L’ambiance n’est pas bonne ! La peur se répand dans les chaumières et beaucoup craignent que demain sera pire qu’aujourd’hui. Une fois de plus l’humanité joue à se faire peur avec une confrontation Est-Ouest qui s’accentue dans un bras de fer mortifère…
Les guerres sont toujours calamiteuses pour les peuples qui la subissent et, lorsque l’on regarde dans l’histoire, les raisons qui ont poussé les leaders à faire la guerre sont souvent puériles ou dérisoires. La Guerre est souvent, et avant tout, une guerre des egos ! Bien des luttes inutiles et meurtrières auraient pu être évitées par le dialogue et l’écoute des arguments des uns et des autres…
Le monde coupé en deux
La Guerre en Ukraine n’échappe pas à cette règle. Wladimir Poutine avait un point de vue qui n’a pas été écouté, mais au contraire méprisé. Comme il n’a pas pu s’exprimer avec des mots il le fait avec des armes. Les Européens, qui étaient les premiers concernés sur le problème du devenir de l’Ukraine, ont été une fois de plus manipulés par les Américains qui n’ont jamais cessé de souffler sur les braises ! Poutine a été blessé dans son ego et nous avons la guerre, dont nous sommes les premières victimes et largement responsables.
Jusqu’à présent, il existait un antagonisme Est-Ouest qui se résumait à une guerre commerciale et hégémonique entre les USA et la Chine. Les autres nations étaient, en quelque sorte, des témoins attentifs ou parfois des arbitres pour que le match se déroule bien, selon les règles internationales. Mais la guerre en Ukraine a constitué un abcès de fixation qui a eu pour effet de couper le monde en deux.
Chaque pays a dû se déterminer et exprimer sa faveur pour l’Est ou pour l’Ouest, en fonction de ses intérêts ou de ses affinités historiques et géographiques. Je crois que l’Europe, qui a aussitôt choisi son camp, sans prendre le temps de réfléchir, a commis une très grosse faute qui sera lourde de conséquence. Elle aurait pu tenter le dialogue et la médiation, mais elle a choisi la confrontation immédiate.
L’Europe, principale intéressée dans le conflit, après les belligérants, a de facto obligé chaque pays à se déterminer et à choisir son camp. Le résultat est catastrophique pour les Occidentaux qui constatent amèrement qu’ils ont beaucoup moins d’amis dans le monde qu’ils pensaient. C’est ainsi qu’il s’est constitué un bloc puissant « Chine-Inde-Russie », qui pèse lourd sur l’échiquier international. Ce bloc peut compter sur l’appui tacite de l’ensemble du continent Africain, de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale.
En face, le bloc USA-Europe et les pays asiatiques qui craignent, à juste titre, l’hégémonie chinoise, en particulier la Corée et le Japon. Le monde est dorénavant coupé en deux et le match est commencé, les paris sont ouverts pour choisir le vainqueur, à moins qu’il n’y ait que des perdants !
Le choix des armes
On s’aperçoit vite que la guerre en Ukraine, en fait, n’intéresse personne, elle n’est qu’un prétexte saisi par les deux blocs Est-Ouest, pour régler leurs comptes et tenter d’imposer leur hégémonie sur le reste du monde. D’ailleurs, aussitôt, les uns et les autres ont sorti leur riposte comme s’ils étaient déjà prêts pour le combat du siècle.
Les Européens ont dégainé les premiers en s’attaquant aux biens et aux personnes. Les avoirs des Russes ont été confisqués, les comptes bancaires du citoyen Russe lambda, résidant en Europe, a vu ses comptes bloqués, sans parler des humiliations gratuites, les insultes verbales et les voitures taguées.
Les sociétés Européennes implantées en Russie ont été prié, par les gouvernements Européens, de plier bagage dans les plus brefs délais, passant par Pertes et Profits des années de travail. La place a été immédiatement prise par des sociétés Russes ou Chinoises. Il est difficile de faire mieux en termes d’autoflagellation ! C’est néanmoins ce que nous appelons des sanctions.
C’est ainsi que l’on a vue défiler sur les écrans de télévision une cohorte de va-t’en guerre irresponsables dont la préoccupation première était d’insulter et d’humilier Poutine. Nous avons vu et entendu Bruno Lemaire, le ministre français de l’économie qui n’est pas à une stupidité près, prétendre que les sanctions allaient « provoquer l’effondrement de l’économie Russe ». Aux dernières nouvelles la Russie a doublé son excédent commercial !
Les Américains et les Européens ont été en compétition pour apparaitre comme le meilleur allié de l’Ukraine et lui ont offert une panoplie assez impressionnante d’armes sophistiquées, dont ils ne verront bien sûr jamais le paiement. C’est ainsi que la guerre se prolonge avec son cortège de morts et de misères. Dans quel but ?
L’autre arme magique des Européens fut de prétendre se passer du gaz et du pétrole Russe de façon à faire plier ces derniers. Les Russes nous ont pris au mot et ont commencé à restreindre leur livraison de gaz. Le résultat de ce chantage réciproque fut de multiplier le prix du gaz par 10. L’arme des Russes est une arme de destruction massive, qui fait piètre figure par rapport à nos sanctions, non seulement elle paralyse l’économie mais elle génère chez nous une inflation que nous ne parvenons pas à maitriser. Elle est de 9,1% en zone euro, en attendant l’hyperinflation meurtrière en 2023.
L’Europe en est réduit à trouver des subterfuges pour contourner les sanctions qu’elle a elle-même édicté. C’est ainsi que depuis le début des sanctions, l’Inde importe 6 fois plus de pétrole russe… et exporte 3 fois plus de pétrole vers l’Europe : Cherchez l’erreur !
Il ne faut pas se cacher que les sanctions commerciales infligées à La Russie sont aussi douloureuses. Les Russes manquent de pièces détachées dans de nombreux domaines. Les deux tiers (66%) des importations russes de haute technologie viennent de l’Europe et des USA. Machines-outils et semi-conducteurs manquent cruellement en Russie. Des secteurs importants, comme l’automobile, se sont effondrés.
L’aviation souffre aussi : près de 70% des avions civils russes sont d’origine étrangère, et l’embargo rend leur maintenance impossible.
Dans ce bras de fer qui oppose la Russie et l’Europe, il est difficile de déterminer qui sera le gagnant, tout dépendra du soutien de la Chine. Jusqu’où est-elle prête à aider la Russie ? Sa haine et son mépris de l’Occident est un facteur déterminant. Par ailleurs, en tant qu’alliée déclarée de la Russie, elle ne voudra pas perdre la face et donner des atouts aux Occidentaux. Par conséquent, tout laisse à penser que la Chine aidera la Russie dans la durée, jusqu’à ce que les Européens frigorifiés se décident à ouvrir les vannes du pipe-line tout neuf Nord Stream 2 qui n’attends que cela !
Mais l’arme de la Chine demeure Taiwan où elle déjà commencé à titiller les Américains pour tester les réactions. La Chine est déterminée à infliger une humiliation à l’Amérique, mais elle attend son heure, lorsqu’elle estimera qu’elle sera prête…
Les paris sont ouverts
Le décor est planté pour le combat du siècle. Dans un premier temps, le match est cantonné en Europe. En Ukraine, d’abord, où les combats se poursuivent péniblement. Si Les Russes parviennent rapidement à occuper la totalité du Donbass ils peuvent en rester là. Si les combats s’enlisent, c’est mauvais pour tout le monde. Pour les Ukrainiens qui continueront à recevoir des bombes sur la tête, pour les Russes qui vont s’user et pour les Européens qui pourront alors mesurer les résultats d’une politique de Kamikaze.
L’Europe aura froid, mais surtout nombre d’entreprises ne pourront plus fonctionner. Déjà, avec l’inflation et les prix de l’énergie qui a doublé, la peur de la fermeture est dans la tête de nombreuses PME. Le super gagnant de notre politique suicidaire sera bien sûr la Chine qui ne manquera pas de pétrole Russe bon marché et va accroitre sa compétitivité.
Militairement les USA conservent une suprématie totale sur terre, dans les airs et sur mer et si elle s’impliquait davantage en Ukraine, la Russie plierait. Mais on peut être assuré que la Chine en profiterait pour mettre un pied à Taiwan… Chacun se tient par la barbichette !
Le match planétaire est à la fois militaire, économique et politique. Les démocraties contre les régimes autoritaires. L’Occident joue sa suprématie et son honneur, mais aussi son avenir ! Mais c’est l’Europe qui a pris tous les risques et elle sera perdante quoi qu’il arrive. Voilà ce qui arrive lorsque l’on manque de clairvoyance et de sens politique.
Les déclarations de Macron frisent le ridicule lorsqu’il affirme, sans rougir, que l’inflation et les restrictions énergétiques qui vont gravement et durablement accabler notre économie sont « le prix à payer pour notre liberté et nos valeurs ». Il oublie de dire que c’est surtout le prix de son incompétence et de son absence de vision géopolitique qui conduisent à affaiblir l’Europe.
La guerre en Ukraine a mis en route un processus de déstabilisation planétaire avec, en toile de fond, une lutte à mort pour l’hégémonie mondiale. D’un côté les pays du soleil levant qui sont en pleine ascension et de l’autre les pays du soleil couchant qui déclinent vers la décadence et peuvent lentement disparaitre à l’horizon de l’histoire…
D’une certaine façon, derrière la guerre en Ukraine se profile une guerre de civilisation (relire chronique 926 “Est-ce une guerre de civilisation?”).
Nous sommes à un tournant historique et il se peut que, quoi qu’il arrive, l’issue de la guerre en Ukraine accélère le déclin et l’effacement définitif de notre vieille Europe, bien fatiguée. L’Europe est déjà le vassal de l’Amérique, elle peut devenir son valet, tandis que la Chine continue à avancer ses pions.