiter. Hélas, en 2019, notre stratège en chef décida d’enterrer le sujet, sous la pression des écologistes qui rêvent de décroissance !
Manque de géostratégie
L’intérêt évident de l’Europe, et par conséquent de la France, c’est d’être indépendant des grandes puissances hégémoniques et de conserver un juste milieu permettant d’entretenir des liens amicaux et économiques avec toutes. Les USA, la Chine et la Russie devant être, du point de vue stratégique, à équidistance avec l’Europe. Cela nécessitait donc un rapprochement avec la Russie et une sortie de l’OTAN qui était une organisation d’un autre âge, dont on voit aujourd’hui tous les inconvénients pour assurer la paix, puisque c’est son existence même qui parait menaçante (voir chronique 920 « Ces imbéciles qui nous gouvernent »).
A cet égard, notre stratège Macron n’a rien fait, si ce n’est des beaux discours. Il a cherché à jouer les médiateurs dans le conflit ukrainien, et c’était louable. Mais, il se vante de communiquer avec Poutine, et aussitôt après avoir raccroché et face aux media, il invective et traite d’assassin le maitre du Kremlin, pendant que son ministre Bruno Lemaire prétend, stupidement, vouloir détruire la Russie : on atteint le sommet de la bêtise ! Comment peut-on être médiateur sans respecter ceux avec lesquels on discute ? C’est la limite du « en même temps » : il dit que Poutine est fou et en même temps il lui demande d’être raisonnable…
Je me demande si les occidentaux ont encore une once de bon sens. On savait que Joe Biden est un peu gâteux, mais on s’attendait à autre chose avec la jeune génération ! Si l’un ou l’autre avait un peu d’intelligence, il aurait compris qu’il fallait isoler la Chine, trop hégémonique, et attirer la Russie dans le camp occidental. Ils ont au contraire poussé Poutine dans le camp chinois et Macron a œuvré dans ce sens. Manquer à ce point de vision géostratégique est affligeant !
Manque de vision historique
Un pays a une histoire, qui fut parfois brillante et parfois déplorable. Mais nous devons assumer la totalité de notre héritage. De la même façon nous assumons le passé de nos parents et de nos aïeux. Qui fut toujours exemplaire ? L’humanité a ses faiblesses, aujourd’hui comme hier.
Je reproche à Emmanuel Macron d’épouser l’idéologie à la mode de la cancel culture et du mouvement woke qui prétendent donner des leçons à l’Histoire. Au nom de la modernité et du progressisme, il conviendrait de jeter l’opprobre sur tous ceux qui nous ont précédé car ils furent dominateurs, colonialistes, racistes, xénophobes, sexistes, etc… Ces néo-progressistes ont la prétention de juger l’Histoire avec les mentalités d’aujourd’hui. Ils seront eux-mêmes jugés demain !
C’est ainsi qu’Emmanuel Macron est allé en Algérie pour dire que le colonialisme fut un crime contre l’humanité. Il devrait aller dire cela aux Corses qui se prétendent colonisés par la France ! A-t-il oublié que la France a aussi apporté la technique et la modernité en Afrique? Elle a construit des routes et des chemins de fer, elle a créé des écoles et des dispensaires, elle a, sans doute maladroitement, fait œuvre civilisationnelle. Elle fut loin d’être exemplaire, mais chacun sait que nombre de colons étaient animés de sentiments altruistes.
La colonisation de toute l’Europe par l’Empire romain fut-il un crime contre l’humanité ? La colonisation de l’Amérique du Nord par l’Angleterre fut-il un crime contre l’humanité ? Cette culture du mea culpa permanent est mortifère et empêche l’Occident d’avancer. A force de s’excuser d’exister, Macron devient insignifiant…
En une autre occasion, Emmanuel Macron nous a dit que, selon lui, il n’existait pas de culture française ! Il est supposé intelligent, mais parfois on vient à en douter… Cela ne l’a pas empêché, lors d’un autre discours, de rappeler l’importance de nourrir et choyer nos racines culturelles. Monsieur « en même temps » …
Emmanuel Macron est probablement doté d’une bonne machinerie cérébrale, mais il semble manquer de vision à distance. Il ne semble pas percevoir les énormes difficultés, présentes et à venir, provoquées par une immigration Africaine totalement hors de contrôle. La France d’aujourd’hui, vieillissante et déclinante, est incapable d’ingérer une immigration massive sans créer des troubles graves, d’autant qu’il s’agit de cultures très différentes de la culture européenne. Ceci génère une insécurité grandissante à laquelle les gouvernements successifs semblent insensibles et impuissants par manque de volonté politique.
Néanmoins, il semble poursuivre son chemin, aveugle et sourd, comme si ses beaux discours suffiraient toujours à satisfaire le peuple. Chaque auditoire a donc droit au discours qu’il a envie d’entendre. Tour à tour, il va flatter les pieds-noirs d’Algérie, les arabes, les catholiques, les vieux, les jeunes, les chasseurs, les écologistes, les féministes et tenir à chaque fois des discours contradictoires afin d’endormir tout le monde avec de belles paroles. A force de vouloir faire plaisir à chacun, il ne satisfait personne. Il donne l’impression d’être un opportuniste qui suit le courant du moment.
Naïveté politico économique
Souffler sur les feux de la guerre, comme le font les dirigeants européens et Macron en tête, c’est générer de l’inflation et une grave crise économique. Cela revient à volontairement s’affaiblir sans pouvoir en retirer un quelconque avantage. La situation va devenir d’autant plus critique que la France, grâce au fameux « quoi qu’il en coûte », est très lourdement endettée au moment où, comme on pouvait s’y attendre, les taux d’intérêt montent de façon vertigineuse. C’est le nœud coulant qui va se resserrer autour du cou !
Dans quelques mois les gens manifesteront violemment dans les rues contre la hausse des prix et Macron sera conspué ! Tel sera le résultat d’une politique suicidaire…
Emmanuel Macron prétend entretenir des bonnes relations avec tout le monde et il croit naïvement que sa parole est entendue. Dans les faits, il est naïf, et il s’est souvent fait humilier par ses interlocuteurs. Après avoir été invité en grande pompe au défilé du 14 Juillet, Donald Trump s’est moqué de lui. Après avoir été reçu à Versailles avec tous les honneurs, Wladimir Poutine a préféré discuter des choses sérieuses avec Angela Merkel. Pendant que Macron s’aplatissait devant les USA, Joe Biden décidait de quitter l’Afghanistan sans même l’informer et, plus tard, il discuta de l’avenir de l’Europe avec Poutine, sans en référer ni à Paris ni à Londres.
Macron est un mondialiste qui pense l’économie et la politique en terme généraux. C’est un apôtre de la globalisation. Mais les affaires ne sont pas faites de bons sentiments ni de discours lyriques. Les affaires sont liées à la géopolitique et à la dure réalité. Encore une fois, par naïveté, le président français a été trompé par les Américains dans l’affaire du contrat concernant la vente de sous-marins avec l’Australie.
Emmanuel Macron est un européen convaincu et se vante d’avoir des relations privilégiées avec l’Allemagne. C’est bien, mais quand les Allemands décident de s’armer, ils ne choisissent pas du matériel français, ni même européen, mais du matériel made in US, comme les F35 en cours de commande !
La France peut se vanter de posséder quelques fleurons dans le domaine de la haute technologie, à l’instar d’Alstom qui fabriquait des turbines et qui fut vendu à General Electric avec la bénédiction d’Emmanuel Macron. Il parait que des discussions sont en cours pour le rachat de ce secteur, au double du prix de cession. Cela s’appelle faire des affaires !
Voilà donc un président qui non seulement n’est pas très doué pour les affaires mais qui, en outre, semble manquer de perspicacité dans ses relations internationales… D’une façon générale il est apparu comme un opportuniste sans grande conviction et manquant singulièrement de constance et de détermination.
Un homme seul
Il serait l’incarnation de l’homme « liquide » pour qui la quête de sens et de repères stables a laissé place à l’obsession du changement et de la flexibilité. « L’homme politique néolibéral, dont Macron est l’un des visages, n’hésite pas à se contredire, jouer des rôles successifs en fonction de ses intérêts et de l’auditoire du moment » analyse l’essayiste Christian Salmon, dans son livre au titre évocateur : « La Tyrannie des bouffons » !
Le principal talent d’un vrai chef consiste à savoir bien s’entourer. Mais, quand on considère la palette de ses ministres, l’on est affligé par la médiocrité. Il avait un bon premier ministre, assez populaire de surcroit, mais il a fallu qu’il en change pour mettre à sa place une bonne volonté assez falote. Le ministre de la Santé s’est avéré une calamité et aucun autre ne relève la moyenne.
Emmanuel Macron apparait comme un homme isolé, entouré de collaborateurs sans charisme et sans compétence. Il est une sorte de machine intellectuelle bien huilée, mais il est également isolé du peuple auquel il ne parvient à insuffler un élan. La demande principale du mouvement des « gilets jaunes » était l’institution d’un référendum d’initiative populaire qu’il refusa sans explication, ce qui démontre son mépris pour les citoyens. Il s’agit pourtant d’une mesure hautement démocratique, susceptible de renouer le dialogue avec le peuple, et de sauver la démocratie parlementaire de son incapacité à décider.
Emmanuel Macron sera sans doute réélu en avril prochain, mais il n’aura pas mon suffrage. C’est un homme de discours contradictoires, mais sans conviction constante, sauf sur l’Europe. On peut anticiper que son prochain mandat ne sera pas une partie de plaisir, car il va récolter toutes les mauvaises graines qu’il a semé depuis 5 ans et, en particulier, un appauvrissement rapide de la France ! A cet égard, les augures sont particulièrement pessimistes…