La Russie conservatrice était-t-elle le dernier rempart et le dernier modèle qui protégeait l’Europe du déclin et de la décadence ?
En pleine hystérie guerrière, il n’est pas facile de prendre le temps de réfléchir sereinement. L’Europe a cessé de penser par elle-même et, les yeux fermés, elle a pris le parti de l’Amérique qui voudrait anéantir la Russie…
Ni aujourd’hui, ni hier, personne en Europe n’a pris le temps d’écouter le point de vue du Président Poutine. C’est toujours le même processus, on fait la guerre ou on la subit, sans connaitre les arguments de la partie adverse. On va s’étriper sans avoir cherché à se comprendre et à s’expliquer.
On veut punir la Russie, même si les punitions que l’on impose nous font plus de mal qu’à la cible que l’on vise ! On pourchasse dans toute l’Europe et on humilie grossièrement les citoyens Russes qui n’ont rien à voir avec la guerre.
Le point de vue de Wladimir Poutine est double et il n’a jamais économisé ses mots pour le faire savoir à l’Occident, au fil des années : d’une part il veut protéger la Russie de ce qu’il considère comme la décadence des mœurs occidentales et, d’autre part, il a une vision historique du monde Russo-slave dont il veut restituer la grandeur.
Rempart contre la décadence
L’essayiste Michel Eltchaninoff, qui a analysé le substrat intellectuel du président Russe, le décrit comme « un philosophe de la mission civilisationnelle de la Russie, et aussi comme un historien ».
Wladimir Poutine a une haute idée de la place de la Russie dans le monde et il considère que sa mission consiste à la préserver. La prise de conscience de cette mission est renforcée, depuis quelques années, suite à l’observation minutieuse de la société occidentale laquelle, vue de l’extérieur, lui apparait comme décadente.
Les Russes dans leur ensemble, mais aussi nombre de pays asiatiques, voient sous leurs yeux la rapidité avec laquelle la société occidentale décline sous les effets conjugués d’un libéralisme sans entrave, d’un progressisme débridé, d’une cancel culture qui renie son passé, du wokisme, du féminisme et des mouvements LGBT, avant-gardes de la décadence.
Wladimir Poutine a suivi très attentivement les manifestations contre le mariage pour tous et ce n’est sans doute pas un hasard si certains de ses leaders s’étaient tournés vers l’ambassade de la Russie, à Paris, pour y trouver des soutiens.
Selon lui, l’offensive libérale constitue un véritable danger et le rôle de la Russie est d’attirer les conservateurs du monde entier et tous ceux qui sont opposés au politiquement correct. De ce point de vue, la confrontation avec l’Occident matérialiste, consumériste et athée est devenue inévitable pour une Russie imprégnée de christianisme et de spiritualité.
Nicolas Truong, éditorialiste dans le journal Le Monde, résumait très bien la situation en ces termes : « Selon Poutine, les Européens sont des enfants gâtés, zombifiés par la consommation, rivés à des querelles pathétiques sur la race et le genre. D’où ces révoltes de masse, comme celle des ‘gilets jaunes’ qu’il suivait de près. Face à cette décadence de l’Occident, la Russie possèderait une maturité et une supériorité qu’il faut défendre et préserver ».
En effet, les Européens ont cette fâcheuse tendance à penser que la défense de son pays, de ses valeurs et de sa culture équivaut à un nationalisme exécrable. C’est sans doute à cause de cette croyance erronée que l’Europe est si mal en point.
J’ai déjà maintes fois pronostiqué que le refus de l’Union Européenne d’inscrire dans ses fondements ses racines chrétiennes, en tant que ciment fondateur, la condamnait inexorablement à l’échec que nous constatons année après année.
Toute nation se construit autour de valeurs sacrées. Le reste est du vent. Rien ne rassemble mieux les peuples que la communion spirituelle.
Défense de la Russie éternelle
Wladimir Poutine a souvent considéré que « Kiev est la mère des villes russes » et il prétend « restaurer l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ». C’est la raison pour laquelle il était conscient que les manigances américaines, en Ukraine, consistaient à détacher ce pays de la zone d’influence russe. J’ai souvent dénoncé dans mes chroniques l’ingérence américaine en Ukraine qui dont le but était de finir l’encerclement militaire de la Russie qui, se sentant menacée dans son intégrité, en faisait un casus belli. Le péril devenait existentiel !
Poutine a toujours critiqué la politique de Lénine qui, en 1922, voulut donner aux Républiques de l’empire soviétique le droit à l’autodétermination.
La blessure originelle de Wladimir Poutine remonte à 1999 lorsque l’OTAN, sous mandat des Nations Unies, a bombardé Belgrade, pays ami et surtout pays slave. Depuis cette date il a vécu cette attaque comme une blessure profonde, preuve de la volonté occidentale de dominer les pays de l’ex-empire soviétique.
Cette domination s’est aussi manifestée par l’installation de bases militaires dans les pays limitrophes, tout autour de la Russie. Se sentant humiliée et menacée sur tous les fronts, la guerre devenait la seule issue possible, puisque les revendications légitimes de Poutine n’ont pas été entendue. Sur ce point, les Occidentaux sont hautement responsables ! Il suffisait de garantir une certaine neutralité de l’Ukraine pour éviter la guerre…
L’alternative eurasienne
Wladimir Poutine a longtemps prôné un rapprochement plus étroit avec l’Europe mais celle-ci, manquant totalement de vision stratégique, n’a jamais été capable d’y répondre favorablement. Au contraire, de façon suicidaire, elle a continué à approuver la politique de déstabilisation menée par les USA.
Les Européens ont oublié que la Russie a aussi un front en Asie où elle dispose de soutiens. L’attitude des occidentaux a obligé les Russes d’effectuer un basculement stratégique vers l’Orient et de nouer des alliances solides en Asie, au niveau commercial et monétaire. Nous ne devons pas oublier que l’Aigle bicéphale regarde à la fois vers l’Ouest et vers l’Est.
Il ne faut pas se le cacher, le nouveau front russo-chinois a pour objectif de mettre au pas la pseudo-démocratie occidentale, y compris de contester ce qui lui reste de régime démocratique ! Autrement dit, suite à l’aveuglément des Européens nous aurons tout perdu y compris l’honneur et nous aurons gagné un ennemi sur notre front Est !
L’attentisme actuel de l’Inde, face au conflit Ukrainien, montre bien sa méfiance grandissante vis-à-vis d’un Occident sans boussole et qui semble avoir perdu la tête. Démographiquement l’Occident ne pèse pas lourd dans le monde et son étoile va pâlir. De ce déclin elle sera la principale responsable…
Après ses crimes, commis en Irak et en Afghanistan, l’Amérique prétend encore donner des leçons au monde. Cette attitude n’est pas crédible auprès de nombreux pays qui observent le déclin de l’Occident. Lorsque l’on observe le destin funeste des sociétés au cours de l’histoire, nous constatons que les peuples ont toujours avancé les yeux fermés vers le précipice. En démocratie, les conflits de civilisation se gagnent et se perdent aussi dans les urnes ! A cet égard, la France semble prendre parti en faveur de la décadence…
Il s’agit donc bien d’une guerre de civilisation que l’Europe ne peut gagner, car elle porte en elle les racines de sa décadence. Les nouvelles générations ne font plus d’enfant et ne savent même plus faire la différence entre un homme et une femme. Notre civilisation n’est plus maitresse chez elle et renie son passé, puis va cracher sur les tombes de ses aïeux. Il ne nous reste que la consommation et l’hédonisme. Le futur de notre civilisation est sans doute provisoire…
Entièrement d’accord avec ton analyse . Il faut regarder une carte de la Fédération de Russie pour comprendre quelle doit- être l’attitude de l’Europe .
Bien sûr, mais ce qui est déplorable, c’est de passer par la guerre. Combien d’innocents qui partageraient vos idées en Ukraine sont morts ou vont mourir. Que les Slaves insolent un peuple plus tourné vers la spiritualité que l’Europe… (je me demande ce qu’est vraiment “l’Europe” – oui, mais Monsieur Poutine a quand même ses responsabilités – S’il a vraiment des valeurs spirituelles en lui, ne serait-il pas plus enclin à choisir la diplomatie – ou serait-ce la faute à mr Zelenski ? D’autre part, un espagnol et un finlandais, un hongrois et un irlandais ont-ils la même nature européenne ? Ce qui gène dans cette histoire, ce sont les politiques, pas les hommes.
Nouvellement reabonnée , j ‘ai beaucoup apprécié vos analyses , merci