La France est devenue le bouc émissaire de l’Afrique Francophone d’où elle est progressivement évincée, au profit de la Russie. Les mea-culpa hypocrites, permanents et répétés d’Emmanuel Macron renforcent la thèse d’une France coupable !…
Les relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique, au Nord comme au sud, n’ont jamais été aussi détestables. Elle paye, sans doute, des décennies de paternalisme « comme si elle savait mieux que les Africains ce qui est bon pour leur avenir » affirme Francis Akindès, professeur de sociologie à l’Université de Bouaké en Côte d’Ivoire. De ce fait « les citoyens des postcolonies d’Afrique francophone ont toujours l’impression, à tort ou à raison, que les décisions se prennent à Paris ».
La France est le coupable arrogant
C’est une caractéristique très française que de vouloir donner des leçons au reste du monde. La France serait la patrie de la vertu, des droits de l’homme, de l’humanisme et de je ne sais quelle autre qualité universelle, ce qui lui confèrerait le droit, ou même le devoir, de dicter leur conduite aux autres nations. Elle aime bien, en particulier, donner des leçons de démocratie…
Cette arrogance française s’est exprimée en Afrique, dans toute son ampleur, par la voix de nombreux présidents et diplomates français qui ont souvent été très condescendants vis-à-vis de leurs anciens protégés, jugés pas assez murs et expérimentés pour administrer leurs peuples.
Le général de Gaulle, qui opéra la difficile décolonisation en Afrique du Nord et en Afrique équatoriale, avait su conserver un ascendant réel sur ces pays où il était profondément aimé et respecté. Il faut ajouter qu’à cette époque, la France, troisième puissance mondiale, tenait encore son rang qui lui permettait d’être crainte et respectée. Son déclin politique, économique et social, entamé au début des années 80, s’est considérablement accéléré au cours de ce siècle. Dorénavant, la France est méprisée parce qu’elle n’est plus un modèle, ni pour l’Afrique, ni pour le reste du monde.
N’étant ni crainte, ni respectée, la parole de la France n’est plus écoutée et ses rodomontades sont tournées en ridicule et génère des réactions d’hostilité. En 2007, à Dakar, le président Sarkozy n’a pas hésité à affirmer que « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme Africain n’est pas entré dans l’histoire », une phrase péremptoire et humiliante qui ridiculise son auteur.
En 2017, Macron allait encore plus loin dans la prétention et l’arrogance en affirmant que le taux de fertilité de certains pays (sous-entendu en Afrique) constituait un « défi civilisationnel », autrement dit : les peuples civilisés ne font plus d’enfants, injonction qu’il applique à lui-même !
Mais dans le même temps, le jeune président français, apôtre de la cancel culture, n’en finit pas de condamner le passé et l’histoire. A ses yeux, nos ancêtres n’étaient que des bourreaux, des esclavagistes, des racistes et des colonialistes qui n’ont amené que des désastres où ils ont mis les pieds. Dans une tribune récente, l’essayiste Michel Onfray résume bien la situation : « Emmanuel Macron a la fâcheuse habitude de se mettre en position de soumission dans des pays étrangers, qui furent jadis colonisés par la France. En Algérie, où c’est mettre de l’huile sur le feu, mais également en Côte d’Ivoire, où il a récemment fait savoir que la colonisation était une erreur profonde, une faute de la République ».
A chaque fois qu’il met le pied en Afrique, c’est pour battre la coulpe de la France et dénoncer « les crimes de la colonisation » ou reconnaitre « la responsabilité accablante de la France » dans le génocide des tutsis au Rwanda, comme si elle n’avait fait que des exactions en Afrique, comme si elle n’avait jamais construit de route, de chemins de fers, d’écoles et d’hôpitaux !
La France ne fut pas toujours exemplaire, ni en Afrique ni ailleurs, mais quel peuple le fut au cours de l’histoire ? La France de Macron est-elle exemplaire ? C’est elle qui vient de multiplier par dix les frais de scolarité pour les étudiants africains qui viennent étudier en France ! Est-ce la meilleure façon de se réconcilier ? Dans la France de Macron, les investissements de la France en Afrique ne représentent que 4% des investissements à l’étranger…
La Russie émancipatrice
A force de courber l’échine et de plier les genoux, on est méprisé car on devient méprisable.
Un journaliste du journal Le Monde résume l’ambiance : « Alors que les offres de partenariat russes, chinoises et turques se multiplient sur le continent, « A bas la France ! » et « France dégage ! » sont aujourd’hui des slogans qui irriguent chaque manifestation contre le pouvoir dans les pays d’Afrique Francophone. Au Burkina Faso, au Sénégal, au Tchad, la colère contre Paris se greffe très vite sur les griefs à l’origine des contestations. Simultanément, une forme d’attraction semble s’établir en faveur de la Russie, dont les drapeaux se multiplient alors comme par enchantement, brandis tels des emblèmes d’émancipation ».
C’est la guerre de civilisation qui est en cours en Ukraine qui trouve des échos en Afrique. La France va payer en Afrique son stupide engagement contre la Russie en Europe. L’Occident décadent, woke, féministe et LGBT, non seulement n’est plus un modèle en Afrique, mais il est violemment rejeté.
C’est au Mali où l’humiliation est la plus cuisante et où la charge est la plus virulente. En 2013, les soldats français venus combattre les groupes islamistes ont été accueillis en libérateurs. En 2022, ils ont plié bagage en catimini, après avoir échoué à circonscrire la menace djihadiste et après avoir engagé des discussions avec les chefs islamistes, ce qui a totalement discrédité l’action de la France auprès du gouvernement de Bamako.
C’est ainsi que le gouvernement Malien s’est senti abandonné et s’est tourné vers la Russie qui a envoyé les mercenaires du groupe Wagner pour prêter main forte aux militaires. La France est éjectée et humiliée, ce qui ne l’empêche pas d’envoyer ses armes en Ukraine et de se démunir. Macron veut-il se venger de son échec au Mali ?
Je l’ai déjà écrit, nous sommes dans une guerre de civilisation, d’un côté les pays occidentaux démocratiques mais aux mœurs décadentes et, de l’autre, les pays de l’orient souvent dictatoriaux mais protecteurs des valeurs morales et éthiques traditionnelles. (Relire chronique 926 « Est-ce une guerre de civilisation ? »).
Il faut l’admettre, à contre cœur, mais le vent de l’histoire souffle désormais de l’Est. Partout, les démocraties sont en crise existentielle et morale, en déclin démographique et économique. Le dynamisme se situe à l’Est avec la Chine en tête, modèle antidémocratique terriblement efficace. Nous en arrivons à cette situation paradoxale dans laquelle les pays à régime autoritaire, Chine et Russie, sont devenus des modèles d’émancipation dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique.
La Russie ne fait que combler un vide laissé par la France en Afrique et instrumentalise une colère latente. Elle se positionne en modèle d’une « deuxième indépendance africaine » et dans les rues des capitales africaines les jeunes brandissent le drapeau bleu, blanc , rouge, mais c’est celui de la Russie !…
La France a perdu le cœur des Africains
Tous ceux qui, il y a encore 20 ans, ont voyagé en Afrique francophone, y compris au Maroc et en Tunisie, peuvent attester d’un climat apaisé, d’une réelle amitié et de complicité. Mais le vent a tourné, en même temps que la décadence économique et morale de la France. Le regard des Africains est devenu plus critique et même de plus en plus hostile.
Même dans les pays qui étaient traditionnellement les plus proches de la France, comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, le climat n’est plus le même et l’influence française est de plus en plus contestée. L’erreur de la France fut de ne pas avoir compris les changements en cours et le désir d’émancipation des jeunes générations qui entendent décider par eux-mêmes de leur destin. La France moralisatrice et détentrice du modèle démocratique est désormais violemment rejetée.
En Côte d’Ivoire, la première faute grave incombe à Jacques Chirac qui, en 2002, n’a pas appliqué l’accord de défense qui liait la France avec son ancienne colonie lorsqu’une rébellion éclata contre le Président élu Laurent Gbagbo. Ceci généra à Abidjan un « climat antifrançais » qui dégénéra en vagues de violence contre les expatriés français. Situation inconcevable à Abidjan, « la perle des lagunes » là où fut fondé le concept de Françafrique, la France était prise pour cible et dut intervenir militairement pour protéger ses ressortissants. Quel gâchis !
Au Sénégal, le pays de Léopold Senghor, poète et président pendant 20 ans, apôtre du rapprochement entre le Sénégal et la France, dont il fut même ministre, la situation s’est aussi dégradée, dès 2001, lorsque ni le président Chirac, ni son premier ministre Lionel Jospin, ne crurent bon d’aller aux funérailles du meilleur ami de la France en Afrique. C’est pitoyable de cuistrerie !
En Afrique équatoriale, la France était trop présente militairement mais pas assez socialement. Elle dispose encore de quatre bases permanentes, en Côte d’Ivoire, à Djibouti, au Gabon et au Sénégal. Sa position de « gendarme de l’Afrique » l’a enfermé dans un rôle exclusif et onéreux, tandis qu’elle laissait le commerce entre les mains de Chinois qui avaient l’immense avantage de ne prôner ni morale, ni démocratie !
En Afrique, comme ailleurs, la France n’est plus ni admirée, ni aimée, sans doute parce qu’elle n’est ni admirable, ni aimable. Macron n’est bien sûr pas le seul responsable, il n’a fait qu’aggraver une situation déjà compromise. Mais par son agitation diplomatique fébrile, ses discours grandiloquents qui font des promesses d’actions impossibles, il a contribué à ternir l’image de la France qui n’est plus respectée. Comme le résume un expert : « la relation franco-africaine est aujourd’hui habitée par le soupçon ».