990 – LA FRANCE POURSUIT SA CHUTE

Tout est symptôme ! Les émeutes qui ont agité la France et l’anarchie chronique qui sévit dans plusieurs domaines de la société française sont le signe d’une société très malade au point que nous pouvons être inquiets de son destin.

J’ai consacré de nombreuses chroniques au déclin général de l’Occident, et la France y apparait particulièrement vulnérable compte tenu de la composition hétérogène et le manque de dynamisme de sa population.

Les facteurs de fragilité de la société française sont assez faciles à discerner pour un observateur extérieur, mais l’aveuglément d’une majorité de citoyens français est en partie due à une idéologie dont ils n’ont pas encore eu la clairvoyance de se départir.

Culture de l’enfant roi

Tout commence dans l’enfance, dès la naissance et, après l’adolescence, l’éducation parentale est pratiquement terminée. Pendant cette période, nous sommes malléables physiquement et psychologiquement, perméables et sans jugement sur le monde que nous découvrons et que nous acceptons tel qu’il est.

C’est ainsi que nous devenons des êtres de culture, et nos goûts, nos opinions et aussi les peurs ou les haines sont ceux de notre environnement et s’ancrent profondément en nous. Suivant notre origine culturelle nous apprenons à aimer le camembert, le steak-frites, le poisson fermenté ou la sauterelle vivante… et bien d’autres comportements.

En Occident, la natalité est en chute libre et a encore baissé de près de 10% depuis l’épidémie de covid. Mais, tout ce qui est rare est cher ! C’est ainsi que nous avons créé l’enfant-roi qui désormais dicte ses caprices à ses parents, puis à ses maitres. L’idée qui prédomine c’est que l’enfant « sait » ce qui est bon pour lui, c’est l’enfant nature qui s’éduque tout seul. Il ne faut donc pas le contrarier dans ses désirs de toute-puissance.

Chez les parents ou à l’école, c’est la culture de la facilité et du laxisme généralisé. La moindre exigence dans le travail ou la discipline est vécue comme une brimade. Il faut gommer toute difficulté. Ce manque d’exigence et d’objectifs élevés ne permettent pas aux jeunes d’être fiers d’eux-mêmes. Ils en ressortent avec cette idée que la vie est facile et que la postmodernité les a délivrés de la nécessité de travailler dur.

Les résultats du baccalauréat français illustrent parfaitement ce climat de facilité. Ainsi, malgré le nombre de jeunes qui ne fournissent aucun effort et ne se donnent même pas la peine de venir en classe, le taux de réussite dépasse les 90 %. Ce cadeau est empoisonné car il est devenu l’illusion d’un diplôme et il ne calmera pas la jeunesse en colère.

Malaise dans la civilisation

Le laxisme généralisé et le laisser-aller ont remplacé la culture de l’effort exigeant. Tout doit être facile à avaler et à digérer comme le fast-food ! La facilité et le moindre effort sont devenus l’idéologie à la mode qui s’est infiltrée dans toute la société…

L’ensemble du système actuel ne favorise ni l’effort ni l’ambition, qui sont pourtant deux caractéristiques qui devraient animer la jeunesse. Aucune valeur haute ne lui est inculquée et qui serait susceptible de lui donner la fierté. Fierté de l’effort et fierté de la réussite ! En absence d’efforts pour l’obtenir, le succès devient méprisable. C’est la difficulté de l’effort qui fait son prix et qui forge le caractère, de la même façon que l’exercice physique fortifie les muscles.

A cela il faut ajouter la perte de tout repère, suite au brouillage culturel dans lequel nous vivons, entretenu par une idéologie post-moderne. Selon un sondage Ipsos, un enfant sur quatre se poserait des questions sur son identité sexuelle ! De nombreux jeunes ne savent plus qui il sont et n’ont pas de modèle d’identification pour se construire. Symboliquement, ils sont en manque de père, de repère et d’autorité respectée.  Le postmodernisme a tué le père comme en atteste la détestation de la police par la société française. Le refus de l’autorité mène toujours à la désagrégation de la société…

L’esprit humain s’organise autour d’un système de valeurs que nous intégrons dans notre psychisme. Quelles sont les valeurs portées par le post-modernisme, à part le relativisme qui voudrait nous faire croire que tous les comportements se valent ? Tout est permis, tout est possible, rien n’a de valeur et rien n’est sacré.

La jeunesse se retrouve face à un vide existentiel qui caractérise notre époque et qui a été bien analysé par le psycho-sociologue américain Carlo Strenger, qui décrit bien notre société dominée par l’infodivertissement, dans un livre au titre éloquent : « La peur de l’insignifiance nous rend fou ».

Selon cet auteur, « Le système de l’infodivertissement, de par sa logique interne, est conduit à rechercher et à promouvoir des célébrités remarquables par leur beauté et leur attrait physiques… Devenir une célébrité est donc, dans la culture contemporaine des mass media, un symbole de transformation de soi … par un mécanisme qui métamorphose un mortel ordinaire en demi-dieu ».

Il ajoute : « Être une célébrité est la façon dont notre culture ressuscite le fantasme du retour au paradis ». C’est ainsi que les jeunes garçons veulent être un futur Mbappé ! Le plus grand nombre d’entre eux ne peut être que déçu… A l’inverse, « rien n’est dit de la dure recherche de ce que nous sommes vraiment, de ce que sont nos dons et nos limites. C’est le contraire qui nous est vendu : pas de limites ! »

C’est ainsi que l’enfant-roi est déchu de son trône lors de la post-adolescence, lorsque surviennent les premières difficultés, face à la vie, et auxquelles il n’est pas préparé. Il se retrouve face au mur de la réalité et à la perspective de l’échec. Il prend conscience de son insignifiance d’autant plus cruellement que son Moi s’est construit autour de la chimère du succès facile.

Cette jeunesse déboussolée se trouve devant deux voies sans issues qui conduisent soit à la dépression et au renoncement, soit à la révolte et à l’agression. L’une et l’autre sont le fruit de la société postmoderne qui veut renier toutes nos valeurs traditionnelles. Les émeutiers de Paris ont encore une pulsion de vie car ils ont choisi la lutte, signe que leur désespoir n’est pas total, bien que leur frénésie de destruction soit le signe d’une pathologie grave.

Le fait que cette jeunesse en ébullition s’en prenne à la Police et aux écoles apporte la preuve que leurs griefs inconscients sont focalisés sur le système éducatif d’une part et sur le symbole de l’autorité d’autre part, l’un et l’autre gravement défaillants. Mais la réaction des certains partis politiques et des principaux media est plus grave que les émeutes elles-mêmes. Un pays qui a plus de considération pour les délinquants récidivistes et pour les émeutiers que pour sa police est un pays qui n’a pas d’avenir et qui sombrera dans l’anarchie…

Le choc des cultures

De par son histoire, la France reçoit depuis des décennies une foule de nouveaux arrivants, issue d’une autre culture, plus traditionnelle, et qui ne trouve pas ses repères et ses valeurs dans la culture occidentale postmoderne, ultra permissive.

Ces populations immigrées, malgré leur bonne volonté, ne parviennent pas à s’identifier à notre culture, trop éloignée de la leur, et souvent jugée décadente. Elles pensent que cela serait trahir leur culture d’origine et ses valeurs, qui sont aujourd’hui antinomiques de ce que sont devenues les valeurs de l’Occident. Elles vivent donc en marge, soumis à leurs propres lois sociétales, et souvent rejettent violemment la culture d’accueil. La greffe ne prend pas et le fossé se creuse entre les deux communautés qui se confrontent et même s’affrontent de plus en plus souvent.

La France paie aujourd’hui, au prix fort, les fruits de sa politique laxiste à tous les niveaux de la société. Elle n’est pas respectée, car elle n’est pas respectable. On ne respecte et on admire que ceux qui se font respecter en imposant leur autorité. Tous les partis politiques se réfèrent aujourd’hui à de Gaule, modèle de leader autoritaire et charismatique, respecté de tous car il était inflexible.

Souvenez-vous de vos années de collège ou de Lycée, les professeurs que vous admiriez étaient ceux qui savaient se faire respecter, qui savaient imposer leur autorité avec bienveillance. C’est toujours la force que l’on respecte et toujours la faiblesse que l’on méprise…

Nous avons deux communautés qui ne parviennent pas à fusionner car la France n’est plus un modèle à imiter, elle ne suscite pas le désir et la fierté de s’y intégrer. D’un côté, une population vieillissante, résignée, perméable à l’idéologie woke mortifère et sans assez de pulsion de vie pour faire des enfants. De l’autre, une population jeune, fière de sa culture, avec un indice de natalité dynamique et qui entend imposer ses propres valeurs.

Tels sont les paramètres qui permettent de mieux comprendre le climat insurrectionnel qui sévit dans une France dont l’avenir est sombre. Une jeunesse trop dorlotée, déchue de sa toute-puissance enfantine, confrontée à un avenir incertain, et qui ne parvient pas à trouver sa fierté d’exister dans un projet de vie mobilisateur. Cette jeunesse se méprise et est tentée dans une fuite en avant autodestructrice. Elle détruit les objets de ses échecs et de son ressentiment. A ses yeux, la France et ses institutions, incapables de lui donner la fierté, sont responsables de son insignifiance. Le mal est profond … Le remède ne peut être que drastique, à la hauteur du mal !

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