83 – La Roulette Russe

 

Nous aimons jouer à cache-cache avec la mort, nous aimons la titiller, la provoquer. Devant la mort nous aimons agiter le chiffon rouge du toréador. D’où vient cette prétention et cet orgueil ?

Le législateur a pris soin de faire écrire en gros caractères sur les paquets de cigarettes : FUMER TUE. Les statistiques sont affligeantes et le cancer du poumon ne cesse d’augmenter. Nous pourrions croire que nous avons un minimum de sagesse, de bon sens ou de raison pour arrêter de fumer. Mais l’homme est un animal étrange et c’est précisément le danger qui l’attire ! Pourtant chacun sait que les preuves sur les méfaits du tabac sont accablantes et les effets dévastateurs sur la santé sont visibles par tous : une peau abîmée qui devient grisâtre, une voix cassée, une toux récidivante, un souffle court sont les prémices. Puis vient la ménopause précoce, dès la quarantaine, chez les femmes et enfin le risque du cancer du poumon. (+126% en 20 ans). chez la femme de 35 à 45 ans la fréquence du cancer a été multipliée par 4 en 10 ans!

Mais qu’est-ce qui nous pousse à jouer nos vies à la roulette Russe ? En toute connaissance de cause nous pouvons continuer à fumer et, pire, laisser nos enfants fumer. Nous verrions notre enfant mettre une balle dans le barillet d’un revolver et l’approcher de sa tempe, resterions nous impassible ? Mais le tabac ne tue pas dans l’instant, il prend son temps, l’échéance n’est que reportée. Demain est un autre jour, comme irréel. En résumé le tabac est devenu la première cause de mortalité dans le monde!

Nous voulons nous prémunir de la guerre pour ne pas souffrir, pour ne pas mourir, mais nous aimons jouer à la roulette Russe. Nous aimons jouer avec notre santé, c’est à dire avec notre vie. Car il n’y a pas que le tabac, nos assiettes aussi peuvent tuer. Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité dans les pays occidentaux et sont directement liée à notre alimentation, à la fois trop abondante, trop grasse et trop sucrée. Diabète, hypertension, cholestérol, sont les trois piliers, faciles à éviter, qui traduisent une mauvaise alimentation. Mais notre capacité d’autodestruction est parfois la plus forte.

Tous les êtres vivants sont animés par une formidable pulsion de vie. La moindre graine est bourrée d’une énorme énergie vitale. Nous sommes émerveillés par la force de vie d’une simple fleur qui pousse entre deux pavés, par l’animal qui a survécu aux pires climats, par l’homme qui a survécu aux pires conditions. Pourquoi, dans le même temps, l’homme est-il soumis à une pulsion de mort de même ampleur ? Il semblerait que nous soyons le seul être vivant fasciné par Thanatos. D’où vient cette fascination ? Nous sommes capables de dépenser une énergie considérable pour survivre dans des conditions extrêmes et nous sommes aussi capables de nous auto-détruire avec le même acharnement .

Ce qui fait la différence entre l’homme et l’animal, je dirais que c’est la liberté, c’est à dire la liberté de choisir. L’animal est mû par son instinct dont il est en quelque sorte le prisonnier. Sa pulsion de vie est innée, totale, automatique et instinctive. L’homme doit sans cesse choisir entre sa pulsion de vie et sa pulsion de mort. Tel est le prix de notre liberté, de notre humanité. C’est ce qui fait à la fois notre grandeur et notre vulnérabilité. Nous sommes capables d’émerveillement et de découragement. Tous les jours nous pouvons tout remettre en question et appuyer sur la gâchette. C’est nous qui décidons, c’est nous qui créons notre vie. Telle est notre responsabilité fondamentale. Ainsi l’humanité avance d’un pas hésitant et incertain, d’un pas d’homme.

Citation du jour :

« Si la seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. La bonne voie est celle qui mène à la vie, au soleil…C’est tellement plus facile de mourir de ses contradictions que de les vivre.

Nous voilà condamnés à être plus grands que nous mêmes. »

Albert Camus, Les Justes, Acte V, (les derniers mots de Dora)

Si vous connaissez des fumeurs, merci de leurs faire suivre cette chronique

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